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Quels critères pour financer les énergies de la merQuels critères pour financer les énergies de la mer
Jean-Michel Maingain, Directeur général de Federal Finance.
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MAINGAIN Jean MichelCompte rendu :
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Transcription :
18 octobre 2007 Table ronde 4
Discours de Jean-Michel Maingain
Je vais essayer dans mon intervention de donner le regard du marché sur le secteur de la mer. Autant vous dire tout de suite que la conclusion va être relativement réservée puisque aujourd’hui les marchés financiers - je parle des sociétés cotées, des grandes ou petites capitalisations - ignorent encore ce monde qui est un marché trop limité, trop expérimental pour une grande partie des activités présentées depuis ce matin.
Je vais commencer par vous situer un peu dans quel cadre, aujourd’hui, un investisseur regarde le monde de la mer. Il le regarde le monde
à travers deux typologies de portefeuille.
Les
portefeuilles dits ISR (Investissement Socialement Responsable) à travers le critère environnemental, parce que les financiers recherchent de la performance et de l’argent, ce n’est un mystère pour personne, mais ce sont aussi des citoyens et ils ont bien conscience des enjeux environnementaux qui vont avoir des coûts insoupçonnés et mieux vaut prévenir que guérir. Donc en termes de rentabilité, ils essaient de plus en plus d’intégrer ces éléments extra financiers dans la valorisation des titres qu’il sont censés acheter. Federal Finance est une structure de gestion d’actifs assez classique située à Brest ce qui est relativement original puisque c’est un monde très parisien. Aujourd’hui, c’est une structure qui gère 25 milliards d’euros, c’est la 19e société d’actifs.
Elle a deux métiers principaux : la gestion de comptes de tiers, ce sont les OPCVM et les mandats et l’épargne salariale. Dans sa répartition d’encours, cela peut paraître anodin, mais c’est assez important, les trois quarts des encours gérés sont pour le monde institutionnel et le quart restant est en gestion collective.
Aujourd’hui, c’est le monde institutionnel qui s’intéresse essentiellement aux investissements ISR déjà cités.
Une autre typologie de portefeuilles, encore en développement plus réduit, ce sont
les fonds de valeurs vertes. Federal Finance est assez ancien dans le domaine de l’ISR puisque lors de mon arrivée à Brest, le Groupe Arkea m’a demandé de mettre en place l’offre que j’avais développée à la Caisse des Dépôts et à l’Agence de notation Vigeo dirigée par Nicole Notat. Cette gestion est aujourd’hui davantage développée puisque nous l’avons mise en place en 2000, quand personne ne parlait encore de développement durable. D’ailleurs, notre portefeuille s’appelle Federal Action Ethique parce qu’on a craint que les gens ne comprennent pas « développement durable », mais c’est bien un fonds de développement durable. Aujourd’hui, ces fonds d’investissements, qui sont en fort développement, intègrent des éléments extra financiers dans leur analyse financière, mais ce n’est pas une opposition.
Nous n’avons pas une analyse financière et une analyse extra financière, nous avons une analyse financière complétée par une analyse extra financière. Les critères traditionnels sont : l’environnement, le social et la gouvernance.
La gouvernance c’est le fait que la direction est bien contrôlée par un organe de contrôle issu de cette même direction. Le social, cela parle de soi. L’environnement est un investissement, quel que soit le secteur d’activité concerné. Ainsi on peut très bien investir dans la chimie qui pollue, tout le monde le sait. Mais il serait stupide de dire qu’on va supprimer la chimie parce que nous en avons besoin pour vivre. En revanche, et c’est là la typologie de cette gestion, on va d’abord investir pour encourager l’industrie chimique à intégrer les effets néfastes de son activité et donc à réaliser les investissements adéquats pour gérer ces éléments négatifs. C’est la « best sélection », on peut tout à fait investir dans tous les secteurs d’activité, tout au moins en théorie.
Faisons le lien avec la mer car c’est le sujet d’aujourd’hui. La mer est perçue à travers ces deux typologies de gestion : l’ISR et les valeurs vertes. Aujourd’hui, le marché de la mer, aux yeux des investisseurs, ce sont deux activités essentielles : la
désalinisation et
l’éolien offshore.
Le reste n’existe pas du point de vue des marchés financiers. La désalinisation va représenter à peu près 70 à 75 milliards d’euros d’ici 2012, aujourd’hui c’est beaucoup moins : 5 milliards d’euros et l’éolien offshore représente 50 milliards d’euros. On parle de sommes, certes importantes, mais, et c’est là où je voulais en venir dans mon introduction, ces chiffres mondiaux ne représentent malgré tout que des marchés relativement restreints. C’est sans doute la dichotomie que l’on a entre ce qui a été dit hier et aujourd’hui, et nos préoccupations d’investisseurs : c’est que pour acheter encore faut-il avoir quelque chose à acheter. Or, aujourd’hui, sur le marché, il n’y a rien à acheter du point de vue des ressources maritimes ou tout au moins des structures qui sont encore trop expérimentales, pas suffisamment mûres et certainement trop risquées pour les investisseurs que nous sommes.
La vraie problématique de la mer et de l’eau en général, au regard des investisseurs, c’est la pénurie des ressources d’eau et sa mauvaise répartition. Les investissements dans le domaine de l’eau en général vont être multipliés par 2,25 d’ici 20 ans pour atteindre des sommes relativement intéressantes de l’ordre de 180 milliards d’euros. Cela commence à devenir un marché sérieux pour nous, mais la mer n’est qu’une partie de ce marché.
Je disais qu’on a une double vision du marché : la désalinisation et l’éolien offshore. Dans ces domaines il y a des sociétés intéressantes ou qui commencent tout au moins à nous intéresser. Mais les autres activités comme l’hydrolien, la géothermie maritime, la capture et le stockage du CO2 dans les fonds marins ou la biomasse à partir des algues qui commencent également à émerger sont beaucoup trop expérimentales et non-rentables aux yeux des marchés financiers. Ça veut dire que le retour sur investissement est largement insuffisant pour les portefeuilles que nous gérons.
Ce qu’il faut voir aussi, et c’est un point important que vous devez retenir, c’est que les marchés sont censés investir sur le moyen terme alors on va dire « la mer c’est bien », c’est un horizon à moyen terme, c’est un potentiel. C’est clair que c’est une thématique qui nous intéresse, mais malheureusement, étant donné la pression concurrentielle que nous avons dans nos métiers, un investisseur hésite un peu puisqu’il est obligé de regarder sur le long terme mais également sur le très court terme.
Vous voyez bien que la mer ne correspond pas aujourd’hui, vu son degré de développement sur les thématiques que nous évoquons, à cette vision à court terme. La gestion, c’est d’abord des arbitrages, je ne mets 1 euro sur la mer si cet euro me rapporte plus que le pétrole. Bien sûr c’est un peu provocateur, mais ce n’est pas par hasard que j’évoque ce sujet-là puisque tant qu’on aura un secteur pétrolier qui pèsera autant dans les indices boursiers, la mer, malheureusement, n’a pas forcément un avenir immédiat sur les cotations.
Les valeurs vertes sont un prisme auquel on peut s’intéresser pour les valeurs liées à la mer. Aujourd’hui cela représente 360 milliards d’euros - c’est un chiffre un peu plus intéressant - et 140 sociétés, en chiffres européens. Encore une fois, ça commence à mûrir un peu mais c’est en balbutiement par rapport aux milliers de dossiers cotés en Europe et aussi par rapport à la capitalisation que cela représente. Il y a plusieurs thématiques dans les fonds de valeurs vertes. Vous avez évidemment tout ce qui est ingénierie, dépollution, les énergies renouvelables, les transports alternatifs. On voit bien que ces réalités de portefeuilles recouvrent des univers beaucoup plus vastes que celui de la mer. Encore une fois, je l’ai dit, la désalinisation et l’éolien offshore restent les seuls marchés qui peuvent, à ce stade, intéresser les investisseurs financiers que nous sommes.
Je vais vous donner quelques indications. Par exemple, aujourd’hui, nous nous intéressons beaucoup à des sociétés comme Plambeck en Allemagne, mais il y en a d’autres comme Veolia, Siemens ou Solvay qui sont des grands groupes, mais qui ont des niches liées à des investissements maritimes. Il y a d’autres sociétés, mais on est quand même dans un univers d’investissements restreints « dominé » malheureusement du point de vue français par l’Europe du Nord, ça c’est clair, et également dominé par des petites et moyennes capitalisations. Cela représente un écueil pour les investisseurs puisque qui dit petites et moyennes capitalisations dit manque de liquidité donc manque de flexibilité pour l’investisseur qui doit, vous l’avez bien compris, gérer d’avantage sur le court terme que sur le moyen terme surtout si on est en gestion collective. Je dirais que, en conclusion, aujourd’hui il n’existe pas de lien entre votre monde et le monde financier.
S’il fallait quand même conclure positivement, le lien aujourd’hui est plutôt avec les sociétés de capital-risque, qui, à mon avis, peuvent vous apporter beaucoup plus qu’un investisseur comme moi. Moi, je m’intéresserai à vous certainement dans quelques années, j’en suis persuadé. Aujourd’hui, c’est sans doute trop tôt parce qu’on ne parle pas des mêmes montants, des mêmes retours sur investissement, de la même sécurité aussi parce que derrière nos investissements il y a un besoin de les sécuriser.
Il y a quand même eu une loi, passée, il y a un an et demi deux ans, qui peut être un premier lien de financement pour votre « milieu ». C’est la réforme de l’assurance-vie qui incite vivement toutes les compagnies d’assurance-vie à financer le capital-risque à hauteur de 2% de leurs actifs. 2% ce n’est pas grand-chose, mais vu la base de référence, le montant peut être conséquent et correspondre bien à vos besoins de financement. Dans les fonds de valeurs vertes, mais surtout les fonds ISR qui intègrent la donnée environnementale, on a un processus de gestion. Cela veut dire que l’on va essayer de repérer les valeurs qui ont vraiment un impact sur l’environnement et dont au moins 40% du chiffre d’affaires correspondent à cette activité. On va regarder si la technologie, qui est derrière, a un impact réel sur l’environnemental et si, bien sûr, cette technologie peut s’adapter à la société et offre un potentiel financier. C’est à travers ces deux prismes que l’on peut, au moins pour certaines activités, répondre à vos besoins de financement, à partir de maintenant et dans les prochaines années.
Encore une fois, on parle d’un marché qui est relativement étroit. La gestion ISR, je l’ai citée dans ma présentation, représente 12,5 milliards d’euros. Là aussi, on parle de niches : 12,5 milliards d’euros en France sur un marché de 1500 milliards d’euros. Mais on est sur des potentiels de croissance très forts. Il y a 5 ans, le marché n’existait pas en France et il a progressé de 26% l’an passé, on est aujourd’hui à peu près dans la même tendance. Vous voyez que nous sommes dans un univers à fort potentiel qui peut permettre à deux « mondes » de se rejoindre.
Mis à jour le 07 janvier 2008 à 10:56