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Comment la catastrophe du Prestige, a-t-elle été gérée en Espagne ?Comment la catastrophe du Prestige, a-t-elle été gérée en Espagne ?
José Pernas Garcia, Sasemar (Société nationale en charge du sauvetage en mer et de lutte antipollution - Sociedad de Salvamento y Seguridad Marítima) Espagne
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PERNAS GARCIA JoséCompte rendu :
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José Pernas Garcia
Transcription :
5 novembre 2004 TR2
Discours de José Pernas Garcia
L’OCÉANOGRAPHIE OPÉRATIONNELLE EN ESPAGNE: L’INTERVENTION ADMINISTRATIVE ET SCIENTIFIQUE POUR LE SUIVI DE NAPPES DU PRESTIGE
Bonjour à tous. D’abord, je dois vous dire que je ne suis pas la personne la plus compétente pour vous parler de cette matière, je suis juriste et spécialiste en droit de l’environnement.
Cependant je vais essayer de vous montrer les activités les plus importantes de la communauté scientifique espagnole au moment du Prestige et surtout la situation actuelle de la recherche en Espagne en matière d’océanographie opérationnelle.
1. Le programme intervention scientifique post-Prestige
Au moment de l’accident du Prestige, il était nécessaire d’avoir des conseillers scientifiques rapides et efficaces pour fonder les actions ayant pour but de minimiser la crise.
Ainsi le 9 décembre 2002, le gouvernement espagnol a créé un comité de conseil scientifique pour résoudre le problème du fioul qui restait dans l’épave du Prestige. Comme vous le savez, il y a seulement quelques mois que la communauté scientifique a réglé ce problème.
Le Ministère chargé de la science et de la technologie a demandé aussi au Centre Supérieur de la Recherche Scientifique d’élaborer un programme d’intervention scientifique pour identifier les problèmes les plus importants posés par le Prestige à court et long terme.
Le Programme d’intervention scientifique a identifié le suivi et la modélisation de prévision de dérive des nappes comme l’une des cinq actions scientifiques les plus importantes au moment de la crise du Prestige. L’accident a trouvé l’Espagne en situation de grande faiblesse en matière de prévision de dérive de nappe dans une pollution maritime majeure.
Pour régler cette situation d’insuffisance et de manque de moyens, le gouvernement espagnol a développé une action stratégique pour financer les actions identifiées par le CSIC et les projets post-Prestige. Ainsi, le Ministère chargé de la science a créé un Comité de Coordination et un Bureau Technique de Coordination pour le suivi de chaque projet financier.
Le programme d’action stratégique a financé de façon très large la recherche post-Prestige.
Au moment de la crise et après la première réunion du Comité de Coordination, on a décidé de développer 9 projets d’urgence, jusqu’à fin 2003, pour apporter de l’aide aux autorités chargées de la gestion de la crise. Deux de ces projets concernent l’océanographie opérationnelle, un de l’institut espagnol d’océanographie et l’autre de l’Université de Cantabrie.
Le programme d’action stratégique a financé aussi des projets de recherche à long terme, pour trois années.
À travers un appel d’offre de 2003, l’administration a financé soixante-seize projets de recherche, avec la participation de plus de 500 chercheurs et de 34 centres de recherches. Plusieurs de ces projets de recherche sont liés à l’océanographie opérationnelle. Mais il faut ajouter que, par l’importance du financement, par le très large partenariat et par ses objectifs ambitieux, le projet le plus important est celui pour l’établissement d’un système espagnol d’océanographie opérationnelle, coordonné par Puertos del Estado.
Cette année, le gouvernement a publié un nouvel appel d’offre pour continuer la recherche en matière de pollution maritime accidentelle, mais cet appel est moins général et est établi sur les sujets de recherche prioritaires. De toute façon, pour l’instant il n’y a pas de choix définitif.
Pour faire le suivi des projets post-Prestige, le Ministère a mis en place un Bureau Technique de coordination, situé à l’université de Vigo, qui s’occupe de la gestion et de la coordination de l’AE.
Sur le site www.otvm.uvigo.es, on peut trouver toutes les informations sur les différents projets de recherche post-Prestige, une description de l’accident, des rapports techniques, des publications et événements.
2. L’action de la communauté scientifique
Le deuxième point de l’exposé porte sur l’action de la communauté scientifique au moment de la catastrophe du Prestige. D’abord, il faut dire que la communauté scientifique a développé un effort très important pour le suivi et la prédiction des trajectoires des nappes. Tous les acteurs de la recherche océanographique et météorologique ont participé à ces travaux en collaboration avec les autorités chargées de la lutte opérationnelle pendant la crise.
Il est composé des services opérationnels d’observation maritime de différentes institutions et groupes de recherche, comme c’est le cas de Puertos del Estado, fondation Azti, LIM ou l’Instituto Oceanografico espagnol.
Mais le problème est qu’il n’y a pas de bonnes communications de données et d’expériences parmi les différentes institutions et centres de recherche.
A cette époque, la communauté scientifique et les autorités maritimes espagnoles avaient des moyens en matière de modélisations océanographique et météorologique, et de prédiction de vagues et de marées (Meteogalicia o Puertos del Estado).
Mais il faut dire que la crise du Prestige a mis en évidence l’absence d’un service opérationnel de prévision de courants et d’évolution des déversements en Espagne, contraignant à l’improvisation et à l’initiative personnelle.
Pour pallier cette insuffisance et pour mieux aborder la crise, le 12 décembre 2003, le gouvernement a créé un groupe de travail pour le suivi de la pollution et prédiction de trajectoires au Comité de conseil Scientifique de la Crise.
C’était un groupe de travail multidisciplinaire composé de différents groupes de recherche, d’universités et d’autres centres de recherche, comme les autorités maritimes chargées de la lutte contre la pollution. Il y avait aussi des groupes de coordination régionaux pour améliorer la coordination des travaux. L’objectif était de déterminer et prédire les trajectoires de nappes de fioul liées au Prestige, comme déterminer les conditions de vagues, de courants et de vent pour planifier les actions de nettoyages et de protection des côtes. A partir de la création de ce groupe, on peut dire qu’il y avait une meilleure coordination et une application de méthodologies plus uniforme.
Le groupe pouvait faire des prédictions des trajectoires de nappes chaque 12, 24 et 36 heures.
Maintenant, on peut consulter, encore, les informations des prédictions de nappes sur le site web du groupe www.imedea.uib.es.
Sur les résultats de l’action du groupe de travail, on peut dire qu’il y a eu trop d’improvisation et un manque de coordination dans le schéma général de travail et cela a rendu difficile une assistance rapide et rigoureuse aux responsables des travaux de lutte. Les problèmes découlaient aussi de l’absence de moyens et du manque de coordination avec des protocoles d’action uniformes.
Il faut dire aussi qu’il y a eu des actions régionales très intéressantes, comme c’est le cas de l’Université de Cantabrie ou de l’Université de Saint-Jacques de Compostelle. L’Université de Cantabrie a développé un système très efficace de prédiction de dérive de nappes et a collaboré aux travaux de protection de la côte et des estuaires, spécialement dans les travaux de positionnement de barrages.
A cause de la mauvaise politique d’information du gouvernement espagnol, il était plus facile de connaître les travaux de suivi et prédictions de nappes du CEDRE ou du Instituto Idrografico de Portuga, que d’arriver à connaître les efforts de la communauté scientifique espagnole.
Pour cette raison dans la société espagnole, il y avait la sensation d’une absence d’action de suivi de nappes au niveau de l’état espagnol.
C’est pour cela qu’il faut dire que la communauté scientifique a fait de vrais efforts dans la gestion de la crise pour améliorer le système de suivi et de prédiction des trajectoires des nappes.
3. L’avenir : le projet Eseoo
www.eseoo.org
Le Prestige a montré la nécessité d’un projet pour pallier ces insuffisances pour mieux aborder les crises futures, en mobilisant les administrations publiques, des universités et des instituts de capacité scientifique démontrée et des groupes étrangers (CEDRE, etc.).
S’il y avait eu un tel système en Galice lors de la crise du Prestige, il aurait été possible d’assister les responsables des travaux de lutte avec rapidité et rigueur.
Dans le cadre de l’action stratégique de l’ancien Ministère de la science et de la technologie et de l’appel d’offre post-Prestige, il est né un projet, le projet ESEOO, pour couvrir cette faiblesse du système espagnol.
L’objectif du projet est d’établir un système espagnol d’océanographie opérationnelle capable de fournir des réponses aux situations d’urgence en mer telles que les déversements d’hydrocarbures ou le suivi d’objets à la dérive et disposant de relations permanentes et performantes avec les systèmes des pays voisins. L’objectif de ce système est d’assurer un ensemble de bénéfices socio-économiques essentiels: meilleure gestion de moyens de lutte en mer par un suivi efficace de la dérive des nappes et des moyens de lutte à terre par une bonne prévision des arrivages de polluants.
Le projet est coordonné par Puertos del Estado et bénéficie d’un financement important. Il affiche l’ambition de placer l’état espagnol dans le peloton de tête des compétences en la matière.
Le projet ESEOO est construit autour d’un groupement de 16 partenaires espagnols, majoritairement institutionnels et à caractère scientifique. Le projet se fait également avec la collaboration de plusieurs partenaires français, comme le CEDRE et Météofrance. De ce point de vue, c’est aussi une opportunité pour assurer une compatibilité des choix qui sera importante dans le cadre des accords d’assistance mutuelle Lyon-plan et Biscaye-plan.
4. Conclusion
Pour finir, il faut dire que des actions importantes sont développées en matière d’océanographie opérationnelle. Mais il y a encore des manques importants dans cette matière, qui demande un fort engagement politique et un maintien des efforts économiques en matière de financement de la recherche.
Même si le projet ESEOO est très important et qu’il peut améliorer beaucoup la situation actuelle, je crois que ce n’est pas suffisant de développer un produit pour centraliser l’information et pour disposer d’un système de suivi et de prédiction de nappe.
De mon point de vue, il est nécessaire de créer une structure scientifique permanente, c’est-à-dire, un centre de recherche et de documentations en matière de pollutions maritimes. Cela pourrait beaucoup améliorer la réponse des autorités nationales et régionales chargées de la lutte contre la pollution maritime en cas d’accident.
Pour finir, il faut aussi penser à réviser les plans d’urgence pour les adapter aux nécessités en matière d’océanographie opérationnelle.
Mis à jour le 23 janvier 2008 à 15:21