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2002 : Milieux Extrêmes d’un monde à l’autre, Terre, Mer et Espace > TR 4 : Les risques des invasions selon les espèces >  Animaux aquatiques

Animaux aquatiques

Bernard Stequert, Directeur du centre IRD de Brest, Institut de Recherche pour le Développement

Biographie :

STEQUERT Bernard

Compte rendu :

Transcription :

22 novembre 2002 TR4


Discours de Bernard Stequert



L’IRD est un organisme de recherche (anciennement Orstom). Nous avons un champ d’action vaste, c’est-à-dire toute la zone inter-tropicale mondiale. Notre activité scientifique touche toutes les disciplines. Nous avons une double tutelle, du ministère de la Recherche et du ministère de la Coopération, et nous agissons sur demande, en particulier des pays en voie de développement qui souhaitent notre présence. Je vais vous présenter quelques exemples en milieu tropical : chaud et humide.

L’exemple du lac Victoria (Afrique centrale) est celui d’une introduction volontaire. Dans les années 1950, le lac Victoria était exploité par une population de pêcheurs et on s’est aperçu qu’il y avait diminution de la pêche et des gens bien pensants ont introduit la perche du Nil qui est un poisson qui peut atteindre 200 kilos, à l’âge adulte. Cette espèce-là a effectivement augmenté immédiatement les rendements, d’autant que la croissance était très rapide. Les populations qui ne pêchaient plus sont revenues au bord du lac, ont exploité cette perche, mais cette perche, pour grandir, a mangé tout ce qu’il y avait autour, d’où une disparition d’espèces, d’environ deux cents espèces. Ensuite, pour pouvoir conserver et faire circuler ce poisson, les techniques de conservation en Afrique étant différentes de la France (il n’y a pas de congélateur), il fallait sécher les poissons. Comme ils étaient énormes, leur chair grasse séchait mal, si bien qu’on a coupé des arbres pour pouvoir les faire sécher. Il y a eu déforestation autour du lac, pluie, ruissellement, sédiments qui tombent dans le lac et, non seulement les espèces de poisson avaient disparu, mais une quantité d’espèces benthiques a également disparu et on continue à exploiter de la perche du Nil !

L’exemple de la crevette au sud du Sénégal, entre la Casamance et la Guinée-Bissau est également celui d’une introduction volontaire. Il y a une zone où on n’exploite que la crevette. Les chalutiers travaillaient dans cette zone et il y avait un poisson qui avait très peu d’intérêt, le baliste. Quand on traîne le chalut pour la pêche de la crevette, on ramène des quantités d’espèces, appelées les espèces accessoires, et ce sont généralement des petits poissons. Ensuite, les chaluts remontés sur le pont, la crevette est triée et restent les petits poissons et le baliste. On rejette ensuite ce poisson qui est mort à la mer - seul le baliste est vivant. En effet, il y a une espèce de mucus qui se fixe au niveau des branchies qui conserve l’oxygène et, lorsqu’il est rejeté trois quarts d’heure après, il repart. Donc tous les compétiteurs avaient disparu, sauf ce baliste. Sa spécificité est de pondre et de faire des nids au fond de l’eau, donc il lui faut de la place, si bien qu’il a repoussé tout et les stocks de crevettes ont diminué.

L’exemple de la rascasse, en Caroline du Sud est celui d’une prolifération accidentelle. L’an dernier, aux États-Unis, en Caroline du Sud, quelques exemplaires de rascasse (poisson volant) sur les côtes ont été signalés. Nous ignorons d’où ils viennent. Ils pensent que cela serait dû au cyclone Andrew (1990) qui a ravagé dans le sud de la Floride quelques aquariums, il y aurait eu fuite de ces rascasses et on les retrouve maintenant jusqu’en Caroline du Nord. On ne sait pas ce que cela va donner.

Encore un exemple, en milieu marin, en Polynésie, est celui d’une prolifération accidentelle. Il y avait une industrie qui marchait très bien, celle de l’huître perlière qui faisait vivre beaucoup de monde. Récemment, ils ont introduit des nacres pour essayer de varier les espèces ; en même temps, ils ont introduit une petite anémone, pratiquement invisible, et celle-ci a trouvé un milieu favorable et prolifère. Elle se fixe sur la nacre, déforme la coquille, bloque la croissance et, dans certains atolls, la perliculture est en train de disparaître.

L’exemple d’une plante originaire de Chine est celle d’une prolifération accidentelle. Cette espèce, originaire de Chine et du Japon, la pueraria montana, est une plante qui est parfaitement contrôlée, qui a une très belle fleur. En Chine, on en extrait un produit mis en gélule qui lutte contre l’alcoolisme. Or cette plante est arrivée par hasard dans le sud, sud-est des États-Unis, c’est-à-dire en zone chaude et humide, et celle-ci s’est mise à proliférer. Elle envahit tout, elle a des racines de deux mètres, et elle a une croissance de trois cents mètres par an. Cette liane s’installe dans les forêts et les englobe, et cela détruit tout jusqu’à en interdire l’accès et - stupeur - elle a perdu ses vertus pharmaceutiques. Par conséquent elle n’est pas exploitable et ne sert à l’alimentation d’aucun bétail. Actuellement, il y a deux à trois millions d’hectares perdus et les Américains estiment cette perte à 500 millions de dollars par an, pour lutter et en perte de productivité.

L’exemple d’une fourmi, en Nouvelle-Calédonie, est celui d’une prolifération accidentelle. Cette petite fourmi, appelée la fourmi électrique, a été introduite accidentellement avec du matériel. Elle s’est mise à proliférer et devait être facile à éliminer. Habituellement, les fourmis sont en colonie et les colonies, entre elles, sont en compétition et extermination. Dans ce cas, elles se sont développées de telle sorte qu’on a l’impression que c’est une seule colonie, donc il n’y a plus de rivalité entre les différents nids de fourmis. Elle s’est développée sur les caféiers, dans les prairies où elle attaque le bétail (elle engendre chez lui un problème oculaire) qu’il faut évacuer. Cette petite fourmi a développé des associations, avec d’autres insectes, au niveau des caféiers,. Par exemple, elle protège la cochenille, parce qu’elle fournit le miellat et la nourrit. Nous avons essayé les insecticides, les ouvrières sont tuées, mais, les reines et le reste de la colonie n’étant pas accessibles, elles disparaissent un certain temps et réapparaissent presque immédiatement (prolifération rapide).

La teigne du Guatemala qui affecte la pomme de terre est un autre exemple de prolifération accidentelle. Ce sont des larves qui attaquent la pomme de terre. En quatre semaines, elles arrivent à faire disparaître un stock de pommes de terre. Cela a commencé au Guatemala, puis cela s’est répandu. Compte tenu des crises économiques, le prix de la pomme de terre a chuté, d’où l’abandon des cultures sur place, ce qui fait que la population de vers a augmenté. On n’arrive pas à les combattre. L’autre problème est qu’ils ont expédié la semence un peu partout et on commence à retrouver cette espèce aux Canaries. Il faut être vigilant. Nos collègues dans les pays d’Amérique du sud et Centrale essaient de suivre et de contrôler cette espèce, de manière à la stopper.

Un autre exemple, celui cette fois d’un petit serpent, est encore un exemple de prolifération accidentelle. Ce serpent, installé en Australie, Philippines, Salomon, a été transporté à Guam accidentellement par avion dans les années 1950. Là, ils ont été dispersés et ont réussi à proliférer, de telle sorte que cela a abouti à une invasion complète qui a complètement fait disparaître toutes les populations d’oiseaux de Guam. Ils ont même réussi à mettre en panne dans la centrale électrique tout le système électrique de Guam. Encore là, ils n’arrivent pas à lutter parce qu’il n’y a pas de prédateur. Le problème est qu’ils continuent, soit par cargo, soit par avion, à être disséminés dans les autres îles du Pacifique, et on en a signalé récemment en Espagne.

Je peux également vous citer les cas de mammifères, tels le lapin qui, en Australie, a tout mangé et, malgré cet exemple, on a continué à les mettre aux Kerguelen. De même, des mangoustes d’Inde qui ont été introduites à l’île Maurice afin de décimer les rats. Le résultat est qu’elles ont exterminé tout ce qui existait et que maintenant on n’arrive plus à se débarrasser des mangoustes.







Mis à jour le 31 janvier 2008 à 15:52