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Plan énergie Bretagne et sa part maritime.Plan énergie Bretagne et sa part maritime.
Isabelle Thomas, Vice Présidente du Conseil Régional de Bretagne, chargée de l’énergie.
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19 octobre 2007 Table ronde 5
Discours de Isabelle Thomas
Une politique volontariste pour diminuer la dépendance énergétique de la Bretagne, diminuer les coûts et répondre à une croissance de la population estimée à 600 000 personnes d’ici 2025.
La Bretagne est un exemple intéressant qui pourra probablement donner des idées. Nous avons élaboré, en 2004 un diagnostic énergétique de la Bretagne avec l’Ademe. Ce diagnostic nous a permis de faire, non pas une découverte, mais un premier constat vérifié : la Bretagne, entité géographique, est dans une situation de totale dépendance énergétique puisqu’elle importe 95% de son énergie et 94% de son électricité. 94% de l’électricité grâce à l’évolution de la production éolienne terrestre et avec, pour l’électricité de base, les centrales EDF nucléaires de Flamanville (Manche) et de Cosne sur Loire (Pays de Loire) et la centrale thermique de Cordemais (Pays de Loire). Du point de vue géographique, le premier constat est que la Bretagne est une péninsule. Quand une péninsule ne produit pas et qu’il faut apporter l’électricité, cela crée beaucoup de fragilité. Il y a donc une fragilité du réseau breton notamment en pointe Bretagne, c’est-à-dire ici-même et en Bretagne Nord. A cette fragilité s’ajoute une limite de capacité en pointe.
Le deuxième constat est une absence criante de production d’électricité avec un territoire maritime de 19 000 km2 soit 41% du territoire maritime français. Il y a uniquement quelques petites centrales éoliennes et l’usine marémotrice de La Rance, c’est tout.
Le troisième constat, c’est une croissance de la consommation électrique parmi les plus importantes de France. Croissance qui risque d’augmenter encore malgré la maîtrise de l’énergie, puisque les prévisions pour la Bretagne feraient passer la population bretonne de 3 millions d’habitants à 3,6 millions d’ici 20 ans. Même attentif à la maîtrise de l’énergie et de l’électricité, il faut prendre en compte ce facteur d’augmentation de la population.
Trois priorités : meilleure maîtrise de l’énergie et de la consommation, production d’une énergie renouvelable, sécurité de l’approvisionnement
D’où un préalable, et ce sera parmi les grandes priorités du Plan Energie pour la Bretagne qui a été voté au Conseil régional en juillet 2007. Ce plan est donc récent. Il résulte de presque deux ans de concertation et de travail avec l’ensemble des acteurs. Donc la maîtrise de l’énergie et de la consommation est la première priorité à mettre avant toutes les autres.
Deuxième priorité, bien sûr, la production et notamment les énergies renouvelables.
Nous avons commencé notre travail, non pas en terme de planification, mais par un schéma régional éolien terrestre. Je rejoins Monsieur Gouverneur en disant qu’effectivement, la technologie éolienne est parmi la plus aboutie des énergies renouvelables. Il y a aussi des raisons objectives pour la Bretagne, puisque nous avons, comme on peut le voir sur l’atlas des vents, le deuxième potentiel éolien en France.
Et enfin,
troisième priorité : la sécurité de l’approvisionnement de la Bretagne.
La concertation avec les habitants pour l’implantation et avec l’Etat et l’Ademe pour établir l’objectif de production d‘ici 2010-2012.
Nous avons aussi, et ce n’est pas les représentants de la préfecture qui me contrediront, un problème d’acceptation sociale sur l’implantation de ces énergies. Je crois qu’il faut dire d’abord que tout implantation d’unité de production électrique pose un problème d’acceptation sociale, ce n’est pas spécifique à l’énergie éolienne. Il faut donc traiter très sérieusement ce problème, quelque soit le mode de production par la concertation. Le schéma régional éolien a tout d’abord contribué à donner des méthodes, une méthodologie de concertation pour l’implantation de l’éolien terrestre avec, aussi un objectif chiffré. Au début, on nous a un peu pris pour des fous quand on a annoncé des chiffres, mais je pense qu’aucune politique publique ne peut voir le jour si elle n’est pas, en parallèle, épaulée par un objectif chiffré. Donc, nous nous sommes fixés l’objectif de 1 000 mégawatt éolien terrestre d’ici 2010-2012. Ce chiffre a été élaboré en concertation avec l’Ademe et l’Etat. Il a été repris par l’Etat dans son plan. 1 000 mégawatts éolien terrestre correspond à 8% des besoins annuels électricité. Je crois que, lors de la dernière réunion du Comité éolien terrestre dans le Finistère, ce chiffre a été confirmé et la faisabilité de cet objectif aussi.
Le plan Energie de la Bretagne et les énergies de la mer
Nous avons donc, dans le Plan Energie pour la Bretagne et dans son chapitre « énergies renouvelables », un grand potentiel sur les énergies marines. Sur 2 700 km de côte, on retrouve bien sûr un potentiel de vent, encore plus je dirais, puisqu’en mer sa régularité est meilleure et sa force est plus importante. Donc on a un potentiel éolien offshore. Nous avons évidemment un potentiel « marée » très important. On dit que ce sont les plus fortes du monde, parfois en concurrence avec le Canada.
Il nous faut donc n’exclure aucune de ces technologies, avec un potentiel breton très important puisqu’il y a un savoir-faire en terme de chantiers navals, en terme de gens de mer, en terme de maintenance et d’installation (cela compte aussi beaucoup) et bien sûr Ifremer et les chercheurs dont nous n’avons plus besoin de démontrer la performance.
Un exemple : la Grande-Bretagne
Le potentiel de courants et de vagues est très important sur le duo Grande-Bretagne / France. Cela, d’ailleurs, nous pose la question d’un travail européen ou en tout cas bilatéral avec la Grande-Bretagne et la France sur ce travail d’énergies marines.
Mais, avoir un potentiel, c’est bien encore faut-il pouvoir le transformer. C’est souvent là la difficulté et la question qu’on s’est posée est : faut-il attendre le marché pour que les choses se réalisent, puisque c’est désormais la grande règle européenne ? Nous pensons pour notre part, au Conseil régional de Bretagne, qu’il n’y aura rien, s’il n’y a pas une impulsion politique forte. On l’a bien vu d’ailleurs au Royaume-Uni où des dizaines de millions de livres Sterling ont été investies de manière extrêmement volontariste. Le Royaume-Uni s’est donné les moyens en terme financier d’investissement sur ces technologies pour avoir aujourd’hui une meilleure connaissance du potentiel et effectivement une avance, en terme de recherche. Il n’est donc pas surprenant de voir, et c’est quand même un peu dommage, des industriels également français investir dans les technologies marines britanniques.
Le financement de la recherche, une compétence de l’Etat et une concertation interrégionale Manche-Atlantique
Notre conviction est faite que la puissance publique doit intervenir financièrement, bien sûr sur le tarif de rachat, c’est un préalable à tout développement, mais aussi en matière d’investissement et de recherche. Ce rôle de financement de la recherche est plus celui de l’Etat, même si, en terme de recherche, chacun peut mettre « la main à pâte », mais c’est quand même une compétence de l’Etat, il faut le rappeler. En matière de régulation, je crois qu’il faut vraiment associer l’ensemble des acteurs dans la concertation. Janick Moriceau y reviendra tout à l’heure, donc je ne m’attarderai pas sur la Charte des Espaces Côtiers Bretons et sur le travail de concertation mis en oeuvre. Il y a nécessité de travailler avec l’ensemble des acteurs, j’y reviendrai dans les grandes stratégies de la planification et du suivi.
Donc, le premier élément est l’intervention publique en matière de tarif de rachat, de recherche et de concertation. Puis, je le disais à l’instant, une collaboration régionale avec le Royaume-Uni pour ce qui nous concerne, mais aussi interrégionale avec notamment nos voisins de Normandie et des Pays de Loire puisqu’il y a un besoin de mutualiser nos compétences. Dans ce contexte, et en fonction de ce que je viens de dire : quelle est la place de la contribution régionale c’est-à-dire d’un Conseil régional comme le nôtre dans le développement des énergies marines ? Je crois que la meilleure contribution, la plus importante, est d’ordre politique et stratégique :
- d’ordre politique parce que, comme je le disais, s’il n’y a pas de volonté politique, on risque d’attendre longtemps
- d’ordre stratégique parce qu’après il faut mettre l’ensemble des éléments en marche et en oeuvre pour avancer.
Il y a d’abord un travail d’élaboration d’une planification :
- aspect connaissance : connaissance des sites, des potentiels de manière fine, des contraintes – Monsieur Gouverneur parlait du raccordement au réseau – connaissances scientifiques liées aux autres activités.
- élaboration d’une méthode de concertation, d’accompagnement et de suivi de l’ensemble des acteurs car, comme cela a été dit tout à l’heure, la mer doit être partagée et c’est une des choses les plus importantes qui soit sinon rien ne se fera. A vouloir s’accaparer pour une seule activité un espace maritime, on risque de faire en sorte que rien de ne se passe et que capotent les projets les uns à la suite des autres. Notre objectif à nous est simple : nous, nous voulons que ça marche et donc, nous souhaitons intervenir d’abord sur la réalisation.
La création d’un centre de recherches, d’essais et de mesures d’envergure nationale en Bretagne
Monsieur Jourden du Conseil Economique et Social de Bretagne le disait tout à l’heure, et le Grenelle de l’environnement a été l’occasion de le faire, nous souhaitons la mise en place d’un centre de recherches, d’essais et de mesures d’envergure nationale et nous sommes prêts à y participer et à l’accueillir. Les missions de ce centre, bien évidemment, nous devons y réfléchir tous ensemble et les élaborer tous ensemble. On ne peut pas parler de concertation, comme je l’ai fait et imposer d’emblée un schéma déjà préfabriqué et préétabli. Mais il est absolument nécessaire que nous rattrapions notre retard par la mise en place d’un centre de recherches, d’essais et de mesures.
Nous souhaitons également travailler sur le développement technologique et l’émergence d’une filière. Il y a en Bretagne des industriels qui sont « l’arme au pied », et j’en vois dans cette salle.
Et puis, nous souhaitons mettre en place des outils de suivi et d’accompagnement de projets matures et prototypes. Je n’insisterai jamais assez, même si Janick Moriceau y revient tout à l’heure, sur le fait que la concertation est une des clés de la faisabilité et du développement. Je crois qu’il faut bien que les opérateurs l’intègrent tous. Il y a parfois quelques comportements d’opérateur, je pense à l’éolien terrestre, qui mettent en péril l’ensemble de la filière et des installations, et cela n’est pas acceptable. Il faut que les règles du jeu soient particulièrement bien suivies.
Une politique volontariste du Conseil régional de Bretagne en faveur des énergies renouvelables de la mer.
Pour conclure, le Conseil régional de Bretagne ne considère pas, et j’insiste là-dessus, la question des énergies marines comme anecdotique. Elles doivent avoir bonne place dans le bouquet énergétique et particulièrement en Bretagne compte tenu de la capacité de son littoral. Ce développement des énergies marines n’est anecdotique ni dans le bouquet énergétique de la Bretagne, ni dans le développement économique de la Bretagne. La sécurité d’approvisionnement, l’importance de l’investissement de chaque région ou territoire sur les enjeux climatiques, et la vocation maritime de la Bretagne constituent autant de convergences prioritaires qui font des énergies marines un des grands enjeux que le président Jean-Yves Le Drian a rappelé lors du Grenelle de l’environnement, il y a deux jours jours. Nous situons vraiment le développement des énergies marines en haut du paquet des priorités, si je puis dire, de la politique du Conseil régional. Nous sommes donc déterminés à gagner le pari du développement de ces énergies en Bretagne et nous comptons sur l’ensemble des acteurs pour nous y aider.
Je vous remercie.
Mis à jour le 07 janvier 2008 à 10:40