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2003 : Les mers , un océan de richesses ? > TR 2 : Observation et connaissance des océans >  Spécificités et atouts du navire océanographique "Marion Dufresne"

Spécificités et atouts du navire océanographique "Marion Dufresne"

Gérard Jugie, Directeur de l'IPEV Institut Polaire Français Paul Emile Victor

Biographie :

JUGIE Gérard

Compte rendu :

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Transcription :

7 novembre 2003 TR2


Discours de Gérard Jugie



Je souhaitais remercier le président de l’université d’avoir bien voulu mentionner l’IPEV comme un des fleurons du dispositif de recherche océanographique brestois et national. Nous sommes certes un petit organisme et a priori, nous n’avons pas de vocation océanographique dans nos missions puisqu’en tant qu’institut polaire, le gros de notre travail est de mettre en œuvre les programmes de l’État français en matière de recherche et technologie dans les zones polaires, qu’elles soient nord ou sud. Ceci dit, pour rejoindre ces zones, il n’y a pour le moment, au moins pour la France, comme moyens que les moyens nautiques. Et plutôt que d’utiliser ces moyens nautiques uniquement sous la forme logistique, avec l’accord et l’incitation, bien entendu, du ministère de la Recherche et des autres tutelles, nous essayons d’optimiser ces moyens nautiques au bénéfice de la communauté océanographique française bien évidemment, mais également de la communauté océanographique internationale car certains de ces moyens nautiques sont particulièrement originaux, non seulement dans leurs équipements mais aussi dans leurs fonctions. Un navire qui doit rejoindre les terres australes, en particulier les archipels de Kerguelen, Amsterdam ou Crozet, n’a sûrement pas les mêmes caractéristiques qu’un navire qui est destiné à faire du côtier et bien qu’Anne-Marie Alayse ait signalé que nous utilisions ces moyens à temps partiel, ces temps partiels sont tout de même importants puisque le « Marion Dufresne » est utilisé à vocation océanographique 217 jours par an. L’« Astrolabe », utilisé 120 jours par an, pour une vocation essentiellement logistique, est aussi utilisé pour réaliser des expériences à vocation océanographique le long de son trajet entre Hobart et la Terre Adélie.

Le « Marion Dufresne » est le plus important navire de la flotte océanographique française, 120 mètres, et bien entendu le plus grand de la flotte océanographique européenne. Il a été conçu non seulement pour affronter des océans difficiles, mais aussi au départ comme un navire de logistique, c’est-à-dire qu’il est à la fois un tanker, un porte-conteneurs, un paquebot pour des passagers ; il a été également développé en vue de remplir un certain nombre de missions océanographiques spécifiques qui, au départ, étaient dédiées à l’Océan Indien et qui est devenu au cours du temps et sous la pression de la demande scientifique un navire qui parcourt toutes les mers du monde. Par exemple, en 2003, le « Marion Dufresne » a eu l’occasion de pratiquement faire le tour du monde au cours des 217 jours.

Un des clichés symboles à proscrire du « Marion Dufresne », c’est bien entendu l’aspect recherche polaire. Ce n’est pas un brise-glace, il n’est pas capable d’aller dans les glaces, il ne peut qu’en approcher pour faire éventuellement des travaux dans ces zones, mais c’est un bateau qui résiste très bien et qui a un bon comportement à la mer, ce qui permet de faire des travaux dans des zones où d’autres bateaux seraient moins adaptés.

L’« Astrolabe » est le moyen français de desservir la terre Adélie. Ce n’est pas un brise-glaces mais un navire polaire de 65 mètres, capable de relier le continent australien, la Tasmanie à la Terre Adélie en 5-6 jours selon les conditions (2 600 km) ; actuellement, le bateau est en train de faire son premier aller-retour, à vrai dire son premier retour puisqu’il avait démarré, il y a quelques jours, pour essayer de rejoindre le continent antarctique et comme il est souvent de coutume en début de saison d’été austral, le navire n’a pu approcher le continent qu’à environ 95 km, ce qui a permis de rompre l’hivernage et de commencer à ravitailler et à porter quelques hommes sur le terrain mais il n’a pas pu aborder la Terre Adélie directement et aujourd’hui il est à mi-chemin du retour entre la Terre Adélie et Hobart pour entamer une prochaine rotation. Cette année, il y en aura quatre au lieu des cinq rotations habituelles et nous espérons qu’entre aujourd’hui et la prochaine rotation, les tempêtes et les vents auront été suffisants pour organiser la débâcle, c’est-à-dire casser la banquise qui est très épaisse devant Dumont d’Urville, avec une épaisseur de plus d’un mètre cinquante.

Le PC scientifique du « Marion Dufresne » est assez similaire à ce que l’on trouve sur les navires de recherche scientifique comme ceux d’Ifremer, peut-être un peu plus rustique dans notre cas, non seulement par le fait que le navire est à la fois utilisé pour des raisons logistiques mais également pour des raisons scientifiques et puis par le fait que nos équipes sont plus réduites.

On ne peut parler du « Marion Dufresne » sans évoquer ce qui est le fleuron de ses activités. Ce navire est capable de faire des carottages sédimentaires, c’est-à-dire l’extraction de carottes de sédiments meubles ; en fait, le dispositif présent sur le navire est une immense seringue lestée par une charge de plomb variable sur sa tête et qui, par gravité, est capable d’aller chercher des colonnes de sédiments pour lesquelles nous détenons à l’heure actuelle largement les records mondiaux de longueur avec plus de 64 mètres lors des dernières opérations dans le golfe de Californie. C’est un système qui repose sur du savoir-faire, non brevetable, mais une accumulation de savoir-faire. Plusieurs pays ont essayé de copier le système, sans succès, ce qui nous permet aussi d’aller chercher un certain nombre de contrats avec des agences internationales, dont les agences américaines.

La remontée d’une carotte à bord, c’est-à-dire d’un tube de plus de 60 mètres dans certains cas. Ce tube est dressé le long de la coursive qui a été aménagée spécialement sans obstacle, ce qui permet à la carotte d’être amenée à bord, puis ensuite d’être découpée pour donner lieu à des travaux, en particulier les travaux de géosciences et les travaux de reconstitution des climats et des courants du passé. Ces carottes de 10 cm de diamètre sont traitées, mesurées avec un premier traitement à bord du « Marion Dufresne », avant d’être expédiées, pour moitié archivées dans les carottèques à l’Ifremer ou à Gif-sur-Yvette, et traitées par les différentes techniques de physico-chimie qui permettent de déterminer les caractéristiques de ces sédiments et remonter, étudier l’ensemble des climats, l’ensemble des modifications de courants, tout ce qui a pu se passer dans la mer à certains endroits pendant les siècles et les millénaires passés.

Sur le schéma présenté, il s’agit de l’extrait d’une carotte dans le bassin de Cariaca, sur la côte ouest des États-Unis, où la résolution est exceptionnelle car au niveau annuel.

Je vous parlais tout à l’heure de l’avancée qu’avait la France en matière de carottes sédimentaires ; on ne peut pas rester en tête d’un domaine sans essayer d’innover. Ainsi une nouvelle génération de carottiers est à l’essai, carottiers carrés qui permettent d’avoir des sections de 25 centimètres et qui permettent également de limiter l’effet de bord, c’est-à-dire que le sédiment sous cette forme est beaucoup moins déformé en section carrée qu’il ne l’est parfois sur les bords de la carotte circulaire.

Il y a des filets à plancton, des bathysondes pour l’étude de la colonne d’eau. Le « Marion Dufresne » est très utilisé dans un certain nombre d’observatoires, en particulier les observatoires de l’Océan Indien, vu la répétitivité des passages. Au fil de l’eau, des prélèvements sur la colonne d’eau sont faits régulièrement, intéressant la thématique des puits de carbone où excellent certaines équipes de l’université de Bretagne Occidentale. Le « Marion Dufresne » est également utilisé pour les observations du niveau des mers. Il est très important de pouvoir mouiller des marégraphes et la France possède la chance de disposer d’un certain nombre d’implantations dans le réseau terrestre mondial, avec les archipels sub-antarctique et la Terre Adélie, d’avoir une position privilégiée dans le maillage mondial, ce qui permet d’avoir des marégraphes et des termes de référence par rapport à l’ensemble du globe. Pour les travaux de bathymétrie, le « Marion Dufresne » dispose d’un sondeur multifaisceaux et de dispositifs bathymétriques qui ont été développés localement : levés de bathymétrie, de la détection de reliefs sous-marins et la traduction des cartes bathymétriques dans les trois dimensions, en particulier avec des outils développés au sein du centre d’Ifremer de Brest. Les travaux faits en réflectivité et les sondeurs de sédiments sont très utiles pour l’étude non seulement des marges continentales mais aussi des fonds d’océan.

Je voulais également mentionner la collaboration constante avec le SHOM sur ces sites car ce sont des endroits, en particulier l’Antarctique mais aussi les archipels subantarctiques dont les cartes océanographiques sont encore mal connues et, régulièrement, un détachement du SHOM nous suit pour faire des travaux et valider certaines campagnes océanographiques que nous réalisons.




Mis à jour le 29 janvier 2008 à 11:04