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Les habitats côtiers et les types d’utilisation du littoral : la vision des naturalistesLes habitats côtiers et les types d’utilisation du littoral : la vision des naturalistes
Michel Glémarec, Océanographe, Professeur Honoraire, université de Bretagne Occidentale
Frédéric Bioret, Professeur phytosociologue, UBO
Biographies :
GLEMAREC Michel ,
BIORET FrédéricCompte rendu :
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Frédéric Bioret et Michel Glémarec
Transcription :
7 octobre 2005 TR1
Discours de Frédéric Bioret et Michel Glémarec
Les habitats côtiers et les types d'utilisations du littoral
Pour les naturalistes, participer à la gestion du littoral suppose d'abord une identification des "Habitats côtiers". Dans ce but, la France a décidé de répondre positivement en 1997 à la Directive européenne "Habitats" de 1992. Il s'agissait de rédiger des cahiers d'Habitats, documents de référence devant fournir une base d'information homogène pour l'identification des habitats et des espèces, l'analyse dynamique de leur état de conservation et de la définition des modalités de gestion pouvant être utilisées dans le cadre de documents d'objectifs des sites "Natura 2000".
À la suite d'une collaboration étroite, orchestrée par le Muséum National d'Histoire Naturelle, entre la communauté scientifique, les gestionnaires d'espaces protégés et les principaux usagers des milieux, les cahiers ont été rédigés de 1998 à 2001. Ceux des cahiers d'Habitats côtiers n'ont été publiés qu'en 2005. Ces cahiers ont été rédigés dans le cadre d'une stricte application de la typologie Corine Biotope* de 1991 et de son Manuel d'Interprétation de 1995. Ainsi, chaque habitat comprend :
- son compartiment stationnel défini par les conditions climatiques et édaphiques, c'est le biotope,
- son compartiment vivant composé d'espèces caractéristiques.
Les Habitats côtiers expriment les conditions originales de la double interface, entre la Terre et la Mer d'une part, entre l'eau de mer et l'eau douce d'autre part. Ils incluent donc la frange littorale terrestre toujours exondée et la partie immergée ou exondée à marée basse.
Vers le large, la limite de ces habitats côtiers recommandée par la Directive européenne correspond dans la région atlantique à la limite compatible avec la vie des plantes marines et des algues photophiles (15 à 20 mètres de profondeur). De manière plus institutionnelle, mais sans aucune ambiguïté, la Région Bretagne a choisi la limite des eaux territoriales (jusqu'à 12 milles en mer) ce qui ne fait qu'étendre quelque peu les habitats côtiers vers le large. Nous sommes ainsi face à des textes législatifs et réglementaires précis.
À l'intérieur des terres, le Conseil économique et social de Bretagne a également proposé d'inclure dans le littoral les bassins de vie en relation avec la mer. C'est un concept beaucoup plus réaliste que celui des bassins versants dans lequel il faudrait prendre en compte toute la Bretagne… C'est ainsi qu'apparaît la notion de "Pays maritimes", au nombre de 11 pour la Bretagne, à cette échelle une politique de gestion ne doit pas se cantonner à la frange terrestre, mais doit s’intéresser aussi à la partie non visible de l'écosystème marin.
L'adéquation de ces découpages en Pays Maritimes avec de réelles entités fonctionnelles sur le plan écologique et économique doit être recherchée.
Sur l’ensemble de l’Hexagone, les Habitats côtiers reconnus sont au nombre de 31, ceci au niveau générique, mais ils sont nécessairement découpés en habitats élémentaires, au nombre de 105, ceci pour refléter la diversité géomorphologique et écologique de ces milieux d'interface, tout autour du Massif armoricain par exemple. La frange terrestre est représentée par 23 habitats (23/31) pour lesquels la végétation est le meilleur indicateur pour identifier l'habitat, sans qu'il soit nécessaire de mentionner la faune associée. L'association végétale exprime le fonctionnement, la dynamique ainsi que l'historique, dont les pratiques liées à l'Homme.
Les habitats marins au niveau générique sont au nombre de 8 (8/31). Ils sont définis par les peuplements vivants sur les fonds, qui traduisent les conditions de salinité (mer, estuaire, lagune,…) de substrat meuble (vases, sables, graviers, cailloutis,…) et enfin de plus ou moins grande variabilité. En milieux rocheux, c'est l'exposition aux forces hydrodynamiques qui est le facteur maître, puisqu'il détermine l'importance du couvert végétal. Ici intervient la notion de mode battu et abrité…
Ces habitats étant correctement définis, il importe de les cartographier car c'est ici visuellement que s'exprime la monotonie des habitats ou au contraire leur diversité, leur imbrication sous forme de mosaïque par exemple. Cette étape de réalisation cartographique ne pose plus aujourd'hui d'obstacle technologique majeur. Face aux besoins, l'échelle de représentation est évidemment modulable.
La troisième et dernière préoccupation des biologistes est enfin de chiffrer l'état de santé du peuplement. En effet, la définition et la cartographie des habitats représentent des potentialités optimales, il faut ensuite mettre en œuvre une batterie d'indices biotiques, définis par les critères biologiques. Ils révèlent l'état de dégradation éventuelle de l'habitat et ce n'est qu'ensuite que la mesure de paramètres chimiques appropriés viendra apporter un caractère explicatif. Jusqu'ici, c'est l'inverse qui a été fait, à grands frais, car la communauté internationale reste frileuse dans l'utilisation des indices biotiques.
Le gestionnaire en possession des ces états de santé veillera au maintien en l'état observé ou préconisera les mesures de restauration de l'habitat en accord avec les biologistes.
L'espace maritime littoral rassemble donc un certain nombre d'habitats dont l'état de santé révèle la qualité de l'écosystème, qui soutient l'exploitation d'un certain nombre de ressources vivantes. Par rapport à ce triple ensemble : Espace – Qualité – Ressources, une mise en valeur et une exploitation des ressources naturelles qu'elles soient patrimoniales ou marchandes. Tout ce qui est mariculture et pêche est évidemment très lié à la qualité de l'écosystème et à l'exploitation raisonnée des ressources.
Face à ce triple ensemble (le triptyque côtier), le nombre de activités liées au littoral est sans cesse croissant, fluctuant, de plus en plus imprévisible à l'échelle d'une dizaine d'années. Ces activités consommatrices d'espace, et donc d'habitats, agissent d'une façon ou d'une autre sur la qualité de l'écosystème et sur les ressources vivantes plus ou moins directement.
Ces relations croisées entre les différents types d'activités et d'utilisations du littoral sont sources de concurrences qui peuvent se traduire par des difficultés de cohabitation. Tout cela mérite un lien d'information scientifique et de confrontation avant que ces concurrences ne deviennent des conflits. L'éthique a aussi toute sa place comme la réelle prise de conscience citoyenne de ces imbrications qui caractérisent cette interface très convoitée. Quant à l'information, elle demeure l'indispensable préambule à toute gestion concertée.
*Corine Biotope (COoRdination de l’INformation sur l’Environnement) : liste de codes servant à identifier les groupements majeurs d’habitats naturels de la Commission européenne dans le cadre du réseau européen Natura 2000.
Sources:
P. Euzenes et F. Le Foll. 2004. Pour une gestion concertée du littoral en Bretagne. CES de Bretagne. 214 p
F. Bensettiti, D. Bella-Santini, F. Bioret, J.M. Géhu et M. Glémarec. 2005. Cahier d'Habitats Natura 2000. Tome 3. Habitats côtiers. La Documentation Française.
Mis à jour le 21 janvier 2008 à 14:47