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Valorisation de certaines ressources biologiquesValorisation de certaines ressources biologiques
Yves Le Gal, Directeur adjoint de la Station de Biologie Marine du Museum National d'Histoire Naturelle et du Collège de France à Concarneau
Biographie :
LE GAL YvesCompte rendu :
Transcription :
22 novembre 2002 TR5
Discours de Yves Le Gal
Jacques Berthelot : Monsieur Le Gal, pouvez-vous nous dresser un panorama du type de valorisation qu’on peut trouver à partir des produits de la mer, de la ressource vivante ?
Yves Le Gal : Je m’occupe depuis quelques années de la Station biologie marine du Muséum national d’Histoire naturelle et du Collège de France, à Concarneau. Cette station marine a été fondée en 1859. Ce fut le premier établissement scientifique créé dans le Finistère et le but de son fondateur, Victor Costes, était d’y faire de l’aquaculture. En fait, il y a eu peu de succès pratiques, même s’il y a eu des succès techniques. Par exemple, grâce aux travaux réalisés dans ce laboratoire, il y a près de cent cinquante ans, les huîtres, aujourd’hui, ne sont plus draguées, mais cultivées. La sole (poisson plat) a été élevée à Concarneau vers 1880 ; techniquement ce fut une réussite mais dépourvue de suite pratique : on s’est aperçu qu’avant d’essayer d’élever, de construire, de produire, il fallait essayer de savoir de quoi on causait, donc faire de la recherche et de la recherche fondamentale. Beaucoup de choses restaient à découvrir sur les organismes marins. Ce laboratoire est devenu ainsi un laboratoire de physiologie et de biochimie, et il a été pendant longtemps la seule station de biologie marine à développer la biochimie des organismes marins.
La première vocation de ce type de laboratoire est la recherche fondamentale, mais ceci n’exclut pas qu’on s’intéresse à l’utilité de cette recherche. La recherche fondamentale est utile pour un avenir plus ou moins lointain. C’est pourquoi il nous est demandé d’avoir aussi une utilité plus directe, plus locale et à court terme. Pour simplifier, une partie des recherches réalisées à la station de biologie marine de Concarneau portent sur la valorisation du “ cinquième quartier ” poissons . La Bretagne est un pays de production de porc, pour lequel, on le sait, tout est bon. La question est de savoir si l’on peut raisonner de la même façon pour les poissons. On pêchait en France environ 700 000 tonnes de poisson par an et on n’en mange réellement que la moitié. Que peut-on faire des 50 % restants d’une manière moderne ? On sait faire des farines de poisson pour nourrir les porcs, on fait les “ pet food ” pour les chiens, les chats et... les bébés... On savait également faire, à Douarnenez, en l’an 50 avant J.-C., du garum, sauce de poisson, des hydrolysats. Ce domaine a beaucoup évolué et la recherche se porte aujourd’hui sur de nouvelles valorisations des sous-produits de la pêche au moyen d’hydrolysats respectant les fonctions biologiques des molécules ou en engendrant de nouvelles (applications nutraceutiques) par la recherche d’enzymes capables d’être utilisées en agroalimentaire, en tannerie, etc. C’est ce que l’on appelle une utilisation de la biomasse, c’est-à-dire des tonnages de poissons capturés. Comme il y a une biomasse d’algues, il y a une biomasse de poissons, crustacés, etc. Il existe aussi une ligne de recherche concernant l’utilisation des ressources marines où l’on considère non plus les biomasses, mais la biodiversité. On s’intéresse moins aux tonnages qu’on peut capturer, exploiter ou cultiver, qu’aux spécificités de certains organismes marins qui, par exemple, produisent une molécule particulière pouvant être ensuite développée industriellement. Actuellement, dans ce domaine précis, notre travail est tourné vers la recherche de substances à activité antifouling, puisque les peintures toxiques, actuellement en usage, vont être bientôt totalement interdites. Au niveau mondial, il y a des recherches pour trouver des substances qui soient “ gentilles ” pour l’environnement et qui aient également des capacités d’anti-salissures pour les coques de bateau. Tout cela se fait dans un domaine souvent européen.
Notre démarche est de partir de la recherche fondamentale pour essayer d’en développer des applications pratiques car il faut toujours garder à l’esprit ce que disait Pasteur :“ La recherche appliquée n’existe pas, il n’y a que des applications de la recherche. ” En effet, toute velléité d’aller au plus vite et d’essayer d’appliquer très rapidement des choses qu’on ne connaît pas bien est souvent vouée à l’échec. Il existe toujours une phase indispensable qui semble trop coûteuse pour les payeurs, mais qui est absolument obligatoire, c’est la recherche fondamentale sans laquelle, en effet, il n’y a pas d’application possible. Cette démarche est un peu oubliée. Autrefois, on parlait de recherche et développement, puis on a dit recherche-développement et aujourd’hui, on dit RD. C’est une erreur.
Mis à jour le 31 janvier 2008 à 16:14