1998 : Risques associés aux progrès technologiques > TR 1 : Panorama de quelques risques en matière de santé, de sécurité aliementaire et d'environnement >
Discours de Jean-Pierre Ecalard : Les nouveaux risques et l'industrie agro-alimentaireDiscours de Jean-Pierre Ecalard : Les nouveaux risques et l'industrie agro-alimentaire
Directeur Scientifique du Groupe Even, ingénieur chimiste
Biographie :
ECALARD Jean-Pierre Compte rendu :
Transcription :
23 octobre 1998 TR1
Discours de Jean-Pierre Ecalard :
Résumé : Jean-Pierre Ecalard dresse un tableau sur les risques technologiques et sanitaires et rappelle que le risque est lié à toute activité humaine et il se présente dans les IAA sous une multitude de formes allant de l'incendie à la crise médiatique en passant par les contaminations chimiques ou microbiologiques. Pourtant la sécurité alimentaire et le principe de précaution sont, d’après Jean-Pierre Ecalard une préoccupation quotidienne.
Tout d'abord, parlons des risques technologiques
En France, l'année 1997 a été marquée par 79 accidents technologiques "pouvant porter atteinte à la santé, la sécurité, la salubrité publique, l'agriculture, la nature et l'environnement" soit 6,6 % du total des accidents du secteur industriel [base ARIA (analyse, recherche et information sur les accidents), du BARPI (Bureau d'analyse des risques et pollutions industrielles)]. Entre 1992 et 1997, ce taux était de 5,9 %. Les I.A.A. (industries agro-alimentaires) notamment lait, viandes et, à un moindre degré, grains et aliments pour animaux se situent dans le trio de tête des activités à risque (agriculture, transport terrestre à égalité avec l'industrie chimique). Les risques technologiques concernent surtout les rejets dangereux (53 %) et les incendies (47 %° associés aux dégâts des eaux correspondants). A l'origine, on trouve une défaillance du matériel (50 % des cas), une défaillance humaine, un défaut de maîtrise technologique, voire une malveillance. En ce qui concerne les rejets de polluants, on peut citer à l'origine de la pollution des eaux : lait, soude, acide, fuel, huiles, sang ... N'oublions pas les risques gazeux : ammoniac depuis l'interdiction de CFC, voire le chlore. Les industriels sont préoccupés quotidiennement par les risques sanitaires, les risques technologiques étant aléatoires.
Les réponses à ceux-ci sont multiples : conception des bâtiments, du choix des matériaux et des techniques mises en oeuvre, analyse des risques les plus fréquents, formation et sensibilisation du personnel aux risques, simulation des accidents et des interventions correspondantes. Dans cet esprit, le Groupe EVEN a créé un poste de "Monsieur Sécurité" depuis de nombreuses années.
A côté de ces risques, nous avons les risques "produits" ayant une incidence directe sur la santé du consommateur.
Ces risques peuvent être de trois natures : les bactéries, les risques chimiques ou de formulation, les biotechnologies. En terme de probabilité d'apparition du défaut, ils sont inégaux.
Les risques chimiques
Les risques chimiques ou de formulation sont les moins probables. En effet, une réglementation reposant sur une liste positive, la mise en place de normes de certification (ISO 9001 et 9002) , des guides de bonnes pratiques, l'utilisation de l'HACCP (système d'analyse des dangers, points critiques pour leur maîtrise) et surtout les démarches qualité d'auto-contrôle des I.A.A. (selon une enquête de la SCEES, 61 % des IAA ont une démarche qualité alors que 27 % sont certifiées) amènent à une probabilité faible. C'est ainsi que le Ministère de l'Agriculture (DGAL - Direction Générale de l'Alimentation ), dans son souci de responsabiliser les industriels, pense qu'une certification de l'HACCP élaborée par le CODEX Alimentarius affaiblirait l'obligation réglementaire de sécurité des aliments.
Les risques bactériens
Les risques bactériens sont certainement les plus à craindre. Les infections intestinales d'origine alimentaire sont en augmentation constante en France, même si l'interprétation des statistiques est difficile. En 1995, les hôpitaux déclaraient 10 000 cas et en évaluait à 600 le nombre de décès. En 1994, un rapport au Sénat parlait de 66 000 intoxications alimentaires en précisant que cette valeur était par défaut. Eric JOUGLA, épidémiologiste INSERM affirme que "la mortalité liée aux infections intestinales, affiche en France une croissance de 20 % ces dix dernières années". Ce développement est constaté dans tous les pays industrialisés. Au banc des accusés, les antibiotiques, l'industrie agro-alimentaire, la distribution.
Notre environnement nutritionnel tendant vers une alimentation aseptisée ne favorise pas l'activation de notre système immunitaire.
Un mot sur les antibiotiques. Ces phénomènes de résistance de plus en plus nombreux font craindre le pire à certains. Depuis des décennies, on améliore des antibiotiques existants sans chercher à créer de nouvelles familles chimiques. De plus, l'utilisation abusive et non justifiée parfois des antibiotiques en médecine humaine, vétérinaire et en alimentation animale développe l'antibiorésistance.
Prenons un exemple : l'AVOPARCINE est utilisé dans les élevages de porcs. Des infections chez l'homme sont dues à des germes présentant une résistance à cet antibiotique.
Les Toxi-infections alimentaires
Seulement 3 % des bactéries sur des milliers sont dangereuses pour l'homme. Les germes pathogènes les plus fréquemment rencontrés lors de toxi-infections alimentaires sont : les SALMONELLES (première cause), les STAPHILOCOQUES dorés dont les toxines sont thermorésistantes (deuxième cause), les COLIFORMES FECAUX et LISTERIA MONOCYTOGENES.
Certaines souches ont été à l'origine d’événements graves ces dernières années. A titre d'exemple, en 1995, une souche d'ESCHERICHIA COLI 0157 enterohémorragique à provoqué 10 000 intoxications et 11 morts au JAPON. Cette souche infecte 1 enfant/100 000 aux USA, en France, en Grande Bretagne où elle a déjà provoqué des infections collectives mortelles chez des sujets dont le système immunitaire était faible.
La distribution joue un rôle important : ces toxi-infections sont doses dépendantes donc une rupture de la chaîne du froid, par exemple, augmente considérablement la concentration en toxines.
Les biotechnologies
J'en parlerais peu, puisque un atelier repère "OGM" a planché dessus. Deux constats :
les années 1970 ont vu des applications industrielles de transferts de gènes chez
des micro-organismes : enzymes, acides aminés, substances aromatiques ...
les années 1980 ont vu ces techniques adaptées aux organismes supérieurs : 1983, un tabac résistant à la KANAMYCINE
très récemment, dans les années 1990, un rejet émotionnel.
Des sondages récents montrent que 70 % des Français refusent les OGM "dangereux pour la santé" alors que cette même proportion est favorable à cette démarche scientifique en thérapie : xenogreffes à partir du porc, thérapie génique, production de protéines d'intérêt pharmacologique (ex. hormone de croissance).
Ces transferts peuvent être le pire ou le meilleur. Notre attention peut se porter sur deux éléments : les antibiotiques et les allergies alimentaires dont on rappelle que c'est une hyperactivité immunitaire avec production d'immunoglobulines pouvant entraîner la mort par choc anaphylactique.
Prenons deux exemples :
Les japonais ont identifié puis éliminé une séquence allergisante de 16 kd du riz. Le bénéfice santé est intéressant. Par contre, l'apport par transgénèse d'une protéine allergisante de la noix du Brésil dans du soja est dangereux en matière de santé publique.
Reflexions et conclusions
Le gigantisme des I.A.A. fait peur mais "les Français n'ont jamais aussi bien mangé" selon J.P. MICHEL. La sécurité alimentaire et le principe de précaution sont une réaction quotidienne dans nos entreprises. Le consommateur, la distribution, la Communauté Européenne et notre éthique nous poussent dans ce sens. Pour l'exemple, en 1997, dans une communication de la Commission Européenne en matière de santé des consommateurs et de sécurité alimentaire en particulier pour ce qui concerne les avis scientifiques, les contrôles et les inspections, la Communauté Européenne pose les bases d'une véritable politique alimentaire en quatre points :
Les objectifs :
Protection de la santé des consommateurs, des animaux et des plantes, de la production à la distribution en passant par la transformation.
Les avis scientifiques :
Basés sur trois principes : l'excellence, l'indépendance, la transparence.
L'analyse du risque :
Evaluation, gestion et communication du risque.
Contrôle et Inspection :
La crise de l'ESB a "révélé la nécessité d'une implication plus ouverte des consommateurs et des producteurs. Celle-ci a conduit à une remise en cause" du rôle des experts scientifiques et à une certaine méfiance envers les autorités politiques (M. Blanc). Il s'agit donc de maintenir un état de confiance.
Nous devons tous ensemble, producteurs, distributeurs, médias, consommateurs oeuvrer dans une recherche de la connaissance et de la diffusion des savoir-faire. Les phobies se nourrissent de l'ignorance. On ne devrait plus voir des titres dans la presse du type "la vie est à vendre" pour la brevetabilité du vivant.
De même, la réglementation devrait être attentive à pouvoir donner aux industriels des possibilités de communication santé dès lors que la preuve et la validation scientifique ont été faites. Certaines reposent plus sur des interdits que sur des autorisations. L'industrie ne devrait plus avoir peur de l'émotionnel, né de peurs obscures à partir de clichés tels que "l'homme est un apprenti sorcier", "les multinationales nous empoisonnent pour une affaire de gros sous", "On ne sait plus ce que l'on mange".
Dès lors, on se méfie de tout ce qui n'est pas familier, de tout ce qui n'est pas comme autrefois rejetant en bloc les traitements technologiques, les additifs et colorants ... et on aboutit à des crises de confiance répétées : les colorants, le veau aux hormones, les nitrates, l'ESB. On accepte les risques naturels et on refuse ceux qui résultent de notre activité.
Sans jamais oublier le principe de précaution, nous devons :
respecter l'homme et sa santé,
respecter son environnement,
respecter l'expertise scientifique,
respecter l'innovation.
et ceci dans un souci d'échange, de transparence et de communication.
Mis à jour le 07 février 2008 à 14:34