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La recherche en sciences de la mer au Maroc et la place du littoralLa recherche en sciences de la mer au Maroc et la place du littoral
Ahmed El Hattab, Directeur des Sciences, Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur, de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique au Maroc
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EL HATTAB AhmedCompte rendu :
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Ahmed El Hattab
Transcription :
7 octobre 2005 TR1
Discours de Ahmed El Hattab
Sébastien Panou : - Monsieur Ahmed El Hattab va intervenir maintenant sur le sujet de l’expertise scientifique, avec un éclairage un peu extérieur qui est celui du Maroc. En effet, il est Directeur des Sciences, au Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur, de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique au Maroc, et il a participé à la mise en place du réseau national des sciences et techniques de la mer (REMER). Il faut quand même que l’on sache si on parle d’un souci esthétique ou d’un problème d’impact sur le milieu et, sur ce point, je crois qu’il n’y a que l’expertise scientifique qui peut nous éclairer.
Merci monsieur le Président.
Tout d’abord, je voudrais remercier chaleureusement les organisateurs de cette manifestation de m’avoir invité, et en particulier madame Brigitte Bornemann-Blanc. Je remercie également Monsieur Lucien Laubier et l’ambassade de France, qui m’ont encouragé à participer à cette manifestation. Sur ce, je dois préciser tout de suite que je ne suis pas spécialiste du littoral, ni des sciences de la mer. Mais, en tant que gestionnaire de la Recherche, j’ai quand même pu me constituer une vision générale sur ce sujet-là.
Comme vous le voyez, je vais d’abord parler du contexte dans lequel se situe le sujet dont je vais vous faire part. Le Maroc a 3 500 km de côte – une partie sur l’Atlantique et l’autre sur la Méditerranée –, plus une façade maritime qui est très importante et une zone économique exclusive qui est presque le double de la superficie du territoire marocain. Alors, comme vous le voyez, le littoral est une étroite zone de contact entre le domaine continental et le domaine sous-marin, mais c’est aussi une importante ressource sur le plan économique puisqu’on y prélève beaucoup de ressources – par exemple le sable, les fruits de mer, les poissons, etc… C’est aussi le lieu d’une énorme pression anthropique. On y prélève le sable car, au Maroc, l’industrie de construction est très importante. On y rejette aussi les déchets ménagers et industriels, et souvent sans aucun traitement. Et il y a beaucoup d’activités portuaires, notamment sur la côte Atlantique. De plus, toujours dans le contexte, il y a un développement considérable de stations balnéaires, surtout sur la côte méditerranéenne ; il y en a aussi sur la côte Atlantique, en particulier dans la région d’Agadir. Par ailleurs, sur le plan législatif, très peu d’efforts ont été faits en matière de protection et d’aménagement du littoral, les seules législations qui existent étant celles relevant du domaine public et celles concernant la protection des milieux naturels qui relèvent des compétences des Eaux et Forêts. La dimension littorale n’est pas suffisamment prise en compte par les instruments de planification en tant qu’unités naturelles et spatiales, ou en tant qu’unités socio-économiques. Cette dimension est souvent diluée dans des schémas directeurs d’aménagement urbain, dans le schéma d’armature rurale ou, plus récemment, dans le schéma de développement d’aménagement régional - le Maroc ayant été divisé en 16 régions.
Tous ces différents éléments du contexte dans lequel se place le sujet invitent le pays à avoir une politique nationale en matière de connaissances, de préservation, d’aménagement et de gestion de ce patrimoine naturel, qui est très important. Il y a diverses instances qui s’occupent justement du littoral, de sa gestion, de son aménagement, etc... D’une part, il y a les Ministères et, d’autre part, il y a d’autres instances sur le plan de la Recherche et de l’Enseignement. Il y a au moins quatre Ministères qui s’occupent, chacun, de la gestion du littoral. Je peux tout de suite vous dire que, souvent, il y a un manque de coordination entre ces différents gestionnaires du littoral, ce qui peut poser des problèmes. A côté des instances gouvernementales qui se partagent la gestion du littoral, il y a des structures de recherche – je crois que ce sont les plus actives dans ce domaine-là. Beaucoup de monde connaît l’Institut National de Recherches Halieutiques, mais il y a aussi l’Institut Scientifique, l’Institut d’Hygiène, l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II – qui a un département sur les ressources halieutiques - et il y a l’Ecole Hassania des Travaux Publics, qui est une école d’ingénieurs et qui s’occupe du génie civile et des infrastructures portuaires. Il y a aussi deux autres instituts, d’un niveau inférieur, dans lesquels sont réalisées des études sur la marine marchande, sur la pêche, etc…
Nous venons de voir les structures de recherche, mais il y a aussi les structures d’Enseignement et de Recherche. En particulier, il y a les universités, où se déroule la majeure partie des travaux de recherche sur le littoral. C’est, en l’occurrence, les Facultés des Sciences, les Facultés des Sciences et Techniques et les écoles d’ingénieurs et vous avez ici, sans être exhaustif, les différents axes de recherche de ces institutions-là. Il y a aussi les Facultés des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, qui s’occupent plus particulièrement des droits de l’Environnement et du droit maritime. Il y a par ailleurs d’autres structures qui ont été mises en place, récemment et de manière précise, à partir de 1997. Ce sont les « pôles de compétences » qui sont des réseaux thématiques de recherche et, parmi les 17 pôles de compétences qui ont été mis en place, il y en a 2 qui s’occupent justement, sur le plan de la recherche, du littoral. Il y a le réseau national des sciences et techniques de la mer et, là, je voudrais rendre un grand hommage à Monsieur Lucien Laubier qui est l’un des fondateurs de ce réseau, parce que ce dernier entretient une grande coopération avec la France en matière de Recherche. C’est un réseau pluridisciplinaire bien sûr, fonctionnant en partenariat avec des universités et des institutions de recherche françaises. Il y a également un autre réseau qui s’occupe de l’aménagement du littoral d’une manière générale, et il a un volet consacré à l’aménagement et à la gestion du littoral.
Au Maroc, parmi les 6 priorités nationales de recherche, il y en a une qui s’intitule : « Connaissances, préservation et valorisation des écosystèmes et des ressources naturelles », les sciences naturelles étant incluses dans ce programme.
En ce qui concerne les structures de recherche, il s’agit des équipes de chercheurs et des laboratoires dans tous les établissements universitaires des villes côtières - il y a même des universités à l’intérieur des terres, comme Marrakech, qui ont des laboratoires travaillant dans le domaine des sciences de la mer. Le tout représente un capital de plus de 600 enseignants-chercheurs et chercheurs, qui mènent des travaux de recherche dans ce domaine-là, et dont 300 font partie du REMER (Réseau national des sciences et techniques de la MER).
Quelle est la place du littoral dans la recherche en sciences de la mer ? Une première constatation s’impose, qui est que les équipes et laboratoires de recherche n’ont pas de moyens pour effectuer des sorties en mer et que, pour cette raison-là, ils sont obligés de travailler sur le littoral, sur une frange assez réduite du plateau continental. Cependant, plusieurs projets de recherche ont une relation avec la mer. Avant même la mise en place du réseau REMER, il y avait des équipes qui travaillaient sur le littoral et, entre 1998 et 2001, le Ministère a financé à peu près une trentaine de projets de recherche, moyennant une enveloppe équivalente à 450 000 euros. Les projets que je viens de citer ont porté sur différentes thématiques.
Les travaux de recherche sur le littoral effectués dans le cadre du partenariat maroco-français ont été réalisés à travers le réseau national des sciences et techniques de la mer. Ce réseau a été mis en place d’un commun accord entre notre Ministère de la Recherche et l’Ambassade de France à Rabat, et Monsieur Lucien Laubier a joué un rôle déterminant dans la création de ce réseau-là - il continue d’ailleurs à le faire, puisque c’est lui l’opérateur français du REMER. Le réseau a été évalué récemment par un cabinet externe, et cette évaluation a donné de très bons résultats - lesquels vont continuer, bien sûr.
Alors ce réseau REMER, c’est quoi ? C’est une fédération de laboratoires et d’équipes de recherche comprenant six établissements appartenant à l’Université, l’Institut National de Recherche Halieutique, l’Institut National d’Hygiène et - du côté français -, les universités, l’IFREMER et le centre océanologique de Marseille. Il y a de plus une très forte coopération avec la région de Brest à travers l’UBO (Université de Bretagne Occidentale), à travers l’Institut Universitaire Européen de la Mer, etc... Comme je le disais tout à l’heure, le REMER comprend une quarantaine de laboratoires et un peu plus de 300 enseignants-chercheurs qui travaillent en étroite collaboration avec leurs homologues français. En ce qui concerne les activités de recherche du REMER depuis sa création, il y a eu des appels d’offres qui lui étaient spécifiques et qui ont été lancés simultanément au Maroc et en France. Il y a eu plusieurs projets de recherche qui ont été cofinancés par le Maroc et par la France et qui ont porté, d’une manière beaucoup plus importante, sur la recherche concernant le littoral. Cela a permis le renforcement des capacités de nos chercheurs, ça a instauré une tradition d’échanges entre les différents chercheurs des deux pays et, surtout, la production scientifique a connu une augmentation durant cette période.
En ce qui concerne les thèmes de recherche, il y en a plusieurs et, comme tout le monde les connaît, je ne vais pas insister. Le réseau REMER fonctionne donc sur la base d’appels d’offres maroco-français mais, depuis cette année, il travaille sur un projet fédérateur qui porte sur l’étude du système lagunaire marocain - que Monsieur Laubier connaît très bien. Ce projet, nommé LagMar, a déjà démarré et, bientôt, à la fin de 2005, nous aurons les premiers résultats. Cette étude est bien sûr scientifique, mais elle est aussi socio-économique, et elle a pour principal objectif la constitution d’une base de données sur ce système lagunaire afin de le modéliser. Cette masse de connaissances sera mise à la disposition des gestionnaires pour mieux évaluer et gérer les ressources patrimoniales et économiques des lagunes.
Les principales compétences humaines qui se sont engagées dans l’exécution de ce projet proviennent des institutions membres du REMER correspondant à des organismes de recherche et de partenaires français. Les ressources matérielles du projet proviennent de ces mêmes institutions sous forme d’appui logistique de notre Ministère - via le Centre National de Recherche Scientifique et Technique - sous forme d’équipement et de moyens de fonctionnement, ainsi que d’un soutien de la part de la coopération franco-marocaine aux échanges de visites, etc…
Merci.
Mis à jour le 21 janvier 2008 à 15:11