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Un exemple de collaboration industrie-recherche publique en grands fonds océaniquesUn exemple de collaboration industrie-recherche publique en grands fonds océaniques
Alain Morash, Chargé de la thématique Grands Fonds géosciences chez Total
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7 novembre 2003 TR1
Discours de Alain Morash
Plus on est dans des domaines frontières, que ce soit en géosciences ou autres domaines, plus la nécessité de travailler avec des connaissances de pointe apparaît. Dès qu’on est dans un domaine où la connaissance atteint ses limites, les industriels et les scientifiques doivent surfer ensemble sur le savoir. À ce titre, les grands fonds sont un domaine frontière, en tout cas çà l’était encore, il y a quelques années. Il y a 30 ans, on découvrait réellement ce qu’était les grands fonds océaniques mais pour l’industrie, en tout cas pétrolière, les grands fonds étaient un domaine frontière à tous points de vue, il y a encore 15 ans. Le niveau de connaissance, dont on avait besoin, a rendu évident la nécessité de travailler avec les scientifiques. Est-ce le fruit du hasard que, progressivement, on soit allé vers les grands fonds ? Les exposés précédents montrent bien que rien n’est le fruit du hasard. L’océan a été approché progressivement parce que son approche était délicate. Ce qui était vrai au niveau société était vrai pour l’industrie qui est un des éléments de la société. Je vais essayer de vous expliquer la raison pour laquelle on a travaillé ensemble sur le projet ZaïAngo.
Présentation d’une carte : cette carte illustre les bassins sédimentaires un tant soit peu conséquents auxquels pourrait s’intéresser l’industrie pétrolière. Ces bassins qui ont une épaisseur supérieure à 3 500 mètres, par des profondeurs d’eau supérieures à 500 mètres, sont prospectifs en terme industriel. Ce qui est important, c’est que leur superficie est à peu près de 30 à 35 millions de km2, et à l’issue des réflexions qu’ont pu mener l’industrie avec les scientifiques, clairement la partie, qui en terme industriel pétrolier peut être prospective, est inférieure à 5 millions de km2.
Exemple de réalisation industrielle faite par le groupe Total, menée de manière industrielle par toutes les compagnies pétrolières qui travaillent dans le deep offshore. Comme dans le milieu scientifique, c’est un univers assez fermé. Il y a 5-6 compagnies au monde qui sont capables de mener de manière industrielle des projets comme celui-là, ce qui signifie qu’on va être capable de mener à bien dans un contexte économique une exploitation des hydrocarbures du fond de l’eau mais également dans un contexte de sécurité : pas de mort d’homme, pas de pollution qu’on n’est pas a priori capable de maîtriser, et on aura au bout du compte, la volonté d’avoir une valeur ajoutée pour l’ensemble de la société. Les projets industriels viables, c’est ça et ça devient de plus en plus vrai pour l’univers industriel.
Entre 800 et 2 000 mètres d’eau, on va chercher à exploiter des champs pétroliers en disposant des installations dites des têtes de puits sous-marines indépendantes sans intervention humaine directe. On a la capacité de mettre en production et de contrôler des forages qui vont partir verticalement sous ces têtes de puits pour aller mettre en production des accumulations d’hydrocarbures qui sont situées entre 1 000 et 2 000 mètres plus bas. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’en gros, il y a des installations de surface qui sont à 1 000 mètres du fond de l’eau et qui vont aller investiguer des réserves d’hydrocarbures situées entre 1 000 et 2 000 mètres plus bas. Tout cela pèse 10 milliards de dollars et ça représente surtout l’effort de centaines et de centaines de personnes pour emboîter ce puzzle qui fonctionne correctement. Derrière la réalisation d’un tel projet, il y a tout un milieu industriel et scientifique européen et américain.
Pourquoi avons-nous fait ZaïAngo ? C’était pour trouver des hydrocarbures et mettre en production des objets (voir photo) : deux coups de ciseau dans un volume sismique 3D qui est l’équivalent d’une échographie du sous-sol marin. On voit des dépôts sableux qui se sont déposés bien au large du Zaïre et c’est comprendre ces phénomènes, leur répartition, leur géométrie qui nous a incités, en tant qu’industriel, à nous associer avec l’Ifremer pour aller investiguer les fonds sous-marins dans cette région. C’était l’objet réservoir, c’est-à-dire comment les dépôts sableux s’organisaient et c’est dans ce type de dépôts sableux que constituaient des pièges potentiels. Dans l’industrie pétrolière, on s’intéresse à une épaisseur de piles sédimentaires suffisamment importante pour qu’on ait cette éternelle trilogie. La roche mère, c’est-à-dire des argiles qui sont enfouis suffisamment profondément et soumis à des conditions de pression et de température telles que la matière organique va pouvoir se transformer en pétrole et aller se piéger dans des réservoirs. Tout ceci est contrôlé par l’épaisseur et le fonctionnement en général de la marge. C’est quelque chose qui a une vie et qui continue à vivre et les industriels ont besoin de comprendre comment cela fonctionne, quelles sont les chronologies relatives des différents phénomènes géologiques et cela afin d’être capables de voir quelles régions sont potentiellement intéressantes et quelles sont les clés pour les identifier. C’est le premier axe de la collaboration avec l’Ifremer. Le deuxième a concerné les problèmes d’hydrates de gaz, les problèmes d’indices d’hydrocarbures au fond de l’eau, ou encore des éléments de connaissance indirecte du substratum et du fonctionnement du système pétrolier. Le troisième élément, très important, ce sont les réservoirs. L’Ifremer a été capable de réaliser une image très fine des fonds marins actuels, dont on tire des modèles sédimentaires sur lesquels on peut travailler. Image d’un robot qui a investigué aussi bien en terme d’images que de carottages les canyons sous-marins. La troisième logique industrielle, qui était pour nous essentielle, était les géo-hasards. L’exploration et la mise en production nécessitent de mettre au fond de l’eau toute une série d’installations et ces installations sont soumises à un environnement sous-marin inconnu, par exemple en terme de fond sous-marin avec un problème d’instabilité entre autres. Il fallait que l’on ait une connaissance des fonds marins qui nous permette d’évaluer les risques et de positionner nos installations sous-marines au bon endroit. Le milieu sous-marin était inconnu et on avait besoin de faire un point zéro, c’est-à-dire de savoir quelle était la faune et quelle était la flore dans le grand fond, quel était le moyen de l’évaluer en faisant un certain nombre d’échantillonnages. Le deuxième problème était essentiel, car si on a un jour des hydrocarbures en contact avec cette faune et cette flore, quel sera l’impact ? Comment le maîtriser en terme d’intégration, à la fois des courants et des problèmes d’interaction des hydrocarbures avec cet environnement. C’était le dernier élément qui était derrière cette collaboration.
Mis à jour le 29 janvier 2008 à 10:21