2007 : Les énergies de la mer > Conclusion >
Catherine Bersani, Conseil général des Ponts MEDADBiographie :
BERSANI CatherineCompte rendu :
Voir la vidéo de
Catherine Bersani
Transcription :
19 octobre 2007 Conclusion
Discours de Catherine Bersani
Je vais être très brève, Yvon Bonnot vous a dit pourquoi, mais je voudrais d’abord rappeler, puisque sur l’écran, on voit MEDAD à côté de mon nom – ce qui est un honneur pour moi – que nous sommes dans un monde qui change. L’Etat change aussi : le MEDAD est le Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durable. C’est la réunion de grandes puissances administratives qui ont des missions extrêmement importantes. Il y a la Direction Générale des Energies et des Matières Premières, la Direction de l’Evaluation Environnementale, la Direction Générale de l’Urbanisme et de la Construction, la Direction Générale des Transports et de la Mer. Chacune de ces grandes entités – et bien d’autres – exercent des missions de service public. Je ne suis qu’un modeste membre du Conseil général des Ponts et Chaussées, organisme de réflexion, de concertation et de proposition qui a, au privilège de l’âge, l’avantage de n’être inféodé à aucune de ces grandes entités et quelquefois d’être sollicité par elles pour les aider à définir ou transformer des politiques publiques. Le propos que Brigitte Bornemann-Blanc m’a demandé de tenir était de vous dire quelle est la réaction de l’Etat à l’issue de ces deux jours d’entretiens. Au-delà de ce que nous pensons tous, et pas seulement l’Etat, c’est-à-dire que cela a été extrêmement riche et fertile, je voudrais juste rappeler rapidement que dans ce contexte-là, l’Etat a trois rôles qu’il doit assumer et dont il ne doit sacrifier aucun. C’est la démarche stratégique qui lui incombe, démarche articulée au niveau européen et qui, sur le plan concret, doit se traduire par trois mots : connaître, éclairer et débattre.
Parmi les vœux qu’a formulés Monsieur Philippe Gouverneur (Enertrag), il y en a un qui incombe en effet à l’Etat : c’est faire en sorte que la connaissance existe, ce qui n’est pas une mince affaire. On a parlé de bathymétrie ; il y a un projet collectif actuellement conduit par des grands organismes d’Etat qu’il faut faire avancer. Il s’agit du projet Litto 3D : c’est la connaissance du trait blanc qui borde le territoire français. Trait blanc entre la terre et la mer, car nous ne savons pas exactement quelle profondeur a « la terre sous la mer », à proximité de nos côtes, ni comment elle évolue. Plusieurs organismes de recherche travaillent à cela, en particulier le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM), qui fait les cartes maritimes et qui s’était peu intéressé jusqu’à présent au trait de côte – mais cela a changé – puisqu’il s’intéressait aux endroits où l’on pouvait naviguer et évidemment, près de la côte, par définition, on ne navigue pas très bien ! Ce projet Litto 3D est sur la table actuellement ; il fait partie du contrat collectif du SHOM et de l’Institut Géographique National, et est en discussion à l’interministériel. Ceci est un exemple de ce que fait l’Etat aujourd’hui pour favoriser les énergies de la mer notamment, et pas seulement.
Eclairer, cela veut dire permettre le débat et partager. C’est le deuxième rôle de l’Etat : là où est la société est le droit, l’Etat n’est qu’un produit de ce que nous lui avons demandé, nous les citoyens. Dans le domaine des énergies marines – on l’a vu aux cours de ces entretiens – l’expression des acteurs de terrain est essentielle, capitale. Cette expression doit être celle de tous les acteurs de terrain – je l’ai dit en ouverture – de ceux qui vivent sur le littoral, du littoral et de la mer côtière, parce que l’identité nationale passe aussi par eux et que nous ne sommes rien sans cette identité collective. Les acteurs de terrain sont aussi ceux qui viennent, animent, développent, créent et innovent sur le terrain sans que cela soit un monopole bien évidemment, et ils s’ajoutent à la société préexistante. Mais cette expression des acteurs de terrain passe par des outils opérationnels qui sont – en particulier la planification au sens image évolutive du milieu auquel on s’adresse, du milieu physique, physico-chimique, géologique – totalement indispensables. Les systèmes d’information géographiques sont au cœur des préoccupations de ces acteurs de terrain, et naturellement des acteurs nationaux. Nous avons là-dessus au sein de l’Etat, une responsabilité particulière, qui s’est manifestée avec la création du géoportail qui, à sa manière, essaie de faire, avec un degré de précision supérieur, ce que fait pour nous GoogleEarth. Sur la mer il est essentiel parce qu’il doit être dans la profondeur, ce qui ne laisse pas de poser quelques problèmes techniques, mais néanmoins solubles. Jean-Yves Perrot évoquait la prospective générale de l’Ifremer. Il a contribué en tant que PDG à deux avancées majeures dans ce domaine de mise à disposition des informations géographiques, qui est d’ouvrir à l’Etat une base de données extrêmement partageable, SEXTAN. J’imagine que beaucoup de gens connaissent cette base de données dans laquelle on doit superposer toutes les informations qui permettront d’avoir une vision cohérente terre-mer et également une vision de la mer en tant que lieu d’accueil au premier degré – puisqu’au deuxième degré, c’est la terre – des énergies marines. Dans les outils opérationnels dont la représentation et la projection, la démarche prospective et stratégique est tout à fait essentielle. J’ai retenu ce que disaient aussi bien Janick Moriceau que Yvon Bonnot, que le Conseil National du Littoral avait à formuler une demande sur cette démarche prospective. L’Etat n’est qu’un objet inanimé qui a sans doute une âme si on la lui impulse c’est-à-dire s’il est sollicité par la société. Ceux qui représentent le Conseil National du Littoral, les Conseils généraux et toutes les instances qui représentent les citoyens ont un rôle de demande à formuler. Rien ne serait plus tragique, et on le sait dans un certain nombre d’exemples, qu’un Etat qui se mettrait à inventer des choses extraordinairement perfectionnées et d’ailleurs très chères, parce que personne ne lui demande rien. L’Etat, qui a horreur de ne pas travailler, inventerait des systèmes de plus en plus perfectionnés, de plus en plus coûteux, de plus en plus compliqués et de moins en moins efficaces. Donc il appartient clairement aux différentes instances où sont exprimés des intérêts importants et essentiels, de formuler des demandes et il appartient à l’Etat de tenter, et de réussir d’ailleurs, d’y répondre.
Le dernier point majeur du rôle de l’Etat est d’être le garant des valeurs, de faire en sorte que tout le monde puisse être entendu et de mettre l’ensemble des acteurs en situation de créer de la valeur ajoutée. Ces deux impératifs de garant des valeurs – avec un sens original et développé au mot « valeurs », puisqu’il y a les deux, les essentielles et les monétaires, qui le sont aussi d’une certaine façon – ne peuvent pas être exclus l’un de l’autre. Je crois qu’une des originalités de la société française est peut-être un de ces retards, et il nous appartient de trouver comment ce retard peut se transformer en énergie positive. Nous sommes, comme le disait l’Amiral Rolin, et pas seulement sur la mer, dans une société où chacun doit pouvoir s’exprimer, écouter et être entendu. Une des garanties de cette écoute est le droit de dire que cela ne convient pas à l’état de droit. Nous ne pouvons pas faire litière de la loi, et d’aucune loi, de celles qui s’attachent à la personne comme de celles qui s’attachent au milieu. Vous comprendrez que j’évoque la Loi littoral, dont c’est le vingtième anniversaire, anniversaire symbolique, pour les personnes comme pour les lois. Cette loi est une loi de participation, dont on s’est rendu compte ces temps-ci qu’elle parlait de la mer presque autant que de la terre. Pourquoi dit-on que c’est une loi d’urbanisme qui coince tout ? Parce qu’on n’a pas su la lire entièrement et voir qu’elle parlait précisément presque autant de la mer que de la terre. Il convient qu’effectivement on apprenne à la lire, qu’on apprenne à ne pas la considérer comme un carcan mais comme un outil, un cadrage, à l’intérieur duquel il faut exprimer des priorités et trouver des solutions. J’ai bien aimé ce que disait tout à l’heure Audrey Baconnais de la Préfecture Maritime, qu’on ne peut pas demander à une loi de se nier, de s’annuler. En revanche, on peut lui demander, pourvu que les problèmes soient posés à la bonne échelle, de trouver une expression de compétition et non pas de conflit. La Loi littoral n’est pas une loi carcan, elle organise la compétition et l’Etat est là pour faire en sorte que cette compétition ne soit pas le primat de la force brutale, sans la règle, et il nous appartient de savoir la traduire.
Je peux dire, puisque j’ai la chance de la voir appliquée partout et de la voir enviée à l’international, que c’est possible de l’appliquer avec équilibre et dynamisme. C’est un apprentissage – j’ai bien aimé les mots de Janick Moriceau à ce sujet – et nous sommes en train d’innover, d’apprendre. Ca n’est jamais fini et l’Etat est le produit de ce que nous ferons. Pour les modestes fonctionnaires qui ont à l’appliquer, vous pouvez compter sur eux.
Mis à jour le 07 janvier 2008 à 11:08