2002 : Milieux Extrêmes d’un monde à l’autre, Terre, Mer et Espace > TR 2 : Quelle éthique pour les explorations dans les milieux extrêmes ? >
Évolution et indépendance : un apprentissage ?Évolution et indépendance : un apprentissage ?
Vladimir Sokolov, Océanographe, chercheur à l'Artic Antartic Research Institute, Saint-Pétersbourg
Biographie :
SOKOLOV Vladimir Compte rendu :
Transcription :
21 novembre 2002 TR2
Discours de Vladimir Sokolov
Bernard Buigues (présentation de Vladimir Sokolov) :
La venue de Vladimir Sokolov à Brest est à la fois un petit peu inattendue, mais en même temps plutôt logique, puisqu’il travaille depuis 28 ans à l’AARI (Arctic and Antarctic Research Institute) dans les domaines de l’océanographie polaire, avec un terrain de jeu ou un terrain d’expertise situé dans l’hémisphère nord. Sa présence ici s’inscrit dans le champ des débats qui sont ouverts par ces journées d’entretien, mais elle est aussi motivée par le fait de sortir un peu d’un certain isolement : en effet, si beaucoup de laboratoires étrangers travaillent avec l’AARI, c’est généralement sur la zone antarctique. Jusqu’à un passé récent, les Russes entretenaient de nombreuses bases en Antarctique, et les Français connaissent bien la station de Vostok pour y avoir mené un programme de carottage en partenariat avec les russes. En revanche, dans le domaine de l’exploration arctique, les personnes qui travaillent à l’AARI de Saint-Pétersbourg sont un petit peu isolées. Au-delà de la présentation que va faire Vladimir Sokolov aujourd’hui, c’est aussi une occasion de tisser des liens, d’échanger des idées et - pourquoi pas ? - d’envisager certains programmes ou certains développements.
Vladimir Sokolov :
Le bassin arctique ainsi que les mers adjacentes sont une des régions les plus importantes de la planète, car le régime qui les caractérise influe sur le climat de tout l’hémisphère Nord.
Aujourd’hui, l’état de l’atmosphère au-dessus de l’océan Arctique, de même que certains paramètres de la couverture de glace, peuvent être contrôlés à l’aide de satellites en orbite polaire. En revanche, les caractéristiques des masses d’eau sous la banquise, notamment les couches profondes, ne semblent pas, même dans un avenir lointain, à la portée des satellites.
Avant 1991, ces données étaient essentiellement recueillies par les Soviétiques à partir d’observations effectuées sur les stations dérivantes “ Pôle Nord ”, lors d’expéditions aériennes de hautes latitudes, d’expéditions maritimes ou depuis des stations polaires terrestres. Depuis juin 1991, on a cessé en Russie les observations permanentes de l’état de l’océan dans le bassin arctique et les mers adjacentes, après la fermeture de la 31e station dérivante, mettant fin à 40 ans de travaux ininterrompus sur le bassin arctique.
Ce manque crucial de données pour la région arctique s’est avéré encore plus dramatique quand, à la fin des années 80 - début des années 90 -, on a constaté une importante arrivée d’eaux plus chaudes de l’Atlantique qui, selon les données fragmentaires de plusieurs expéditions, a provoqué des modifications considérables dans la structure des eaux intermédiaires et de surface du bassin arctique, ce phénomène ayant même des répercussions sur la calotte groenlandaise. Cette dernière décennie, les États-Unis, le Canada, l’Allemagne et le Japon ont conduit des programmes d’envergure dans l’Arctique grâce à des balises dérivantes, des sous-marins nucléaires, des plates-formes aéroportées ainsi que la réalisation de toute une série d’expéditions aériennes et maritimes.
Cependant, malgré toutes les données obtenues au cours de ces missions auxquelles il faut ajouter celles obtenues à partir des satellites, il n’y a pas actuellement, pour nombre de paramètres, de vision réelle sur les processus et phénomènes qui déterminent la circulation dans l’océan Arctique. Nous en avons des visions fragmentaires, résultats de simulations.
Nous plaidons ici pour la réhabilitation des bases dérivantes qui offrent la possibilité de travailler toute l’année, de pouvoir modifier les expériences en fonction des données obtenues et surtout d’être présents au cours des deux périodes transitoires : la fonte printemps/été et le gel automne/hiver, qui sont cruciales pour comprendre la dynamique de l’océan arctique.
Mis à jour le 30 janvier 2008 à 17:16