2001 : Internet, la substantifique toile : science en jeu et jeu de pouvoirs ? > TR 2 : Conditions techniques, juridiques, culturelles et économiques pour une communication équitable sur le réseau >
Discours de Jean-Pierre Coudreuse : L'équité de l'accès au réseau, une question d'éducationDiscours de Jean-Pierre Coudreuse : L'équité de l'accès au réseau, une question d'éducation
Expert international (réseaux numériques, ATM); Ingénieur général des Télécoms, directeur du Laboratoire de recherche de Mitsubishi Electric
Biographie :
COUDREUSE Jean-PierreCompte rendu :
Transcription :
19 octobre 2001 TR2
Discours de Jean-Pierre Coudreuse
Sauf exception, la question des conditions d’une communication équitable n’est pas une question technique et n’appelle donc pas une solution technique. Elle est bien plus du ressort de l’économique et du réglementaire. Je vais quand même essayer de donner le point de vue de l’ingénieur.
On parle trop souvent d'Internet comme réseau, ce qui évite d’aborder ce qui se passe au-dessus du réseau et qui concentre l’essentiel des problèmes d’équité de l’accès à l’information et à la communication. Bien sûr et par exemple, le problème de la confidentialité, de la protection de l’information privée, fait partie des questions que l’ingénieur doit se poser, et qu’il sait résoudre. Le problème est que les outils mis en œuvre sont de plus en plus complexes et les personnes qui les maîtrisent de plus en plus rares. Nous utilisons, en réseau, des outils dont nous ignorons totalement les ressorts. Les techniques de la cryptographies nous protègent-elles véritablement, contre qui ? Il n’y a à ce genre de problème que des réponses d’ordre légal, même s’il est de plus en plus difficile de vérifier l’application de la loi… et c’est là que l’ingénieur peut à nouveau intervenir.
Cette même complexité des outils pose de vrais problèmes d’équité dont certains sont encore du domaine de l’ingénieur. Le nombre de paramètres qu’il faut configurer aux quatre coins des logiciels d’un PC pour accéder à l’internet est proprement insupportable, en tout cas hors de portée d’un non-spécialiste, fût-il ingénieur. Tant que tout se passe bien et du premier coup, tout va bien. Mais ça n’est jamais le cas… Il y a beaucoup à faire pour échapper à l’ésotérisme de la configuration des machines.
Par contre, la promenade sur la toile demande un apprentissage qui n’est pas d’ordre technique. De la maîtrise psychomotrice de la souris au choix pertinent des mots-clefs d’une recherche en passant par la maîtrise des métalangages omniprésents dans la relation utilisateur-machine, il est illusoire et certainement inéquitable de prétendre que l’accès à la toile est à la portée de tous.
Autre souci d’appropriation : la virtualisation de l’interlocuteur quand il s’agit de communication situe le courrier électronique quelque part entre une communication écrite univoque mais soigneusement contrôlée et une communication orale interactive contrôlée par une pluralité de modes de communication non verbale. L’apparente simplicité et l’immédiateté du courriel (on ne se relit pas, on ne fait guère attention) peut conduire à une dys-communication. Mettre le courriel à sa place parmi les modes de communication est un autre apprentissage, balbutiant.
Enfin, il ne suffit pas d’apprendre à naviguer, il faut aussi apprendre à évaluer (attribuer une valeur à) l’information délivrée par la toile. Au-delà de la maîtrise mécaniste des procédures, j’attend de l’internet à l’école, très tôt, un réapprentissage de l’esprit critique. L’inéquité se fera entre ceux qui sont capables de juger de la pertinence de l’information et ceux qui n’en sont pas capables.
Bien peu de technique, dans tout ça…
Mis à jour le 04 février 2008 à 11:19