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Rôle des associations dans la préservation de la biodiversitéRôle des associations dans la préservation de la biodiversité
Eric Stephan, Biologiste à l’APECS (Association Pour l’Etude et la Conservation des Sélaciens)
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Eric Stephan
Transcription :
14 octobre 2006 TR4
Discours de Eric Stephan
Je suis là pour vous parler des associations et du rôle qu’elles jouent. On a parlé ce matin de l’éducation et c’est souvent le rôle que l’on connaît aux associations. Elles ont donc leur rôle pour diffuser de l’information et sensibiliser le public. Il existe un rôle moins connu et moins reconnu, c’est celui qu’elles peuvent jouer dans la collecte d’informations et de données. Pourtant, c’est quelque chose qui apparaît clairement dans la stratégie nationale pour la biodiversité dont s’est dotée la France. Dans cette stratégie, une des priorités est le développement des connaissances sur le patrimoine naturel pour combler les lacunes actuelles et pour pouvoir apprécier les évolutions. Dans cette stratégie, le rôle que peuvent jouer les associations à ce niveau est clairement identifié. La réalisation de l’inventaire national du patrimoine naturel constitue une étape importante. La coordination scientifique de cet inventaire a été confiée au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN), également chargé de gérer les bases de données et de les mettre à disposition du public, notamment au travers d’un site internet qu’il héberge. Le MNHN a donc en charge la partie coordination, gestion des données et diffusion de l’information mais le travail de collecte peut être réalisé non seulement par les organismes de recherche mais aussi par d’autres organismes comme les associations.J’irai même plus loin en disant que chaque citoyen peut jouer un rôle, peut-être pas directement, mais au travers d’associations.Bien sûr le travail de collecte doit être organisé, c’est la tâche qui incombe au MNHN, mais un maximum de données collectées doit être pris en compte. Le monde associatif est en mesure de fournir des données qui peuvent difficilement être obtenues par d’autres moyens parce que le travail ne correspond pas toujours à des thématiques de recherche habituelles et elles ne font donc pas l’objet de financement public pour les laboratoires de recherche publics. Les associations jouent donc leur rôle. Cela se passe très bien dans certains domaines, je pense notamment à l’entomologie ou à l’ornithologie où des réseaux d’amateurs très performants participent à cette collecte d’informations. Et il y a des domaines où c’est un peu moins habituel, notamment ce qui touche au milieu marin qui nous concerne aujourd’hui.
Pour illustrer tout cela, je vais dire quelques mots sur l’association pour laquelle je travaille. Elle est basée à Brest et existe depuis presque 10 ans. On s’intéresse de façon générale aux requins et aux raies et on travaille notamment sur une espèce : le requin pèlerin. On dispose donc, au travers des programmes que l’on mène depuis près de 10 ans, de données qui n’existent nulle part ailleurs. On est le seul organisme en France à collecter ce genre d’informations. Il s’avère que cette espèce est inscrite sur la plupart des conventions internationales dont la France est signataire. Je pense à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, la convention de Bonn, la convention de Barcelone, la convention de Bern, la convention Ospar… Donc le requin pèlerin est reconnu, au niveau international, comme étant une espèce sérieusement menacée. Elle figure aussi sur la liste rouge de l’Union Mondiale pour le Nature. Elle a donc une valeur patrimoniale élevée, même si je n’aime pas beaucoup ce terme – pourquoi une espèce aurait une valeur plus élevée qu’une autre ? – mais c’est comme ça qu’on en parle classiquement. En France, les données dont on dispose ne sont pas prises en compte. Si vous allez visiter le site internet de l’inventaire du patrimoine naturel français et que vous tapez « requin pèlerin », il n’y a pas de réponse, il n’existe pas en France. Sa présence n’est pas du tout relatée comme pour d’autres espèces. Pour d’autres encore, les données sont très anciennes et elles ne sont pas mises à jour. Donc, les associations peuvent jouer un rôle.
Il se pose maintenant le problème de la reconnaissance scientifique des informations collectées par les associations. C’est un problème souvent évoqué qui, à mon avis, peut facilement être écarté. Une solution serait que les relations entre le MNHN, qui a la charge de la coordination scientifique de cet inventaire, et les associations se fassent en amont des projets qui sont menés par les associations. Il faudrait que le MNHN ait un rôle de conseil, qu’il travaille avec les associations sur des protocoles d’inventaires pour que ces données puissent être prises en compte beaucoup plus facilement par les autorités scientifiques. C’est quelque chose qui marche très bien à l’étranger. Si on va chez nos voisins anglo-saxons, beaucoup d’associations font ce travail et les données collectées sont nettement mieux prises en compte qu’en France. Mais tout n’est pas perdu. Depuis quelques mois, une grande ONG française a lancé un programme d’inventaires des papillons des jardins à l’échelle nationale. Cette association s’appelle Noé Conservation. Le MNHN est partenaire de ce projet : c’est lui qui a en charge le traitement des données qui seront collectées. Mais la collecte en elle-même a été confiée à l’ensemble des citoyens au travers de cette ONG puisque chacun est invité à faire part des apparitions de papillons dans son jardin à cette association qui fait remonter les informations au MNHN. Je pense qu’une des solutions est d’encourager cette implication du MNHN auprès des associations pour qu’un maximum de données puisse être pris en compte et puisse servir à mieux évaluer ce patrimoine naturel qui nous est cher.
Merci à vous.
Mis à jour le 21 janvier 2008 à 12:20