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Les peuplements de macro-algues : diversité et structurationLes peuplements de macro-algues : diversité et structuration
Erwan Ar Gall, Maître de conférence au LEBHAM-IUEM-UBO membre du bureau technique de Rebent-Bretagne (Réseau Benthique)
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Erwan Ar Gall
Transcription :
13 octobre 2006 TR2
Discours de Erwan Ar Gall
Je suis maître de conférence à l’UBO, je travaille au Laboratoire d’Ecophysiologie et de Biotechnologie des Halophytes (c’est à dire des plantes du bord de mer) et des Algues Marines (LEBHAM). L’exposé que je vais faire s’inscrit dans le cadre de Rebent dont vient de vous parler Dominique Hamon. Il va porter essentiellement sur les aspects de diversité et de structuration des peuplements de végétaux marins, et en particulier des macroalgues (algues que l’on peut voir à l’œil nu). Il est assez connu que sur les côtes bretonnes, on peut observer une forte couverture en macroalgues et surtout en algues brunes. Elles correspondent à une biomasse particulièrement importante, que l’on a du mal à évaluer mais que l’on peut estimer à plusieurs millions de tonnes de matière fraîche. C’est la raison pour laquelle, depuis l’Antiquité, il y a une exploitation importante de ces algues sur les côtes bretonnes, en particulier des Fucales, groupe des algues brunes proches des Fucus récoltées actuellement sur la grève, et des Laminariales, groupe des algues brunes proches des Laminaria ou Laminaires, qui sont elles essentiellement récoltées à l'aide de navires. Ces grandes algues brunes, Fucales et Laminariales, constituent sur l’estran, c’est-à-dire la zone de balancement des marées, des populations linéaires ou ceintures qui vont s’étager de haut en bas de cette zone jusqu’au niveau de l’infralittoral. Sous leur couvert existe une grande diversité d’espèces animales et d'espèces végétales, dont nous étudions la diversité. Notre but est également d’analyser la structuration fine des peuplements correspondants, ce qui devrait nous permettre de percevoir des changements des écosystèmes marins côtiers, éventuellement plus rapidement que des suivis réalisés à plus grande échelle spatiale.
A l'abri de cette canopée s'est développée une grande diversité de macroalgues marines. Si l’on reporte cette diversité à la longueur du trait de côte breton, on remarque que la Bretagne est l’une des régions du monde où la richesse spécifique algale est la plus forte. Celle-ci est menacée par des perturbations d’ordre climatique ou d’ordre anthropique, comme par exemple l’introduction d’espèces exotiques ou les pollutions accidentelles type marée noire de l’Erika. Notre but au LEBHAM, en nous intégrant dans le Rebent Bretagne, est d’assurer un suivi stationnel des peuplements intertidaux de macroalgues qui constituent, il faut le dire, des habitats originaux à chaque niveau. Notre but est plus particulièrement d’essayer de définir des états de référence en terme de diversité mais aussi en terme de structuration des peuplements, que nous étudions en calculant les pourcentages de recouvrement de chaque espèce. Il s’agit aussi d’essayer de mettre en évidence d'éventuelles variations temporelles soit saisonnières soit, si l’on prête vie au Rebent, des évolutions sur une plus longue échéance. Le suivi que nous effectuons sur les macroalgues de l’intertidal (ou médiolittoral) est effectué sur 12 sites tout autour de la Bretagne. Il est réalisé par cycles de trois années. Une bonne partie du travail se fait sur le terrain et, contrairement à ce que l’on peut penser, c’est souvent loin d’être une partie de plaisir. L’identification de la plupart des espèces se fait donc sur le terrain et l'échantillonnage n’est globalement pas destructif. Une fois les données collectées, nous les regroupons par groupes systématiques : en gros les algues vertes, rouges et brunes ; par strate, c’est-à-dire par intervalle de hauteur de végétation ; et également par ce que nous avons appelé des groupes structurels ou fonctionnels, en particulier les groupes morpho-anatomiques. A terme, nous devrions être à même de définir des indices permettant de suivre l’évolution de la structuration de ces peuplements.
Je vais illustrer ce travail par l'exemple d’un site abrité, celui de Portsall, en prenant quelques-uns des groupes d'analyse décrits précédemment. En ce qui concerne le suivi des groupes taxonomiques, on voit qu’en nombre d’espèces, les algues rouges sont les plus nombreuses sur l’estran. Par contre, le recouvrement par les divers groupes taxonomiques est assez comparable. Si l’on regarde ce qui se passe au niveau de la hauteur de végétation, on voit que les espèces dont la taille moyenne est comprise entre 0,5 et 30 cm, qui appartiennent à la strate micro-méïobiotique, et les espèces qui appartiennent à la végétation la plus rase, la strate encroûtante, représentent des pourcentages de recouvrement très importants par rapport aux espèces de très grande taille. Il existe également des variations saisonnières, notamment pour les grandes algues.
Si on en vient aux groupes morpho-anatomiques, qui sont des groupes fonctionnels – je ne prends que quelques exemples parce que cela représente beaucoup de données sur l’estran de Portsall – les espèces les plus courantes sont celles qui appartiennent au groupe des thalles complexes et ont une stratégie de compétition sur l’estran. Par ailleurs, si on prend deux autres groupes morpho-anatomiques, celui des espèces filamenteuses simples et des grandes algues structurantes, c’est-à-dire les grandes algues brunes, on voit des différences entre le site abrité de Portsall et le site plus battu de l’île de l’Aber, où les recouvrements sont plus faibles.
Tout ce travail aboutit à une profusion de données qu’il faut analyser, recouper, regrouper. Un de nos buts est donc d’arriver à la définition d’indices qui devraient permettre une caractérisation plus facile des différents types de sites et un suivi des évolutions temporelles plus évident et plus rapide.
Pour terminer cet exposé, je voudrais insister, comme cela a déjà été fait, sur la nécessité de pérenniser cette activité sur des durées longues et qui dépassent largement une, deux ou trois années.
De plus, il est absolument nécessaire de pérenniser les emplois hautement qualifiés, avec des spécialistes qui sont capables de reconnaître ces espèces animales et végétales sur l’estran.
J’ajoute un petit point déjà évoqué ce matin sur la valorisation scientifique de ce travail. Pour nous qui sommes chercheurs ou enseignants-chercheurs, cette valorisation est extrêmement difficile et donc il faut un peu de courage pour continuer dans cette voie.
Je vous remercie.
Mis à jour le 21 janvier 2008 à 10:27