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Discours de Laurent ChauvaudDiscours de Laurent Chauvaud
CNRS,Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM / UBO),“ Rade de Brest, Modification des Ecosystèmes ”
Biographie :
CHAUVAUD LaurentCompte rendu :
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"Prévention de la fertilisation des écosystèmes côtiers" texte de L.Chauvaud
Transcription :
20 octobre 2000 TR3
Discours de Laurent Chauvaud :
Il convient de rappeler pourquoi les scientifiques de l’IFREMER et du CNRS travaillent aujourd’hui sur des écosystèmes côtiers, que ce soit en Bretagne ou à l’échelle de la France.
La rade de Brest est le passage obligé du continent vers les océans,au sein de ces écosystèmes une production biologique intense survient régulièrement.En 1982,30 millions de tonnes d’azote sont rentrés par les rivières dans les écosystèmes côtiers de la planète.En 1995 ce chiffre atteignait 190 millions de tonnes.Que se passe-t-il ? Quel est l’impact de cet azote
dans ces écosystèmes ?
Il convient de rappeler que les algues, qu’elles soient des macrophytes,algues de type ulves,ou des microphytes (c’est-à-dire des algues en suspension microscopiques),ont besoin de lumière, d’azote et de phosphore pour croître de façon naturelle. Le principe le plus important est celui de la limitation
du premier facteur limitant. Naturellement les écosystèmes côtiers sont carencés en azote par rapport aux besoins qu’a le phytoplancton pour grandir,c’est-à-dire que le niveau du tonneau est limité par la planche la plus petite, soit celle de l’azote.Les écosystèmes côtiers ne peuvent pas dépasser ce niveau de production puisque l’azote devient le premier élément carencé. Lorsqu’on augmente la quantité d’azote disponible,la production primaire augmente.L’effet direct de cette augmentation,dans le cas le plus drastique,est une augmentation impressionnante de la biomasse du phytoplancton, que l'on multiplie par dix, par vingt… par quarante, par cinquante dans les écosystèmes côtiers. Et c’est la dégradation de ce phytoplancton ou des macrophytes qui va générer une diminution de la quantité d’oxygène présente dans l’eau.C’est l’asphyxie des poissons ou des crabes ou de l’ensemble des invertébrés,provoquant soit leur fuite,soit leur mort.On ne parle pas d’une anecdote. On parle de surfaces telles que 500 000 kilomètres carrés devenues azoïques dans la mer Baltique. Ces phénomènes arrivent aujourd’hui tous les ans dans la baie de Cheasepeake aux Etats-Unis. C’est vrai en mer Baltique, en mer du Nord, en mer Adriatique, en mer Méditerranée, et on s’attend à des catastrophes dans la partie asiatique du globe.
Maintenant quelque chose de plus subtil apparaît dans le phytoplancton, donc dans ces micro algues en suspension dans l’eau.Y coexistent naturellement deux grandes familles. La famille dite des diatomées, qui ont besoin pour grandir et fabriquer leur squelette externe d’une carapace en verre,en silice à l’opposé des algues du groupe des dinoflagellés qui n’ont pas besoin de verre pour grandir. Donc, introduire de l’azote dans des écosystèmes revient à stimuler la production des dinoflagellés.Parmi ces dinoflagellés se trouvent un nombre important d’espèces toxiques et ce sont ces proliférations d’algues toxiques notamment,qui vous interdisent la consommation des moules, des huîtres, des coquilles Saint Jacques.
Et on l'a démontré en rade de Brest, ce sont elles qui perturbent la reproduction d’un nombre d’invertébrés, qui perturbent la croissance des adultes et donc perturbent à terme la pêcherie notamment de coquilles Saint Jacques, stimulent la prolifération de l’espèce invasive,la crépidule.C’est vrai en rade de Brest mais aussi partout sur les côtes de France.
Cette science qui étudie l’impact de l’azote et du phosphore sur les écosystèmes côtiers est une science jeune, elle a moins de 20 ans.Il persiste de nombreuses questions.On est sûr aujourd’hui que la réponse des écosystèmes côtiers à un enrichissement, que ce soit une augmentation de la production primaire ou une modification de la nature des algues produites dans la colonne d’eau, cet enrichissement et cette déviation ou cette dérive des écosystèmes n’est pas quelque chose de systématique. Les propriétés, notamment hydrodynamiques, le climat ou la faune présente permettent de moduler la réponse des écosystèmes. Lorsqu’on se place à l’échelle de la planète, les réponses sont très variables. En rade de Brest on a introduit et multiplié par trois la quantité de nitrates. Les chiffres ici sont en tonnes, on a introduit plus de 50 000 tonnes de nitrates par an en rade de Brest.
La réponse est loin d’être évidente,on n’assiste pas à une augmentation de la production primaire mais à un étalement de la période où le phytoplancton est présent dans la colonne d’eau, donc une diminution des aptitudes de compétition qu’ont les animaux pour se nourrir et on assiste à une modification beaucoup plus subtile et beaucoup plus pernicieuse que ce qui a été observé dans les autres écosystèmes de la planète.
Mis à jour le 28 janvier 2008 à 14:53