2006 : La biodiversité du littoral > TR 4 : Place du citoyen et des élus dans les prises de décision >
DiscoursDiscours
Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo, Ambassadeur de Madagascar en France
Biographie :
RAZAFY-ANDRIAMIHAINGO Jean-PierreCompte rendu :
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Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
Transcription :
14 octobre 2006 TR4
Discours de Jean-Pierre Razafy-Andriamihaingo
Permettez-moi d’intervenir puisque nous arrivons à la fin de ces entretiens. Tout d’abord je souhaiterais réitérer mes vifs remerciements exprimés au début de ces rencontres, non pas uniquement par convenance mais réellement parce que je les ressens vivement. Ces remerciements, après avoir entendu tout ce qui s’est dit et tous les enseignements que j’ai pu en tirer, sont amplement justifiés. Je vous suis véritablement reconnaissant parce que, encore une fois, je suis venu ici en candide, je l’ai dit dans ma première intervention, et je vais rentrer à Paris empli d’enseignements et d’informations que je ne manquerai pas de transmettre à mes hautes autorités.
Je voudrais aussi remercier la présence de cette jeunesse active très intéressée par la biodiversité et par tout ce qui concerne l’environnement. Je vous remercie de vous intéresser à Madagascar puisque après tout, le fait que Madagascar soit l’invité d’honneur de ces entretiens, vous a peut-être attiré encore davantage.
Je voudrais corriger une certaine image. Il ne faudrait pas, chers amis, que vous reteniez de Madagascar, en sortant d’ici, une image trop négative. On a montré des images, hier en particulier, qui ont peut-être choqué certains. Personnellement, j’en ai été étonné parce que c’est vrai qu’il y a le choix, quand on parle d’un pays, de montrer certains aspects. Là, peut-être que le choix des images, pardonnez-moi, n’a pas été très heureux parce que l’on représentait trop Madagascar sous un prisme de désolation. Bien sûr, il y a de gros problèmes à Madagascar et vous les connaissez tous, puisque vous êtes des spécialistes. Mais, Monsieur Haja Ratsimbazafy l’a dit tout à l’heure, il y a aussi des images positives, et je dois dire, tout à fait réconfortantes parce que la nature à Madagascar est magnifique mais il y a eu les actions de l’homme qui ont certainement rendu cette nature dans un état piteux. On parle beaucoup de la déforestation et à ce sujet, je veux m’inscrire en faux par rapport à ce qui est trop facilement véhiculé comme étant soi-disant une tradition c’est-à-dire la culture sur brûlis. Non, ça n’est pas une tradition, c’est tout simplement la résultante de la pauvreté. Et cette pauvreté bien sûr ne date pas d’aujourd’hui. La pauvreté à Madagascar, dans certaines régions et pour certaines couches de la population, existe depuis un certain nombre d’années. La pauvreté engendre des comportements de survie qui, en l’occurrence, ne sont pas des comportements nationaux et ce n’est pas parce qu’ils perdurent qu’il faut les considérer comme étant constitutifs d’une tradition. Donc faisons bien la différence, il ne s’agit pas de tradition ; au jour d’aujourd’hui, on ne lutte pas contre une vraie tradition. C’est un peu comme l’arbre avec ses racines, on ne les lui coupe pas. Les traditions vraies, ce sont les racines qui permettent à l’arbre de s’épanouir et de prospérer puisque cet arbre vit sur plusieurs siècles. Alors, retenez cette image, ce n’est pas une tradition.
En ce qui concerne la conscience que le malgache a de son environnement, j’ai parlé hier de cette notion d’eau sacrée de la mer pour le malgache, elle témoigne du respect qu’il a de cet élément de la nature fondamental, perçu comme étant véritablement la matrice de vie. Et bien, ça n’est là qu’un aspect de la relation que le malgache a avec la nature.
N’oublions pas, et ça n’est pas exclusif, que les asiatiques ont une vraie relation avec la nature – personnellement j’ai pu étudier cela notamment concernant les Japonais et également certaines populations de l’Asie du Sud-Est – et le malgache est fondamentalement d’origine asiatique. Ensuite, il y a eu des apports, au gré des différentes vagues de populations de Madagascar, en particulier africains et arabes.
C’est que la relation que nous avons avec la nature est une relation intime. Je l’ai dit hier dans ma courte intervention, l’Homme est lui-même dans cette conception, il fait partie de la nature et de l’écosystème. Par conséquent, naturellement, nous avons le respect de cette nature si tant est que nous ayons le respect de nous-mêmes. C’est une notion fondamentale à Madagascar et là aussi, d’une certaine façon, la pauvreté a très certainement engendré un oubli de ses propres valeurs. Je crois que c’est important pour que vous puissiez bien saisir quelle est la conscience que nous avons à Madagascar de cette nature.
Nous avons des bases philosophiques très solides qui, actuellement, inspirent notre politique, non seulement de protection et de défense, mais aussi de valorisation de notre nature. Encore une fois, c’est notre Président de la République qui, l’année dernière, lors d’un colloque important qui s’est déroulé à l’UNESCO, sur le thème précisément de « Science et Gouvernance », a rappelé cela. Il a informé l’assemblée de ce que nous faisons à Madagascar actuellement. La biodiversité de l’environnement constitue véritablement une cause nationale à Madagascar. Non pas uniquement du fait de la déforestation et la nécessité de la reforestation, mais tout simplement par rapport à ces notions philosophiques et aussi parce qu’il faut voir non seulement par rapport au présent et mais aussi par rapport à l’avenir. Car au bout du compte, c’est le développement économique de Madagascar qui est en cause. Et si nous ne savons pas exploiter – dans le sens le plus intelligent du terme – cette nature, bien évidemment nous ne pourrons pas nous développer. Voyez donc le lien indispensable, nécessaire, que nous avons entre cette nécessité de la protection, de la valorisation de la biodiversité, et la nécessité que nous avons de développer ce pays qu’est Madagascar.
Je ressentais le besoin de vous dire tout cela - de façon un peu longue, je m’en excuse. Mais c’est aussi parce que nous sommes tellement heureux d’être avec vous aujourd’hui et je souhaitais que vous puissiez garder de cette participation de Madagascar aujourd’hui, un souvenir porteur et que ceci nous incite à nous retrouver en d’autres lieux, en d’autres moments.
Merci beaucoup Monsieur le Président.
Mis à jour le 21 janvier 2008 à 12:01