2000 : Vagues de pollution, impacts et prévention > TR 4 : Ecailles et plumes : éthique, droit et pollution >
Débat de la table ronde 4Débat de la table ronde 4
Bernard Ayrault, Directeur de l’Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications de Bretagne
Paul Lannoye, Député Européen, Président du groupe des Verts au Parlement Européen
Jean-Marie Gilory, Directeur des Affaires Maritimes de Bretagne
Michel Muller, Membre du Conseil Economique et Social
Jean-Loup Velut, Préfecture Maritime de l’Atlantique
Didier Le Morvan, Chercheur au CEDEM (UBO)
Jacky Bonnemains, Association Robin des Bois
Francis Trémeau, Mer et environnement
Max Jonin, Université de Bretagne Occidentale
Michel Glémarec, océanographe - biologiste
Pierre Maille, Maire de Brest, Président du Conseil Général du Finistère, Président du CEDRE
Jean-Jacques Perrier, Directeur de la rédaction du journal Biofutur
Compte rendu :
Transcription :
21 octobre 2000 Débat de la TR4
Débat :
Bernard Ayrault :
Je suis passionné par ce qui se dit, on parle d’indemnisation, de risque, on ne parle pas d’assurance. Existe-t-il des assureurs prêts à assumer les risques et comment calculer les primes ? On s’efforce d’avoir une législation qui diminue les risques sans pouvoir l’annihiler et d’autre part, à juste titre, on envisage de prendre en compte des dommages à l’environnement dont la valeur est non-estimable. J’aimerais que les intervenants puissent parler de cet aspect technique pour qu’il puisse être mis en oeuvre après l’aspect juridique.
Sinon on aura des procès encore plus longs.
Paul Lannoye :
Je n’ai pas parlé de la difficulté lorsque ce sont des risques d’accidents rarissimes, mais aux conséquences très graves. Un cas pour lequel on a apporté une réponse est le nucléaire : il existe des conventions internationales, dans lesquelles on plafonne la responsabilité des acteurs, mais il existe un deuxième niveau avec des responsabilités collectives de tous les exploitants de centrale nucléaire, et le troisième niveau est constitué par les Etats. On constate que pour l’accident de Tchernobyl, l’ampleur des dégâts est au delà de tout ce qui existe en matière d’indemnisations prévues par le système d’assurances.
Voilà un exemple où l’on a artificiellement réglé le problème en fixant un plafond. Le cas du FIPOL et du transport d’hydrocarbures est le même, il y a deux réponses à cela. Une responsabilité collective des acteurs du secteur au delà d’un niveau d’assurabilité. La première réponse vient du politique : on considère que le risque est trop grand si les assurances ne veulent pas intervenir, et à ce moment on renonce à l’activité. La seconde réponse c’est de dire que cette activité est tellement utile à la société que ce sont les pouvoirs publics qui interviennent. En ce qui concerne les OGM, ma réponse penche plutôt pour la deuxième option.
Jean-Marie Gilory :
Il y avait une assurance, et c’est grâce à l’assurance, qui bien sûr, couvre des responsabilités limitées par des textes internationaux et est obligatoire pour des navires transportant des hydrocarbures notamment, et grâce aux sommes rapidement mises en place par les P&I club, clubs de protection d’indemnités chargés de cela, que des dédommagements relativement rapides ont pu être faits envers les victimes directes. C’est le fonds P&I club qui a servi le premier, étant entendu que pour le FIPOL dont on a vu qu’il avait un plafond, il existe une durée d’inscription des droits à indemnisations et que la règle du Fonds prévoit que l’indemnisation se fera au prorata de l’ensemble des dommages recensés. Cela ne peut intervenir qu’à l’issue d’un délai. Il y a assurance obligatoire pour ce type de transport et c’est l’assurance qui est intervenue pour indemniser les gens privés d’emplois et de ressources.
Michel Muller :
Il faut déplorer les insuffisances du FIPOL, mais saluer son existence par une possibilité d’intervention ou de mutualisation des risques, c'est un progrès.
Ce qui est en cause, c’est qu’il faut réformer le FIPOL qui n’est plus adapté.Avec 400 kilomètres de côtes touchées, c’est le principe de précaution qui a interdit la vente de coquillages pendant une certaine durée. 0,1% des parcs ont été touchés par la marée noire, mais la mévente en a touché 70%. Comment trouver les moyens de répondre à des impacts nouveaux ? Est-ce que le FIPOL dans la manière dont il est alimenté, est une bonne formule ? Ce sont des réformes à entreprendre et sa gestion est également à revoir. Permettre aux responsables du FIPOL qui travaillent sans aucun contrôle autre que ceux qui les paient, d’interdire de fait le pompage du pétrole en mer parce que cela coûterait trop cher est effectivement un droit abusif. Il devrait permettre l’intégration des risques écologiques et des dégâts environnementaux qui aujourd’hui ne sont pas pris en compte. Qu’est-ce qu’on a mis en place dans notre pays pour faire un inventaire de la biodiversité ? On est en difficulté. Une assurance a bien fonctionné pour l’Erika, c’est celle qui a remboursé à Total la valeur de la cargaison, puisque Total a touché l’argent dans les semaines qui ont suivi. On ne peut pas se satisfaire des P&I club qui sont en fait l’héritage des mutuelles des armateurs qui remontent au 17ème siècle. Il y a là des responsabilités nouvelles, les P&I club se réassurent à la Lloyds.
Comme sur l’ensemble du dossier, il y a un problème de morale, il faut moraliser tout cela y compris les pratiques du gouvernement français. La France ne donne pas l’exemple quand on instaure des pavillons comme ceux des territoires austraux ou de l’Antarctique. Il y a une acceptation trop complaisante des règles du jeu définies par les Etats et les institutions qui devraient faire les contre-pouvoirs. Il y a un registre qui permet à la France d’avoir des navires dotés d’équipage qui n’ont pas de convention collective de notre pays, c’est-à-dire qui ne sont pas soumis au droit international. On peut édicter toutes les règles que l’on veut, si l’Etat ne les applique pas, c’est le droit mou. La France pourrait très bien revoir les conditions d’exploitation de ces navires.
Ostréiculteur dans la salle :Vous avez dit que par rapport aux Etats-Unis, notre littoral breton, est soumis à un trafic longitudinal. Pourquoi ne peut-on pas imposer une zone de sécurité où l’on imposerait aux transporteurs de matières dangereuses un pilotage de haute mer, à savoir que chaque bâtiment qui rentre dans cette zone doit embarquer un pilote inspecteur pour contrôler la capacité à naviguer dans cette zone ? Pour l’Erika on n’a pas tout fait, on a mis le navire en travers de la lame.
L’inspecteur pourrait être un interlocuteur précis des autorités maritimes pour savoir quel est l’état du navire.
Pourquoi ne peut-on pas mettre en place de pilotage de haute mer dans des zones à proximité et à risques pour les populations ?
Jean-Loup Velut :
Juste un chiffre, 200 navires par jour au large de nos côtes.
Ostréiculteur :
200 bâtiments qui transportent des tonnages de matières, cela représente beaucoup d’argent.
Le coût de ces contrôles ne serait qu’un faible pourcentage
Michel Muller :
Contrôler la traçabilité des cargaisons peut être une réponse.Tout ce qui a été fait depuis 1978 est un pas important.Le rail d’Ouessant en est l’exemple et un résultat très positif. On ne peut que rendre hommage à ce qui est fait par les Cross et on ne le mesure pas assez.
Quarante cinq interventions, cela veut dire quarante cinq risques objectifs qui ont pu être évités. Ce qui pose le plus problème, c’est la capacité que nous aurons à interdire certains transports par temps dangereux.Si nous avons une traçabilité des navires, l’âge de la cargaison, ce qu’il transporte et quand, la connaissance de tous ces paramètres donnerait la possibilité aux autorités maritimes d’intervenir quand tel ou tel bateau navigue. Il faut rendre hommage au CEDRE, quand on pense à la capacité que le Centre a eu d’analyser rapidement le produit et ses effets, on aurait pu gagner du temps si comme cela se fait aux Etats-Unis, il y avait eu obligation pour le propriétaire de la cargaison de prévoir un plan anti-pollution en cas d’accident.
Didier Le Morvan :
La question posée est de savoir si on peut créer un droit régional plus sévère, avec la possibilité de créer une zone supplémentaire. Il faut répondre en juriste et pour ce faire,regarder du côté du texte de référence qu’est la Convention des Etats-Unis sur le droit de la mer.Elle prévoit dans de nombreuses dispositions la possibilité d’actions régionales. La régionalisation semble acceptée mais même recommandée en conformité avec les règles internationales.
Sur le plan juridique, il semble difficile de créer une nouvelle zone.Il y a quelques années,il y a eu plusieurs directives en matière de droit maritime.L’obligation d’informer les autorités de l’Etat du port.L’idée a été d’élargir cette obligation aux navires de transit.On a vu alors une levée de bouclier d’un certain nombre d’Etats qui se sont référés à la Convention de la mer.Attention on remet en cause le droit de passage inoffensif, la liberté de navigation. Si on peut le faire, la politique des petits pas est peut-être la plus pragmatique.
Paul Lannoye :
Le fait que les Etats-Unis aient adopté un certain nombre de réglementations spécifiques impliquent que l’Union Européenne doit se montrer plus volontariste.
L’union qui va s’élargir à douze pays a encore plus de moyens pour adapter des mesures typiquement régionales,mais aussi de peser au sein de l’organisation internationale en tant qu’acteur unique.Le droit va évoluer,il suit la politique et non l’inverse.
Ce n’est pas le droit qui prime sur le politique.
Jacky Bonnemains :
Je voudrais poser une question à Monsieur Velut.Tout à l’heure il a montré une cartographie des principaux trafics qui tous les jours passent au large d’Ouessant au large de la Bretagne.Je crois savoir,mais je n’en suis pas sûr,que tous les moyens d’assistance et de remorquage à votre disposition et dont je ne remets pas en cause la compétence, sont fixés pour protéger en priorité,et cela se comprend,le trafic militaire particulièrement dangereux pour toutes les raisons que l’on connaît. Quand des sous-marins nucléaires, qui, nous le savons tous, transportent des combustibles voire des cargaisons particulièrement dangereuses sont en manœuvre d’approche ou de sortie du port de Brest, qui sont donc obligés de couper cette autoroute montant et descendant au large d’Ouessant, si à ce moment-là, vous avez ailleurs, au sud de votre zone d’influence, comme l’Erika, ou au nord, une alerte grave sur pétrolier ou un chimiquier, que faîtes-vous ?
Jean-Loup Velut :
C’est la première fois qu’on nous fait un tel procès d’intention ou ce qui ressemble à un procès…
Jacky Bonnemains :
Monsieur Velut, je ne fais pas de procès d’intentions, je ne nie pas votre compétence, j’apprécie votre sens des responsabilités. Je dis simplement que vous faites du mieux possible avec les moyens que vous avez à votre disposition. Je crois paraphraser les propos que votre supérieur a prononcé au moment de l’Erika.
Jean-Loup Velut :
Je rebondirai sur la dernière phrase, il ne faut pas faire porter au Préfet Maritime une casquette plus large que celle qu’il porte réellement, il a une responsabilité qui est celle de coordonner l’ensemble des moyens tels qu’ils existent. Le trafic est ce qu’il est. Les missions de la marine sont ce qu’elles sont. Lorsqu’un sous marin nucléaire sort du port de Brest, la marine met en oeuvre des moyens d’accompagnement, qui sont des moyens militaires et qui n’interfèrent pas avec le dispositif de surveillance et de sécurité qui est celui qui existe et que j’ai décrit tout à l’heure. Qu’un sous-marin nucléaire sorte ou non, le Cross continue son travail. Le DST existe et est emprunté par les navires marchands. Le programme de l’Abeille n’a rien à voir avec celui des sous-marins nucléaires.
Ce qui est déterminant c’est la météo, ce n’est pas le programme des sous-marins nucléaires. L’un des problèmes majeurs est le manque de transparence de la part des navires eux-mêmes. L’opacité du système tel que je l’ai décrite, se traduit au niveau du navire par une propension à ne pas tout dire à l’état côtier dont on se méfie. En revanche on donne l’information à la chaîne armateuriale qui elle-même ne dit rien : c’est là le véritable problème.
Francis Trémeau :
Que compte faire l’Europe en matière de contrôle des compétences professionnelles des acteurs principaux du transport maritime ? Il n’y a pas que les équipages à mettre en cause et tous les exemples d’accidents ont pour causes principales des erreurs humaines et des erreurs liées à la compétence professionnelle des personnes à bord.Certains acteurs du transport maritime devraient avoir aussi des contrôles de leur compétence professionnelle, société de classification aux divers organismes privés ou non chargés de tester les bateaux ou de les sélectionner. Deuxième question, il existe dans le monde un système de régulation de contrôles internationaux, c’est le système de contrôle des transports aériens. Qu’est-ce qui empêche d’adapter tout ce qui existe dans le domaine du transport aérien au transport maritime ?
Jean-Marie Gilory :
Sur la formation des gens au niveau international il y a la fameuse convention STCW, qui bien sûr est intégrée par l’Europe.Elle fait partie des conventions que tous les pays d’Europe font appliquer. Cela peut faire appel à un contrôle à deux niveaux. Les personnes ont le diplôme qu’il faut, valable, du matelot de quart au commandant.
Cela peut passer aussi par un test de capacités, c’est à la limite de l’abus de pouvoir. En ce qui concerne les gens de terre, il y a eu un énorme progrès. Une convention très porteuse d’avenir qui s’appelle ISM, International Safety Management, qui se décline de la façon suivante : tout armement au monde doit désigner un responsable de gestion des crises et chaque navire doit posséder l’autre pendant de la chose. Cela se fait au travers des audits pratiqués dans les armements et attestés par un document que doit avoir le navire.
Ce document n’est pas simplement un diplôme, mais un ensemble de procédures de gestion de crises, qui présente ou devrait présenter un immense avantage en authentifiant dans la jungle des responsabilités,puisqu’on l’a dans ce document, le nom de la ou des personnes chargées à l’armement de gérer,en liaison avec le navire,toute situation de crises.C’est merveilleux. La bible a dit aimez-vous les uns les autres. Et quand on lit dans la presse maritime,et quand on sait que certains diplômes, et ma vieille expérience de capitaine au long cours, avant d’entrer dans l’administration, me permet de vous l’attester,que dans certaines officines de certains ports on peut acheter pour quelques dollars toutes les authenticités que l’on veut… Et après la promulgation de l’ISM code, on a lu dans un très sérieux journal de la marine marchande les tarifs offerts pour délivrer à un ensemble armement / navire les documents dont je viens de vous parler. Il faut se montrer très strict dans le contrôle par l’Etat du port. Les inventeurs des pavillons de complaisance que sont les Etats-Unis,qui devant le coût légèrement prohibitif de leurs propres citoyens ont inventé les pavillons du Honduras,du Liberia,du Panama.Ces pavillons de complaisance ne peuvent exister que parce qu’il existe des sociétés de classification.Si demain l’Ile d’Yeu, je prends volontairement une île qui n’est pas bretonne, devenait indépendante,je lui connais une ressource tout à fait facile. C’est de devenir un état d’immatriculation de navires en faisant payer des royalties à ce titre ; et comment pourrait-elle assumer ses responsabilités de contrôle de ses navires ? En déléguant à des sociétés de classification ! Cela ne lui nécessiterait aucun investissement intellectuel. Il existe un bon nombre de sociétés de classification qui sont reconnues au niveau international comme étant à peu près sérieuses.
Didier Le Morvan :
La Communauté Européenne s’efforce essentiellement d’intégrer les règles internationales, qu’il s‘agisse de la convention STVW ou du code ISM. Une réflexion sur les futures tâches de la structure européenne de la sécurité maritime est annoncée. Ce n’est pas la réponse attendue par ceux qui militaient pour une garde côtière européenne. En revanche la commission imagine que cette structure puisse avoir déjà des tâches de collecte et d’analyses d’informations, une mission d’audits d’évaluation des sociétés, et qu’elle puisse contribuer à la formation des inspecteurs.
Jean-Marie Gilory :
Tous les praticiens de la mer et de la marine marchande sont tout à fait d’avis qu’en aucun cas la responsabilité de la conduite d’un navire puisse être transférée sur une autre autorité que celle qui se trouve à bord, et c’est le capitaine.Cela fait l’unanimité.Ce qui progresse c’est la déclaration,c’est le suivi,le conseil sur image radar,mais on n'ira jamais jusqu’à un transfert de compétence comme c’est le cas en matière aérienne.
Michel Muller :
Je rajouterai une autre raison.Un navire n’est pas dans les mêmes conditions qu’un avion.Il faut laisser au capitaine la possibilité de prendre des décisions parce qu’il est lui, seul juge de ce qui peut se passer à un moment bien précis des événement, qui sont bien plus complexes en mer qu’ils peuvent l’être dans les airs. Des études sont réalisées pour un meilleur suivi.
Max Jonin :
Toutes les bonnes idées que l’on croyait de bon sens se trouvent confrontées à des réalités juridiques, procédurières, dans un contexte d’une culture de civilisation qui est basée beaucoup sur la triche. Nous sommes tricheurs chaque fois qu’on peut et dans un contexte économique qui est celui qu el’on a vu, c’est-à-dire pas facile à décrypter. Je ne suis pas très rassuré, car si on est là pour un échange entre spécialistes et société civile,on a aussi un devoir de mémoire et j’étais de ceux qui ont pu dire que dans la catastrophe de l’Erika,“l’accident programmé”,comme Jean-Baptiste Henry nous l’a très bien dit, nous avons tous notre part de responsabilité.
Parce que nous citoyens n’avons pas suffisamment fait pression sur la sphère politique pour aller plus loin.Après l’Amoco, ce qui a été fait et qui a bien fonctionné semble être,je dirais le plus facile.Nous sommes devant un avenir plein de problèmes que vous nous avez exposé,comment va-t-on en sortir ? Je pense qu’à travers tout ce que l’on a entendu, le constat a été fait et bien fait dans une grande diversité.Toutes les contraintes nous ont aussi été données. Quel est le plan d’actions pour que les bateaux ne se cassent pas et leur cargaison n’aille pas à la mer ?
Je proposerai à Monsieur Maille, qui préside, de tous revenir pour produire ce plan d’actions qui nous permettrait de jouer notre rôle citoyen, notre devoir d’ingérence, afin d’avancer. J’aimerais avoir quelque chose de concret à me mettre sous la dent et je n’ai pas le sentiment que je vais partir avec ma besace bien remplie.
Sur ce problème de la déconnection de la société civile et des spécialistes, ne faut-il pas imaginer que des conférences citoyens / spécialistes aient lieu pour régler les problèmes de pollutions marines ? Les comités de spécialistes ont du mal à communiquer leur plan d’actions.
Jean-Loup Velut :
L’idée d’un séminaire à Ouessant est une idée intéressante. Mais le véritable problème est de savoir quels moyens financiers l’on est prêt à donner au service public, en clair quelle augmentation d’impôts êtes vous prêts à payer ?
Max Jonin :
Je suis prêt à voir inscrit dans ma feuille d’impôts le pourcentage de cette somme sur un programme d’actions qui me permettrait de voir clair.
Pierre Maille :
La confrontation entre les experts et les citoyens est ce qu’on essaye de faire. Le deuxième volet, en toutes matières, la réponse des Etats, est une réponse en termes de choix et de priorités qui rejoint la question des assurances. Là, les groupes de pression sont importants afin de définir les priorités.
Serait-il possible de prolonger cette conférence, de façon permanente au niveau régional, avec un groupe qui se réunirait régulièrement pour poursuivre cet échange avec nos éminents spécialistes ? La Bretagne est bien située pour élaborer de réelles propositions et rechercher ce qui pourrait avoir autant d’impact aujourd’hui que n’en a eu la décision de créer les rails de navigation au large d’Ouessant après l’Amoco.
Michel Muller :
Mon ambition n’est pas que vous partiez rassurés. Je ne suis pas un spécialiste de formation, je suis typographe. Je suis un citoyen. On sait ce qu’il faudrait faire, mais ce à quoi on se heurte aujourd’hui, c’est moins à une absence de textes qu’à une faisabilité, et ce n’est pas l’affaire d’une table ronde. C’est l’affaire citoyenne.
Quatre centimes, c’est ce qu’il faudrait que vous payiez en plus pour mettre la mise aux normes de l’ensemble de la flotte mondiale.
Michel Glémarec :
Je voulais savoir le point de vue de la table ronde sur l’échec flagrant de Chicago, puisque nous avons fait une parfaite démonstration que nous avions perdu un certain nombre d’organismes, de biomasses.Tout ça avait été chiffré, nous étions très fiers de nous et le juge a reconnu notre démonstration comme étant excellente. Nous étions d’excellents pédagogues, nous avions perdu considérablement, mais bien entendu le juge ne voulait pas créer un précédent et nous n’avons rien eu. Ma position, il y a 22 ans, c’était de dire on préfère n’avoir rien du tout que d’avoir des miettes.
Nos avocats nous avait prévenu : si on vous donne 440 millions de francs, qu’allez vous en faire ? Cela supposait une intercommunalité forte. Le juge a eu une réaction surprenante, il m’a dit : " Mais, Monsieur, vous êtes clair dans votre discours, mais le procès ayant lieu plus de 10 ou 15
ans après l’événement, que la nature avait restauré - le jour du procès il ne restait comme pertes que 20% de cette biomasse - si vous remettez du homard là où il y avait du crabe vert, en aquaculture on ne sait pas faire le crabe vert, par contre on sait faire du homard et de l’ormeau".
Je lui ai répondu que “ l’on avait bien le droit, nous les bretons, d’avoir un petit plus, puisque nous avions été largement pollués ". "Ah ! Non, me dit le juge, vous allez nous faire une nature mieux que celle qui était avant, donc je suis contre". Je voudrais savoir si par rapport à il y a 22 ans, a-t-on évolué, chaque citoyen est-il prêt à mettre un prix sur chaque bigorneau ? Je peux, devant les médias, créer de l’émotionnel autant avec des bigorneaux qu’avec des oiseaux. Etes-vous prêts à mettre un dollar sur chaque espèce touchée ? Sur le plan scientifique on a apporté les preuves irréfutables des dommages, la science était suffisamment évoluée. Mais Chicago a été un échec.
Jean-Jacques Perrier :
Quelles sont les mesures prévues par le comité interministériel qu'il serait souhaitable de prendre ?
Jean-Marie Gilory :
J’insiste beaucoup sur le renforcement des contrôles de l’Etat du port, parce que c’est quand ils sont chez nous qu’il faut piéger les mauvais navires.
Je crois beaucoup à ce que peut apporter le fichier Equasys, qui consiste à rassembler dans un fichier unique toutes les données des inspections tant privées que publiques dont font l’objet les navires. De manière à ce qu’aucun affréteur fusse par je ne sais quel produit nécessaire à l’alimentation du bétail, à Tréguier par exemple, que nul ne puisse ignorer tout ce que en quoi consiste ce navire. Si tout est mis dans un fichier d’accès public,nul n’aura plus le droit, de dire “je ne savais pas”. L’un des effets porteurs de l'Erika, est qu’on en a profité pour rendre un certain nombre de données à disposition du fichier Equasys.A cette connaissance exacte de la flotte, et derrière, il en va de la responsabilité de celui qui a fait venir le navire. Que penser de quelqu‘un qui utilise un navire en faisant assurer une cargaison qui vaut un certain prix sans s’assurer que la coque ait la moindre assurance.On a une marchandise de valeur qu’on assure sur un navire qui n’a pas d’assurance. Je crois aussi beaucoup à la qualification des gens. Donc je crois beaucoup à l’aptitude humaine, et c’est pour mettre un peu d’espoir dans le désespoir que j’ai cru lire.
Didier Le Morvan :
Si j’avais un plan d’action, on exploite bien ce nouveau niveau d’action européen. On peut rêver un peu, une réflexion pour réviser la Convention des Etats-Unis sur les droits de la mer.Tout le dispositif actuel repose sur la définition des droits et des devoirs des pavillons riverains. Peut-être faudrait-il commencer par là mais je n’y crois pas trop.
Michel Muller :
Il faut continuer à travailler sur cette nécessité qu’il y ait une réglementation. La réglementation sur les déballastages a été alourdie mais les moyens donnés dans les ports pour les assurer n’est pas faite. Il faut un interventionnisme national, européen. On ne peut pas laisser au monde économique le soin de se réguler. Je reprendrai la déclaration de Monsieur Seillères “ quand on ne peut plus combattre l’entreprise au nom du profit et de l’exploitation on utilise les risques environnementaux, la protection de la santé ”. On a besoin de contrebalancer cette conception de l’exigence d’un environnement propre par des mesures législatives. Je regrette une seule chose, qu’on n’ait pas avancer plus rapidement sur l’idée d’un Ministère de la Mer.
Patricio Bernal :
Je n’insisterai que sur un seul point : la participation du citoyen. Il nous manque une institution qui soit comme un observatoire des activités maritimes,où le citoyen peut participer. Une sorte d'Amnesty International de la mer. Il existe un rapport en 1998 de la Commission qui a fait ces suggestions. Les océans sont une source de richesses qui peut faire évoluer de plusieurs façons l’équité.
Il faut voir le progrès du droit, établir des limites sur les ressources. Si nous n’avons pas la volonté de faire progresser ce volet, il sera difficile d’améliorer la situation du management sur le social.
Pierre Maille :
La discussion a permis de faire apparaître un certain nombre de propositions pour améliorer la prévention des pollutions. Mais il faut les confronter aux problèmes de la réalité. Ce que l’on constate c’est que malheureusement les règles n’évoluent que sous l’impact évènements dont les conséquences sont émotionnelles, donc fortes. Le principe de prévention n’est pas encore bien ancré dans nos cultures. C’est la responsabilité de chacun, mais au sens moral.
Jean-Marie Gilory :
C’est la mer qui souffre, et je sais un certain nombre de pratiques internes à la Bretagne, qui ne sont pas en faveur de la clarté de l’eau. Ne l’oublions pas.
Jean-Loup Velut :
Nous avons beaucoup parlé de contrôle, d’inspection, de vérifications… Mais il convient de ne pas se contenter seulement du bâton de la répression.
Il faut aussi savoir rappeler qu’un port est destiné à accueillir les navires en détresse ou en difficulté. Il s’agit là du rôle premier du port qui est avant tout un abri.
Mis à jour le 28 janvier 2008 à 16:31