2005 : Le littoral et les avancées scientifiques > TR 3 : Penser ensemble le littoral de demain >
Le littoral : lieu de confrontation économiqueLe littoral : lieu de confrontation économique
Jean-Paul Glémarec, Vice-président, communauté urbaine Brest Métropole Océane, responsable du Contrat de baie de la Rade de Brest, Conseiller général du Finistère, Président du syndicat des eaux de l’Elorn.
Biographie :
GLEMAREC Jean-PaulCompte rendu :
Voir la vidéo de
Jean-Paul Glémarec
Transcription :
8 octobre 2005 TR3
Discours de Jean-Paul Glémarec
C’est en qualité de vice-président de la communauté urbaine Brest Métropole Océane, en charge du Contrat de baie de la Rade de Brest que j’interviens. Il a été dit tout à l’heure, que les élus étaient peu sur le terrain et que les scientifiques restaient dans leur laboratoire. Je voudrais ici témoigner du contraire. En tant qu’élu, je me présente comme un soutier, essayant de régler des conflits ici, m’efforçant de produire quelques avancées là, en permanence au contact des professionnels et des scientifiques qui connaissent bien le terrain.
L’exemple de la mise en place du contrat de Baie de la Rade de Brest
Dès 1993 –phase préliminaire de la mise en place de ce Contrat de baie de la Rade de Brest - dès qu’une question se posait ou était repérée comme importante pour des professionnels, qu’ils soient industriels, agriculteurs, pêcheurs ou ostréiculteurs, j’ai proposé une méthode de travail en mettant en place des comités de suivi tripartites : professionnels, scientifiques, collectivités.
Je ne vais pas présenter le Contrat de baie de la Rade de Brest. Tout est sur le site Internet : www.cub-brest.fr/contrat-baie/fr/contrat. L’objectif du contrat de Baie, était la reconquête de la qualité des eaux de la Rade et de son bassin versant. James Cloern a indiqué ce qui se passait à San-Francisco.
J’en profite pour remercier en premier lieu Lucien Laubier qui a assuré la présidence du Comité International d’Experts scientifiques du Contrat de Baie, James Cloern et Michel Glémarec professeur émérite d’océanographie biologique à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO), et tous les chercheurs d’IFREMER, de l’UBO et de bien d’autres institutions qui ont travaillé avec nous.
Nous observions la raréfaction de certaines ressources marines depuis de nombreuses années. Aussi nous avons voulu comprendre ce qui se passait par une approche écosystèmique englobant la rade de Brest et son bassin versant. Il est évident que cette zone littorale est sous l’influence de ce qui se passe sur les bassin versant. Il y a une interaction régulière, et nous n’avons pas de mascarets !
Nous avions la volonté affichée, de satisfaire aux différents usages tout en maintenant les activités existantes, voire les développer. Nous avions l’ambition d’une meilleure protection environnementale tout en asseyant mieux un véritable développement économique. Par ailleurs, je continue de penser que la question écologique se réglera par la manière dont nous traiterons les questions économiques et les activités .
Le contexte littoral et la pression économique
Le littoral est une zone de confrontation remarquable d’un point de vue géophysique et géochimique. C’est aussi un lieu de confrontation économique. Il y a les activités traditionnelles - la conchyliculture et la mytiliculture , qui sont en concurrence avec le développement touristique ou les loisirs littoraux nouveaux qui s’implantent.
Les activités traditionnelles se concurrencent aussi entre elles. Je travaille beaucoup actuellement avec les conchyliculeurs. Le mode de développement agricole et d’urbanisation en zone littorale avec ses insuffisances d’assainissement entrave et fragilise l’activité conchylicole, la pêche professionnelle mais aussi la pêche à pied récréative très pratiquée dans cette région … Il y a une troisième confrontation, qui est sociologique. C’est moins dans notre registre immédiat, mais le tropisme littoral a accru la pression sur le foncier et son coût comme l’indique l’interview d’Alain Merckelbagh dans Ouest France ce matin. Des activités traditionnelles sont interrogées par de nouveaux arrivants. Et nous assistons a une multiplication de conflits très localisés. Pour exemples les débats actuels sur une implantation ostréicole dans la baie de Goulven, l’implantation d’un port de plaisance dans les Abers. Hier soir, le président du syndicat ostréicole de la rade de Brest, m’a demandé d’intervenir pour l’extension de concessions auprès de communes qui n’en veulent pas parce que des riverains y sont opposés.
Nous avons également une activité agricole très développée. Je rencontre régulièrement les agriculteurs du bassin de l’Elorn, car les exigences en matière de qualité d’eau nécessitent des modifications dans leurs pratiques professionnelles. Les agriculteurs répondent parfois « si c’est pour accueillir quelques touristes de plus à Brest ou dans le secteur… Si c’est pour la qualité de l’eau des brestois, vous n’avez qu’à acheter de l’eau en bouteille, il n’y aura plus de problème ! ».
Eh bien ! non. En Bretagne, le tourisme constitue une activité très importante qui ne pourra supporter longtemps d’être mise en difficulté pour des motifs environnementaux . Par ailleurs, est-il normal que des ostréiculteurs soient mis en arrêt d’activité professionnelle au motif d’une contamination bactériologique. Cette contamination ne vient pas seulement de l’agriculture. La ville, l’urbanisation croissante du littoral y contribuent certes mais il importe que chacun prenne sa part au combat pour la reconquête de la qualité des eaux . Brest Métropole Océane vient de rénover complètement ses stations d’épuration.
C’est dans ce contexte qu’on essaie de travailler.
La démarche du Contrat de baie - Louis Le Pensec le disait tout à l’heure pour l’action du Conseil Général du Finistère – vise à construire une réponse en terme de développement compatible des différentes activités et usages dans le respect du milieu et de l’eau qui est un vecteur commun.
Les contaminations
Voici l’exemple que je voulais prendre pour illustrer notre mode d’action. Il s’agit de l’opération conchyliculture que nous avons lancée il y a seulement deux ans. Elle a pour cadre l’estuaire de la rivière de Daoulas, à l’Est de la Rade, sur un petit bassin versant. Nous avons là une activité ostréicole et mytilicole qui représente un potentiel de développement. L’activité ostréicole et mytilicole est implantée de longue date, et, plus récemment une pêche à pied professionnelle s’est installée. En plusieurs circonstances, les services de l’Etat ont fait interrompre l’activité au motif de contaminations microbiologiques relativement importantes et de plus en plus fréquentes. Nous avons procédé à un état des lieux précis. Nous avions un état des lieux général des bassins de la Rade et de la Rade elle-même. Mais un état des lieux précis signifie que nous devions avoir quelqu’un sur le terrain pour repérer tous les cours d’eau, rivières, ruisseaux, rus, toutes les sources possibles, même intermittentes, vectrices potentielles de pollution. Des analyses ont été effectuées à la sortie de chaque ruisseau, de chaque ru, pour mesurer la charge bactériologique véhiculée.
Nous avons, avec l’aide des scientifiques, modélisé le fonctionnement de cet estuaire de la rivière de Daoulas pour observer de quelle manière cette contamination se disséminait dans l’estuaire, sur quelle durée. Nous avons tenu compte de la marée, de la bathymétrie… Nous avons réuni une nouvelle fois des scientifiques, le syndicat ostréicole de la Rade de Brest , la section régionale conchylicole Nord – Bretagne, les collectivités - en tant que responsables de l’assainissement- la Chambre d’Agriculture et les 60 agriculteurs qui sont sur le bassin versant proche. La réunion qui aurait pu être difficile s’est bien déroulée, à la surprise de nombreux participants.
Il y avait 4 communes concernées. Les maires étaient là ; ils ont admis leur part de responsabilité. C’était un point important. C’est l’urbanisation qui est la source première de la contamination et de la pollution. Les maires ont indiqué les problèmes – pas seulement financier - mais parfois technique ou foncier pour l’implantation des stations d’épuration. Il y une configuration de terrain difficile, il fallait tirer des réseaux, il y avait l’assainissement individuel, dorénavant sous contrôle avec les SPANC. Et il y avait des tensions réelles entre certains acteurs. Il y a un an, j’ai demandé à des ostréiculteurs de ne pas déposer plainte contre une commune, considérant que sa station d’épuration n’était toujours pas dans les normes et constituait une source majeure de pollution.
Actuellement, les sources ponctuelles sont maîtrisées, on travaille sur les outils épuratoires.
Je voudrais aussi dire les limites de ce type de démarche.
On n’est pas dans des démarches qui s’exercent uniquement dans un cadre réglementaire, ou législatif connu. On est dans un cadre d’une opération de persuasion, d’incitation à faire mieux. On travaille dans le cadre du Contrat de baie,. Mais un Contrat de baie n’a pas de capacité en matière d’urbanisme, ni sur la spatialisation des activités.
Nous entamons à l’échelle du pays de Brest - soit 6 communautés de communes de Crozon jusqu’au pays Léonard - une démarche de gestion intégrée des zones côtières (GIZC). C’est bien d’avoir ce plan de travail. Ceci dit, ma conviction est faite que si nous n’avons pas de documents opposables après avoir été co-construits par les acteurs locaux, s’il n’y a pas une co-élaboration de documents locaux ayant valeur à la fois de schémas de développement et opposables aux tiers, je crois qu’on avancera difficilement. Alors on me dira : « Mais il y en a eu par le passé ». Je n’ai pas oublié qu’il y a eu un SAUM de la rade de Brest.
Il n’a pas été inutile même si sa portée immédiate a pu paraître limitée.
Le SAUM mais aussi le programme Ecorade ne sont pas oubliés et on peut considérer qu’ils sont à la fois une base et une étape pour les constructions ultérieures. Et puis, n’oublions pas que la science et la conscience écologique ont beaucoup progressé depuis 25 ans.
Il y a aussi actuellement les SAGE. Il se trouve que je préside une commission locale de l’eau chargée d’élaborer le SAGE de l’Elorn, Penfeld, rivière de Daoulas. Ce territoire est une partie du bassin du versant de la Rade. Le SAGE est un document de préconisation. La future Loi sur l’eau va, paraît-il, renforcer ses capacités. Pour l’instant il n’est opposable qu’à l’administration, à l’Etat et aux collectivités Et les préconisations du SAGE devront être inclues dans les PLU , obligatoirement. Toutes les communes n’ont pas de PLU, car la carte communale est un peu plus simple et moins contraignante, on le sait. C’est toutefois une avancée significative.
Louis Le Pensec évoquait tout à l’heure à l’occasion de la Loi sur le développement des territoires ruraux les Schémas de mise en Valeur de la Mer (SMVM). Pourquoi pas ? Ces schémas sont aussi opposables.
SAGE, PLU, SMVM, 3 outils co-élaborés par les acteurs locaux peuvent constituer demain le tryptique sur lequel nous pourrons nous appuyer pour planifier le développement sur notre littoral, pour spatialiser les activités afin de réduire la conflictualité, pour recouvrer une qualité des eaux et des milieux.
Nous avons vraiment besoin de progresser pour une gestion de qualité de notre littoral. C’est notre image qui est en jeu. Le tourisme en dépend, mais sans doute aussi que notre agriculture aura besoin de cette image, de cette qualité de gestion de notre territoire pour mieux commercialiser ses produits. Sur le littoral, mais aussi sur le reste de notre territoire.
.
Yvon Bonnot : Je dirais tout d’abord que James Cloern et Jean-Paul Glémarec ont mentionné quelque chose d’important. Je dirai à Louis Le Pensec qu’aujourd’hui, le Sénat a heureusement rattrapé un oubli car, à un moment, on ne parlait pas de l’eau de baignade, de l’eau de mer, dans La loi sur l’eau. L’ANEL est intervenue. Le Sénat, après le vote de l’Assemblée, a repris ses propositions. Je suis convaincu que la qualité de l’eau sera le grand défi de demain. Je crois que c’est un des points importants, et l’eau sur l’ensemble du territoire, avec l’obligation d’intercommunalité. C’est vraiment l’exemple type où on ne peut pas travailler les uns sans les autres. Sinon, si une collectivité fait un effort et si l’autre ne fait rien, c’est la catastrophe. Mais il en est de même pour toutes les pollutions. Parce qu’on a parlé, de l’eau venant de la terre, de la pollution venant de la mer et des bateaux propres. Alors on avait fait passer un message, la FINE était d’accord pour mettre des bacs de rétention. Alors il paraît que, maintenant, il y a des prétextes qui sont trouvés pour différer encore. Je crois qu’on ne peut pas d’un côté faire des travaux énormes et de l’autre laisser les bateaux polluer. J’ai interdit l’arrêt des bateaux devant les plages de Perros Guirec. Je sais que je suis à la limite de la légalité, mais je ne peux pas laisser les enfants se baigner sur une plage, alors qu’il y a une vingtaine de bateaux qui polluent – souvent plus que des maisons, parce que c’est une pollution chimique. Et puis, il faut que les ports s’adaptent aussi ; à cet égard, la région Bretagne a fait un effort depuis plusieurs années - peut-être moins bien communiqué que le Languedoc-Roussillon - qui démarre depuis deux ans.
Ca fait six ou sept ans que la région Bretagne donne des subventions pour tous ceux qui veulent faire des ports propres. Je voulais dire que toutes les collectivités seront dans l’obligation de faire des efforts et il faudra s’adapter aux normes européennes. Je crois que c’est maintenant qu’il faut démarrer, parce que si on ne démarre pas maintenant, avec la longueur des études, je crois qu’on aura encore d’autres soucis à se faire. Et donc je crois que c’est un appel qu’on peut lancer à toutes les collectivités. C’est un gros investissement mais il y a des aides et il faudra certainement, si on veut arriver à de bons résultats, qu’il y ait cette prise de conscience.
Mis à jour le 22 janvier 2008 à 11:23