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2000 : Vagues de pollution, impacts et prévention > TR1 : Vingt mille barils sous les mers, Science, politique et marées noires >  Débat de la table ronde 1

Débat de la table ronde 1

Daniel Prieur,Vice-président de l’Université de Bretagne Occidentale
Jacky Bonnemains, Président de l’Association de protection de l’homme et de l’environnement “Robin des Bois”
Christine Jean, Responsable de l’Observatoire des marées noires, émanation des associations de protection de l’environnement
Henri Girard, Président de Eau & Rivières de Bretagne
Michel Glémarec, Biologiste, de l’Amoco Cadiz à l’Erika : Professeur émérite à l’Université de Bretagne Occidentale
Annick Hélias, Directrice de l’environnement de Bretagne : représente ici Madame Voynet, Ministre du Territoire et de l’Environnement
François Laurent, Chargé de Mission au Ministère de la Recherche, Direction de la Technologie
Adrien Le Ménac’h, Président de la Commission Coquillages au Comité Régional des Pêches de Bretagne
Jean-Baptiste Henry, Coordinateur du Syndicat Mixte Amoco Cadiz
Michel Girin, Directeur du CEDRE
Max Jonin, Université de Bretagne Occidentale
Daniel Malengreau, Directeur du Conservatoire Botanique National de Brest

Compte rendu :

Transcription :


20 octobre 2000 Débat TR1


Débat :



Daniel Prieur :
Je vais m’exprimer comme le ferait n’importe quel conseil scientifique d’université chargé d’animer la recherche dans son établissement. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, les risques de pollution ne sont jamais zéro, il faut qu’un réseau s’inscrive dans la durée avec des financements qui suivent. Le Ministère de l’Environnement travaille avec les autres ministères pour simplifier tous les travaux. Je ne conteste absolument pas le rôle des associations qui regroupent des milliers de gens qui font remonter les problèmes vers les tutelles, vers les gouvernements. Dès lors que ces observatoires seront mis en place, des gens poseront des questions, des scientifiques seront amenés à y répondre. Il faut laisser aux scientifiques le soin d'élaborer des méthodes nécessaires. Je ne voudrais pas qu’on oppose le naturalisme et la biologie moléculaire. Il faut laisser aux spécialistes le soin des méthodes.

Jacky Bonnemains :
Je n’ai jamais ordonné à quelque universitaire que ce soit de préférer telle technique à telle autre. Je ne vois pas très bien où sont les sous-entendus de cette querelle. On peut insister sur le côté rare des naturalistes

Christine Jean :
Je crois qu’il y a dans la communauté scientifique, des chapelles. J’ai fait des études de biologie, et le sentiment qu’on a est qu’il y a de moins en moins de gens qui savent parler des petites bêtes et quand on veut aller évaluer un certain nombre d’impacts sur le
vivant, on a besoin de ces disciplines de base. Une question : puisqu’il y a un dispositif actuellement en cours qui est celui de dispositif de suivi écologique et écotoxicologique des suites de la marée noire, normalement un pilotage devrait être instauré, et il est urgent qu’il le soit car il permettrait les passerelles.

Henri Girard :
On a parlé de pollutions telluriques.Vous avez comme projet d’étudier toutes les pollutions. Les pollutions terrestres sont très importantes, il s’agit en particulier de la pollution de l’eau. L’eau douce qui va à la mer, qui entraîne les marées vertes et aussi des dégâts dans les cultures ostréicoles. L’observatoire envisage-t-il de s’occuper de ces problèmes ?

Michel Glémarec :
Il est clair que nous les océanographes, savons d’où vient l’essentiel de la pollution. Dans les années 1970, en discutant avec les ostréiculteurs, on avait abordé une attitude de " plus rien à la mer ". Un certain nombre d’océanographes m’ont dit " mais à ce moment-là, la mer ne sera plus fertilisée et on va à la catastrophe ".
Mon discours des années 1970 je l’ai abandonné, mais dans nos cercles un peu fermés d’universitaires, le débat des marées vertes a été terminé en 1975. Pour nous c’était fini les coupables étaient désignés. On est arrivé ensuite avec cette notion de " plus rien à la mer ", à quelque chose de complètement hypothétique. Il fallait fermer les stations d’épuration et on s’est retrouvé avec des gens contre nous qui disaient " alors votre mer va être un désert ? ". Il faut peut-être revenir sur des concepts qu’on avait à l'époque, l’histoire est un éternel recommencement.
Aujourd’hui ce qu’on a noté avec l’Erika, c’est ce qui m’a le plus frappé, c’est le côté émotionnel du grand public, le scientifique ne peut plus vivre dans son laboratoire, face malheureusement à son ordinateur, sans regarder ce qui se passe à côté. La pression et la demande sociale sont extrêmement fortes. Nous subissons une pression extrêmement forte.

Annick Hélias :
Pour répondre à la question de savoir si l'observatoire envisage d'intégrer les problèmes d'eau douce, nous répondons a priori non. Pourquoi ? La connaissance des eaux douces est beaucoup plus développée que celle des eaux marines, notamment dans le domaine de l'hydrobiologie. Nous sommes relativement démunis dans la connaissance des eaux côtières. Se pose en particulier le problème de l'apport des grands estuaires : Gironde, Loire, Seine, … L'arrivée des polluants par ces grands estuaires est très importante. Développer un système de connaissance est complexe et coûteux. Nous proposons d'intégrer le réseau de surveillance estuarien à l'observatoire des systèmes côtiers, mais pas celui des bassins versants.

François Laurent :
Dans le réseau technologique, ce ne sont que les pollutions marines accidentelles qui sont envisagées.

Jacky Bonnemains :
Il y a un problème qu’il faudrait intégrer, c’est celui des dragages et des immersions des boues de dragages. Elles contiennent beaucoup de déchets terrestres. Bien que ce ne soient pas des accidents au sens “ fait divers ” du terme, ils sont depuis Dunkerque jusqu'à Menton répertoriés, quantifiés, suivis et font partie intégrante de ce réseau. C’est par millions de tonnes, que les boues de dragage dans les ports militaires, les ports de plaisance et les ports de commerce sont extraites et rejetées volontairement et en toute légalité le plus souvent à 2 milles des côtes parce que moins on va loin, moins ça coûte cher.

Adrien Le Ménac’h :
Je suis conchyliculteur. Pour moi un bassin versant doit commencer à la source et finir sur le littoral, car il y a des bassins versants qui s’arrêtent à des réserves d’eau pour la population et en dessous on fait n’importe quoi : des élevages de 150 000 poulets. Les projets de bassin versant doivent s’arrêter sur le littoral. Nous subissons toujours.
Que ce soit la pêche : on a perdu des pans entiers de zones, des estuaires où on ne peut plus élever des coquillages. Pour la mer aujourd’hui, c’est le même problème et on a vu des gisements de coquillages qui ont disparu.
Pourquoi ? J’ai fait quatorze P.O.S. sur le Sud Finistère et dans toutes les stations d’épuration, c’est le rejet à la mer sans lagunage qui est retenu. J’aimerais qu’il y ait plus de contrôles avec des lagunages et des réserves d’eau pour les cultivateurs.

Michel Glémarec :
Pour nous et dans le cadre des législations européennes, le littoral va jusqu’à 20 mètres de profondeur en mer.

Annick Hélias :
Il y a un problème de langage. La loi sur l'eau renforce cette nécessité d'assurer la gestion de cette ressource de la source à la mer, par bassin versant, par unité hydrographique cohérente. Ce que nous appelons communément "bassins versants" en Bretagne, ce sont des sous-ensembles d'unités hydrographiques. Pourquoi ce découpage apparemment contraire à l'esprit de la loi ?
Parce que nous nous sommes rendus compte que l'action sur le terrain implique une mobilisation des acteurs par petits groupes On le constate dans les grands bassins comme celui de la Vilaine, il est difficile de mobiliser les élus, les agriculteurs, sur d'aussi vastes territoires.
Pour le problème des pollutions littorales,nous nous sommes interrogés avec les scientifiques,le Conseil régional,les associations, sur le territoire pertinent d'observation.La limite maritime des "moins 20 mètres" semble être la limite à retenir. La limite côté terrestre est moins évidente. Il conviendra de mettre en place un système cohérent d'observation des pollutions telluriques et des pollutions maritimes. Pour ces dernières, il faudra également prendre en compte les habitats naturels marins et les biocénoses benthiques, c'est à dire les invertébrés, les animaux qui vivent sur le sol marin.

Michel Glémarec :
La définition de ces habitats marins que nous définissons en ce moment, correspond à la législation européenne que nous allons devoir aussi adapter pour la France. Même si cela met 20 ans comme pour la Chasse. Nous avons défini cette limite de 15 à 20 mètres, c’est la zone des grandes laminaires dans nos régions.

Jean-Baptiste Henry :
Je voudrais d’abord répondre à Jacky Bonnemains qui a attaqué de façon insolente les municipalités, d’abord sur le plan POLMAR à propos des fosses qui sont restées après l’Amoco Cadiz. Il faudrait qu’il sache qu’en cas de marée noire, les communes sont sous l’autorité du plan POLMAR ; c’est lui qui définit les endroits où sont creusées les fosses, qui s’occupe ensuite de la destination des produits qui sont entreposés.
Je dois dire que l’Etat français dans l’affaire de l’Amoco comme dans celle du Tanio a reçu des indemnisations pour vider ces fosses et qu’il ne l’a pas fait ! Que sur ce point l'association attaque les municipalités, ça dépasse les bornes.
Elle ajoute que les municipalités de façon générale cachent et mentent en cas de pollution.Je lui rappellerai que pendant 20 ans le syndicat de communes que je représente a au contraire dressé comme oriflamme la marée noire et la lutte contre la marée noire, et que pendant 20 ans on a parlé de marée noire sur la côte bretonne et ce sont les municipalités qui l’ont fait, toutes les municipalités qui étaient touchées.
Mon deuxième point, est à propos de l’observatoire. Je suis assez d’accord avec Madame Hélias, sur la définition de cet observatoire mais je trouve que pendant cette table ronde on n’a pas posé les vraies questions, les questions pratiques à savoir quel coût ? Qui est prêt et combien est-on prêt à investir dans cet observatoire ? Qui va payer ? l’Etat, la Communauté Européenne ? Pourquoi ce ne seraient pas les pétroliers ? Qui aura accès aux informations ? C’est un enjeu important et on retrouve le problème des municipalités et des riverains.Ils n’ont pas accès à l’information sauf si les scientifiques veulent bien leur donner les informations nécessaires.
Voilà quelques questions auxquelles il me semble urgent de répondre. Je souhaite qu’il y ait une médiation entre l’Etat et les scientifiques, assurée notamment par des représentants de riverains. En plus de l’observation du milieu, des petites bêtes et des grandes bêtes, pourquoi pas l’observation des hommes et notamment de l’économie,mais aussi de la santé ? L’épidémiologie me semble un domaine qui devrait se développer à la suite des pollutions. Un observatoire de l’économie littorale et de son évolution me paraît aussi nécessaire ; nous manquons notamment de données sur le tourisme.
Monsieur Girin parlait de la différence qu’il trouvait entre les estimations faites par les économistes sur les dommages et les indemnisations obtenues.La réponse est qu’il y a inadéquation entre l’état du Droit et l’analyse économique.

Jacky Bonnemains :
Je me suis fait traiter,ainsi que l’association que je représente, d’insolent. L’insolence est le privilège des gens libres. J’ai aussi la liberté de remercier le Maire de Brest d’avoir invité Robin des Bois à ce colloque. Les informations, elles sont là, c’est une carte du BRGM, de la DIREN Bretagne qui a été faite en 1994, soigneusement calfeutrée dans les tiroirs, et ressortie après le naufrage de l’Erika. Une carte ce n’est pas grand chose. On est allé sur le terrain, on a vu des choses incroyables, je ne dirai pas le nom des communes pour ne pas en rajouter mais j’ai vu un couple de retraités ayant obtenu un permis de construire en 1974 sur une décharge du Torrey Canyon, qui s’est passé en 1967. Ces gens-là vivent l’enfer, ils ont une mare dans leur jardin, ils ont le tort d’aimer les oiseaux et les canards d’ornement, mais ils se sont rendus compte que le plumage de leurs canards était rempli d’irisations d’hydrocarbures. Ils sont catastrophés, ils ne peuvent pas revendre leur maison parce que ce sont des gens trop honnêtes pour le faire.
On est tout à fait prêt à vous aider à résoudre ce genre de problèmes.On est très fiers d’avoir obtenu du gouvernement un budget de 20 millions de francs,c’est quand même pas mal non ? Il faut faire le ré-inventaire de tous ces endroits y compris ailleurs qu’en Bretagne.Une hiérarchisation de la gravité des problèmes et l’action sur les sites qui posent de gros problèmes. Il n’y a pas 60 gros problèmes, il y en a quelques-uns.Les écologistes ne travaillent pas contre les élus, ils veulent les aider. Quand on a appris cette donation de 20 millions de Francs, je suis allé voir Monsieur Arzel,un homme très drôle, très chaleureux que je respecte beaucoup. Une mémoire, mais une mémoire sélective : pour lui il n’y avait plus aucun problème de déchets de l’Amoco Cadiz et pourtant il en reste, quand on lui a dit vous allez avoir de l’argent pour étudier tout ça, il a dit je ne veux pas rouvrir le dossier.
Pourtant nous on pense qu’il y a un risque, une pénalisation des Côtes d’Armor par rapport à ces marées noires, les Côtes d’Armor auraient tout à gagner de cerner les problèmes et quand c’est nécessaire d’y remédier.Voilà.

Annick Hélias :
Il y a un vrai problème de mémoire, y compris pour les pouvoirs publics. Nous avons vécu l'Amoco. Il y a eu des zones de stockage provisoire et des zones de stockage définitif. Le problème, lorsque nous avons travaillé sur leur réhabilitation, un certain nombre de ces sites ont été considérés comme stabilisés. Il aurait fallu continuer de les suivre et les gérer dans le temps.
Certaines de ces zones ont accueilli des installations sportives, d'autres ont été aménagées en parking. J'ignorais que certaines avaient été bâties, mais sont-elles dangereuses ?
Ont-elles des conséquences sur le milieu naturel ? Posent-elles des problèmes d'écotoxicologie ? On connaît mal l'impact sanitaire de telles pollutions. Je ne vais pas revenir sur la polémique qu'il y a eu sur la dangerosité du fioul de l'Erika, mais je pense qu'au début de la catastrophe, personne ne le savait exactement. Comme il s'agissait de fioul lourd, sa dissolution naturelle ne pouvait qu'être lente et sa contamination de la chaîne alimentaire faible, mais à terme ...
Pour revenir au débat sur l'opportunité d'un observatoire des pollutions, nous sommes tous, me semble-t-il, d'accord sur le principe, nous devrions arriver à nous mettre d'accord sur le contenu, mais avec quels moyens ?
Le CIADT que j'évoquais précédemment, a permis de dégager de moyens importants que les collectivités, notamment les conseils régionaux, ont accepté d'abonder dans le cadre d'avenants aux contrats de plan. Je peux donner quelques chiffres :
- En ce qui concerne la recherche, un programme spécifique de 40 MF sur 2 ans vient d'être lancé.
- Pour ce qui est de la mise en place du réseau scientifique de suivi des conséquences écologiques et écotoxicologique de la marée noire, 35 MF ont été réservés, en précisant que ce suivi inclus donc un suivi des problèmes sanitaires à hauteur de 5 MF.
- Pour les travaux de suivi des sites touchés par la marée noire, principalement dans les Pays de la Loire et en Bretagne, nous disposerons de 30 MF sur 3 ans. Sont mobilisés les organismes et laboratoires universitaires, les associations. L'enjeu est de mettre en réseau tous ces partenaires et d'assurer la pérennité de ce suivi, de mettre en place un véritable dispositif d'observation sur la base de conventions.

Michel Girin :
Pour répondre à cette question, au lieu d’imprécater sur Internet, deux dermatologues brestois ont produit tout récemment dans une revue scientifique, un article sur ce sujet qui est remarquable et qui met les pendules à l’heure. Le Docteur Grulier : une étude sur ce que peut être l’épidémiologie postérieure à l’Amoco Cadiz,en Bretagne, d’éventuelles atteintes dues à la toxicité du polluant.Il y a des masses d’informations qui sont disponibles et qu’on peut trouver. C’est ça le rôle très important d’un observatoire. De ne pas se limiter à la partie superficielle d’annonces des journaux, des gros titres. Les gros titres, on s’en souvient mais un article dans un article scientifique professionnel qui paraît 8 mois après, personne ne le lit. Cet aspect semble aller à l’encontre de l’esprit de l’observatoire, qui consiste à fédérer et rendre accessible les informations pour le grand public, qui doit avoir du mal à s’y retrouver.

Christine Jean :
Le temps des médias n’est pas celui des scientifiques, il n’est pas non plus celui des politiques. Ceci étant je crois que la communication publique et de l’Etat en la matière est tellement défaillante, que c’est vraiment la politique de l’autruche. Ce que je trouve dommage, c'est qu'on se met à fonctionner sur la croyance alors que si on veut rester dans une démocratie il faut rester sur des faits.

Michel Girin :
On accuse l’Etat d’avoir cherché à cacher des choses, mais rendez-vous compte de la situation. Vous avez une organisation POLMAR qui est en train de lutter contre une pollution de toutes ses forces. Elle dispose de 4 communicants à temps partiel en tout et pour tout. Il y a 350 journalistes qui ne font que ça : chercher de l’information. C’est une guerre perdue d’avance, un des gros progrès à mener est d’organiser un service d’information sur la marée noire.

Annick Hélias :
Je ne crois pas que ce soit un seul problème de communication, de diffusion et de valorisation des données. Nous avons un autre projet ambitieux en Bretagne avec le Conseil Régional et l’Etat et les départements pour monter un réseau d’information en Bretagne.
Nous sommes en train de créer une architecture de connaissances à la disposition de tous.

Max Jonin :
Si l’on est d’accord sur l’intérêt de la mémoire, l’observatoire est une réponse pour garder cette mémoire avec la rigueur scientifique nécessaire. L’observatoire, je suis d’accord avec Annick Hélias, ce n’est pas forcément du béton coulé quelque part avec un directeur et une structure.
C’est quelque chose d’autre qu’il faut inventer mais je remarquerai qu’en Bretagne, au-delà des pollutions qui nous mobilisent, il y a la vie ordinaire et le littoral. Et l’espace côté mer et côté terre du littoral représente un espace qui est une ressource naturelle essentielle pour la Bretagne. Dans une approche pluridisciplinaire que l’on n’a pas évoquée, il ne me semble pas scandaleux d'imaginer avoir une autorité en Bretagne auprès des différents acteurs et auprès de la population. On voit de plus en plus de dysfonctionnements de l’écosystème du littoral en Bretagne.
Il y a des intérêts qui sont en jeu, des intérêts économiques, des intérêts de politiques locales ou autres. L’information, quant à elle, est diverse et difficile à comprendre. La mémoire, c’est important.L’observatoire est indispensable avec une dimension très large, une vocation très large avec ce qui se passe soit au large, soit à l’intérieur de nos terres. La Bretagne est une péninsule.
Deuxième point : puisqu’on a la chance d’avoir une diversité d’acteurs sur ce plateau, on pourrait mettre en relation au moins trois d’entre eux. Je pense au constat de Michel Glémarec d’une demande forte de veille écologique tout à fait justifié en 1981, avec une dimension naturaliste.
Je mettrais ça en relation avec ce que nous a dit Madame Hélias concernant les attentes des demandes de la DIREN. Je note bien que dans ces problèmes de dysfonctionnements, de protection des espaces, des espèces, de pollution, il y a du côté du Ministère de l’Environnement une volonté, une demande d’expertise et de compétences scientifiques.
On a de plus en plus de mal à trouver des naturalistes dans nos universités. Le constat est quand même que les sciences naturelles, il n’y en a plus dans les universités.
Et qu’aujourd’hui, la demande aussi bien en problèmes de gestion et autres commencent à faire ressortir de façon criante ce manque d’une recherche scientifique. Le scientifique le dit, le gouvernement le demande, le ministère qui a en charge l’activité scientifique à l’université doit le faire. Refléchez vers le haut les naturalistes, les sciences naturelles et l’approche scientifique dans les universités.

Michel Glémarec :
Il est clair que nous avons commencé à apercevoir un certain nombre de conflits qui apparaissent dans cette bande côtière. Mais ces conflits vont être de plus en plus forts. Puisque tous les gens qui font de l’ostréiculture à la côte face aux estuaires ont des problèmes de salubrité des eaux, ils ont tendance à aller vers le large.
On voit se développer aussi l’algoculture et on retrouve la pêche côtière et les gars avec leurs casiers qui ne savent plus vraiment où les mettre. Pour l’instant il n’y a pas encore trop de problèmes, d’ici 5 ans on va avoir de sérieux problèmes, il va falloir que la population littorale s’organise et pour l’instant, pour les maires qui jouent leur réélection bien entendu, ils sont relativement mal préparés à ces problèmes car ce sont des problèmes très difficiles. Les acteurs sont de plus en plus nombreux et de plus en plus impliqués les uns dans les autres et on vient chercher un scientifique qui doit brutalement résoudre tous les problèmes. Il faut essayer de comprendre ce qui s’est passé il y a 30 ans ou 40 ans pour voir où on en est arrivé aujourd’hui. Dans des secteurs qui sont extrêmement productifs, il n’y a plus de professionnels, il n’y a que du braconnier, et une multitude de plaisanciers. Comment les mettre en accord avec les professionnels du tourisme ? Le tourisme en Bretagne apporte quelques devises, que je sache!...

François Laurent :
Les actions que le Ministère de la Recherche met en place s’efforcent de répondre à la demande socio-économique. La demande doit apparaître ; elle remontera alors au ministère. En ce qui concerne l’observatoire des pollutions, il faudrait que les informations, les données qu’íl collectera le soient avec l’objectif d’être utilisables par les pouvoirs publics, et par les autres réseaux de recherche ou de suivi mis en place par ailleurs.

Daniel Malengreau :
Je voudrais m’opposer au terme d’observatoire permanent des pollutions. Je suis radicalement contre. On a dit qu'il y a des pollutions chroniques et des accidents. Pour ce qui est des pollutions chroniques, soyons clair : ce qu’on a besoin d’observer ce sont les écosystèmes et leurs évolutions, et les pollutions ne sont qu’un des facteurs d’évolution des écosystèmes. Il y a des organismes qui sont chargés non seulement d’observer ces pollutions chroniques mais de les prévenir et de les réprimer : les organismes d’Etat. Ils ont le loisir de s’appuyer sur la recherche quand ils en ont besoin. Il ne faut pas diluer les responsabilités, les pollutions, leur observation, leur prévention, et leur répression.
C’est du domaine de l’Etat. Pour ce qui est des pollutions accidentelles, on ne pourra pas les éviter, on en aura. Il faut disposer de moyens d’évaluer, on a besoin d’une connaissance fine des écosystèmes, de leur fonctionnement, et puis, on a aussi besoin de mobiliser une capacité d’expertise instantanée. Il faut qu’elle soit mise en réseaux.
On a été sur le terrain pour aider les maires, et essayer de limiter les dégâts, on était sur le terrain avec des géomorphologues, des gens du CEDRE. Il faut synthétiser les connaissances, de manière à lutter contre ces pollutions.





Mis à jour le 28 janvier 2008 à 10:11