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Sciences et techniques au service de la connaissance du domaine maritime, la cartographie

Jean-Louis Bouet-Lebœuf, Chef du centre d'hydrographie du SHOM

Biographie :

BOUET-LEBOEUF Jean-Louis

Compte rendu :

Transcription :

21 novembre 2002 Ouverture


Discours de Jean-Louis Bouet-Lebœuf



Je voudrais maintenant vous présenter en quoi l’activité du Service hydrographique et océanographique de la marine (le SHOM) peut rejoindre les diverses préoccupations de ces entretiens. Une des missions fondamentales de ce service est de fournir aux navigateurs une description aussi précise que possible des océans et mers du globe, afin de leur assurer la meilleure sécurité de navigation possible. Pour cela, le SHOM met en œuvre les techniques les plus modernes pour avant tout recueillir les données et les présenter aux navigateurs. Je vais essayer de vous donner un aperçu de cette modernité.

Il est toujours utile de rappeler que les océans et les mers représentent 2/3 de la surface du globe, que ce milieu n’est pas d’un accès facile, qu’il est parfois hostile, et surtout que son exploration et sa connaissance sont relativement complexes et difficiles. De plus, c’est un milieu instable et en mouvement permanent.

En revanche, ce milieu est fondamental pour les activités humaines, et de nombreuses activités sont en relation étroite avec lui : la connaissance des climats ; le transport et le commerce maritime ; la pêche. Il faut aussi noter que la majeure partie de la population du globe vit près des côtes ou à proximité immédiate des côtes.

Son exploration et sa connaissance passent par la mise en œuvre de techniques et moyens sophistiqués et modernes. Pour le faire connaître, il faut le représenter sur des projections planes : c’est l’objet de la cartographie qui va permettre à la fois sa description physique (cartes géomorphologiques) et des descriptions thématiques à usage spécifique (cartes marines de navigation par exemple).

Examinons d’abord par quelles techniques son exploration va être conduite : le recueil des données.

La première méthode, et sans doute la plus ancienne, consiste en la réalisation de levés hydrographiques qui va mettre en œuvre des techniques diverses. Toutefois, il fallait avant tout résoudre plusieurs problèmes : le premier est de déterminer sa position en mer et, en particulier, hors de vue des côtes. La détermination de la position en mer a bénéficié de toutes les découvertes successives, notamment celle de la boussole, celle du chronomètre, l’utilisation de l’astronomie, des appareils optiques (sextant, théodolite...) et enfin et surtout de la mise en service de satellites de positionnement (le GPS) qui permettent des précisions de l’ordre du mètre, quel que soit l’endroit du globe. Aujourd’hui, on dispose d’un système très intéressant depuis une trentaine d’années et qui permet depuis peu de temps à tout un chacun de se positionner très précisément en mer.

L’autre problème à résoudre est de déterminer les mesures annexes (observations de la marée, mesures de courants...) et de définir une référence pour cette profondeur sachant que la première application à satisfaire est la sécurité de navigation. Pour cela, on sera amené à mener des mesures pour déterminer cette référence. Traditionnellement, dans le milieu marin, la référence des profondeurs (le zéro hydrographique) a toujours été choisie dans le but d’assurer la sécurité de navigation en indiquant la profondeur minimale (hors variation due aux marées).

Ces observations sont aujourd’hui utilisées en parallèle avec des méthodes mathématiques de modélisation qui permettent de déterminer la propagation de la marée, à tout instant et en tout lieu, les prédictions de hauteurs d’eau qu’il faut rajouter aux profondeurs indiquées sur les cartes pour déterminer la hauteur d’eau en un point donné, à un instant donné. Pour réaliser des modèles, il faut disposer au préalable d’une très bonne connaissance de la bathymétrie (profondeurs).

Une fois que nous avons déterminé toutes ces références, résolu tous ces problèmes annexes, il faut mesurer la profondeur. Historiquement, la mesure desprofondeursa été réalisée très longtemps à l’aide du plomb de sonde. Il a été supplanté dans le premier tiers du XXe siècle par l’utilisation de méthodes acoustiques plus efficaces et plus aisées à mettre en œuvre : le sondeur vertical.

C’était alors un énorme bond en avant, mais l’avènement des sondeurs multi-faisceaux (SMF) va de nouveau révolutionner ces méthodes dans les années 70 et, aujourd’hui, on assiste à une généralisation de l’emploi de ces systèmes très performants, véritables scanners des fonds marins.

Je ne ferai qu’évoquer ici les difficultés de traitement des données acquises avec ces SMF en raison du très grand volume de données acquises dans un très court laps de temps. Ces traitements nécessitent l’utilisation de méthodes mathématiques très pointues et font l’objet de recherches permanentes d’amélioration des performances en temps de traitement pour assurer une très grande qualité aux résultats, en particulier dans les petits fonds (garantie de la sécurité maritime).

Le sondeur latéral permet aussi, en complément des sondeurs verticaux, de rechercher avec plus de certitude les diverses épaves ou obstructions sur les fonds des mers.

D’autres méthodes de recueil font appel à des systèmes embarqués sur des plates-formes aéroportées, comme les avions ou les satellites. Ces méthodes ont le très grand avantage de la rapidité de recueil sur des grandes surfaces, mais, malheureusement, les capteurs ne peuvent pénétrer très profondément dans l’eau et ces systèmes sont réservés aux petits fonds, dans les zones côtières en particulier. On peut y associer de nouveaux systèmes, comme les caméras lasers ou des lidars qui sont des systèmes un peu plus performants que la caméra optique et qui donnent des résultats très intéressants. L’avantage de ces systèmes réside dans la très grande rapidité à recueillir de l’information sur une très grande surface. En revanche, les images des satellites comme Spot 4 sont très intéressantes dans les eaux claires, par exemple sur les atolls de Polynésie et ceci nous permet, en faisant des traitements adéquats, d’obtenir des cartographies expédiées de ces atolls pour les 20 premiers mètres, zone où les informations sont les plus utiles, car elles permettent d’avoir une idée globale, très rapide, de la géomorphologie de la zone et de déterminer les zones à hydrographier pour la navigation.

Quant à la représentation des espaces maritimes, l’une des premières représentations de ces espaces a été réalisée à des fins de navigation, c’est la carte marine. Je ne remonterai ici qu’au XVIIe siècle avec la publication du fameux “ Neptune François ”, publié en 1693. Je passerai ensuite très vite à la carte d’aujourd’hui : elle est devenue un produit réalisé selon un standard international sous l’égide de l’Organisation Hydrographique Internationale.

La représentation complète des mers et océans nécessite l’établissement de plus de 3 000 cartes marines. Le SHOM, pour sa part, entretient une collection de 1 120 cartes couvrant en particulier les territoires français, les pays d’Afrique francophone et la Méditerranée.

Aujourd’hui, les cartes marines sont faites selon un standard international qui a été promulgué par l’Organisation Hydrographique internationale qui regroupe environ 70 pays aujourd’hui. Ce standard permet à chaque pays de réaliser une carte marine qui est utilisable par n’importe quel usager (le seul problème étant l’alphabet). La conception d’une carte marine est un processus complexe qui nécessite un travail de longue haleine (plus de 1 000 heures de cartographe). Il met en œuvre les techniques graphiques les plus modernes, en particulier pour le traitement et la présentation des données hydrographiques numériques permettant d’assurer la sécurité de navigation (profondeurs, obstructions et épaves, balisage et amers, réglementation...).

La diminution du nombre de personnes sur les passerelles en dépit d’une augmentation du trafic maritime, l’apparition de cargaisons dangereuses, une augmentation des tirants d’eau des navires, l’apparition de navires rapides, ont incité les divers Services Hydrographiques à étudier de nouvelles présentations des données de navigation pour augmenter la sécurité : c’est ainsi que sont nées les cartes électroniques de navigation (ENC) et, en parallèle, les systèmes de visualisation (ECDIS), véritable système expert de navigation assistant les commandants de navire dans leur préparation des voyages et dans leur navigation, leur permettant d’avoir un suivi permanent de leur navigation grâce aux systèmes de positionnement en temps réel, déclenchant par exemple des alarmes s’ils s’écartent de la route ou s’ils arrivent sur un danger, etc. Ces systèmes ont vocation à remplacer progressivement, en fonction de la disponibilité des ENC, les cartes traditionnelles sur papier. Aujourd’hui, il y a environ 90 cartes qui ont été réalisées par la France sur la métropole. La particularité de cette cartographie est qu’elle est divisée en zones de responsabilité nationale, c’est-à-dire que, typiquement, la France fera des cartes électroniques dans les zones de responsabilité nationale, mais également dans des zones où elle assume une responsabilité cartographique comme l’Afrique francophone. De leur côté, par exemple, les Britanniques, comme tous les autres pays, ne font théoriquement des cartes que dans leur zone de responsabilité ou dans des zones où ils assument une responsabilité cartographique. Cette cartographie numérique change complètement la donne par rapport à aujourd’hui, où, par exemple, les Britanniques ont un portefeuille mondial de cartes marines, où nous-mêmes avons un portefeuille semi-mondial, etc. On assiste à un véritable partage de la cartographie marine du globe, ce qui peut sans doute bénéficier à une meilleure connaissance, pourvu que chacun se concentre sur ses zones d’intérêt et n’aille pas refaire le travail qui a déjà été fait dans d’autres zones.

Enfin, en parallèle, et pour une description plus complète des fonds, il est possible d’éditer des cartes géomorphologiques qui permettent de mieux rendre compte de la topographie des fonds marins et de ses reliefs, sous réserve qu’ils aient fait l’objet de relevés selon les méthodes explicitées plus tôt. Le SHOM participe à de tels projets sous l’égide de la Commission océanographique intergouvernementale et dans le cadre de programmes de la GEBCO (General Bathymetric Chart of the Ocean, qui va fêter son centenaire à Monaco en avril prochain).

Bien entendu, le SHOM intervient aussi bien dans les zones proches de la métropole que dans les milieux extrêmes comme la Terre Adélie récemment. Pour en savoir davantage sur tous ces sujets, je vous invite à vous reporter au site Web du SHOM : www.shom.fr






Mis à jour le 30 janvier 2008 à 15:31