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2006 : La biodiversité du littoral > TR1 : La biodiversité des habitats littoraux, histoire et évolution >  Inventaire des fonds marins de Bretagne exemple d'application du REBENT

Inventaire des fonds marins de Bretagne exemple d'application du REBENT

Sandrine Derrien, Chargée de mission scientifique au Muséum National d’Histoire Naturelle, département milieux et peuplements aquatiques, Station de biologie marine de Concarneau.

Biographie :

DERRIEN Sandrine

Compte rendu :

Voir la vidéo de Sandrine Derrien


Transcription :

13 octobre 2006 TR1


Discours de Sandrine Derrien


Je travaille depuis quelques années à la Station de biologie marine de Concarneau du Muséum National d’Histoire Naturelle, et je profite de cette occasion pour vous dire l’honneur qui m’a été fait de participer pour la première fois à ces journées d’entretiens et remercier particulièrement Michel Glémarec. Je voudrais lui rendre hommage aujourd’hui puisque je suis également issue du cursus universitaire océanographique brestois, et même de la dernière promotion océanographique.
Cette introduction mise à part, je vais vous présenter, en quelques minutes et quelques diapos, quelques outils qui sont à notre portée pour étudier la biodiversité. Les deux sur lesquels je travaille principalement depuis quelques années, sont les inventaires ZNIEFF – et ZNIEFF Mer en particulier – et le programme REBENT qui vous sera plus largement exposé cette après-midi par Dominique Hamon du Centre Ifremer de Brest.

Historiquement, on va commencer par parler des inventaires ZNIEFF Mer qui sont une véritable culture de naturaliste et ce, depuis de très nombreuses années, en particulier à la Station marine de Concarneau avec une équipe de chercheurs essentiellement féminine avec Annie Castric-Fey, Annie Girard-Descatoire et Marie-Thérèse L’Hardy-Halos. Ces personnes ont largement contribué à initier les inventaires, en particulier des fonds subtidaux rocheux – c’est aujourd’hui un peu ma partie et c’est ce que je continue depuis plusieurs années. C’est un milieu assez particulier : c’est tout ce qui concerne la flore et la faune fixées sur le rocheux en subtidal uniquement, donc forcément une complexité d’un habitat en de nombreux micro-habitats d’une part et également une difficulté au niveau de l’accès puisqu’on est obligé d’utiliser l’outil plongée professionnelle pour l’étudier, j’en parlerai un peu tout à l’heure.
Ces inventaires ont été initiés il y a de nombreuses années, en particulier en 1993 pour ceux commencés en Bretagne à la Station de Concarneau et que l’on poursuit. Vous avez ici une cartographie qui vous montre l’ensemble des secteurs aujourd’hui étudiés. On termine cette année un inventaire commencé il y a 3 ans sur le secteur de Belle-Île, Houat et Hoëdic – le Morbihan est décidément d’actualité ! L’approche par cet inventaire est essentiellement basée sur la biodiversité en terme de richesse spécifique c’est-à-dire que l’objectif est véritablement de dresser une liste la plus exhaustive possible de tout ce que l’on peut rencontrer en faune et en flore. Je vais peut-être me répéter en disant « faune et flore » à chaque fois, c’est volontaire car le message que je voudrais transmettre, c’est qu’il est impossible de les dissocier, ce qui est souvent fait, notamment pendant des réunions de travail au niveau de la DCE . On a tendance à séparer les groupes travaillant sur les invertébrés de ceux qui travaillent sur les végétaux, je suis obligée à chaque fois d’aller aux deux car c’est très difficile de les dissocier dans leur fonctionnalité. A titre d’exemple, si des laminaires disparaissent, c’est tout un cortège de flore mais aussi de faune qui y est associé qui va disparaître. Donc, c’est à chaque fois une approche par la faune et la flore qui se fait au niveau de la richesse spécifique.

On s’intéresse aussi à la richesse biocénotique. L’idée est d’avoir un regard un peu plus global, sur une ou deux espèces qui ont un développement assez important et qui reflètent certaines conditions du milieu, certaines conditions liées à des habitats particuliers, notamment à la topographie des fonds. En effet, certaines espèces – ou groupes d’espèces – vont particulièrement se développer si elles sont influencées par une courantologie très forte comme un chenal ou si elles sont dans une faille, sur un tombant, alors qu’on ne les trouvera pas sur un plateau rocheux. C’est une approche un peu différente mais complémentaire, un autre regard de la biodiversité. Il s’agit de se repérer dans l’espace, le tout échelonné le long de ceintures algales pour étager nos observations et les resituer dans différentes ceintures que l’on base sur les algues, sur les laminaires et leur densité dans un premier temps au niveau de l’infralittoral puis au niveau de la présence ou l’absence d’algues dressées, de la prédominance de la faune fixée. C’est pour cela qu’on ne peut pas dissocier les deux, pour l’étage circalittoral donc plus profond.

Je vais aborder très rapidement le REBENT. Pour ce qui concerne le subtidal rocheux en Bretagne, voici la cartographie à l’échelle de l’ensemble de la région Bretagne, et pas uniquement par exemple aux Glénan, qui est bien évidemment un atelier de prédilection pour nous. La particularité dans le cas du REBENT, et c’est assez récent, c’est qu’on a du mettre en place un protocole de suivi en se basant cette fois sur des données quantitatives, ce qui n’était pas le cas des inventaires ZNIEFF. Cela nous ôtait énormément de possibilités d’analyse, de traitement et d’interprétation quand on voulait mesurer l’évolution dans le temps de la biodiversité. Ca a été notamment l’un de nos soucis lorsqu’on a voulu mesurer l’impact de l’Erika, on avait des données antérieures au naufrage de l’Erika sur certains sites de Bretagne Sud mais qui n’avaient pas fait l’objet d’une approche quantitative de listes d’espèces. Si on se base sur de la présence absence, cela limite forcément les possibilités de traitement et d’analyse.

Dans un premier temps, je vais vous parler de ce que les deux programmes font en commun. C’est une approche par les ceintures algales. Dans tous les cas, dès qu’on fait un inventaire, qu’il soit destiné à une proposition de zone naturelle de type 1 ou 2, ou à un suivi pluriannuel de type REBENT, on commence toujours par dresser le profil des différentes ceintures algales du site, ce qui nous permet de les hiérarchiser. Cela nous donne déjà une première idée des possibilités de développement des algues, et des laminaires en particulier, sur les différents sites. Vous voyez, sur le graphique du bas, trois lettres, A, B, C : l’ensemble de la région, on a retenu dix secteurs sur lesquels on a retenu trois points, en essayant à chaque fois de retenir un site côtier très proche – type fond de baie ou rade ou ria – un site côtier moyen et un site du large, qui peut être un site d’une île. C’est de manière à avoir non seulement une vision régionale sur l’ensemble du littoral et voir s’il se dégage des tendances, mais aussi sur un secteur, pour voir si les sites de fond de baie ou ceux du large réagissent de la même manière pour éventuellement visualiser des problèmes anthropiques et d’origine continentale ou, plus au large, des problématiques à plus grande échelle, notamment à l’échelle régionale.
En approche temporelle, l’intérêt du suivi REBENT, par rapport à l’inventaire ZNIEFF, c’est qu’il se veut être un suivi à long terme, du moins nous l’espérons avec une périodicité dans les inventaires. Ce qui nous permet de voir l’évolution de ces limites des ceintures mais, évidemment, de l’ensemble de la biodiversité sur un site et de voir comment ça évolue dans le temps sur un site, et à l’échelle d’un secteur ou de l’ensemble de la région avec trois points.
L’approche au niveau spécifique, aussi bien faune que flore, est également commune aux deux programmes. On s’intéresse, notamment pour REBENT, à la faune et à la flore qu’on peut rencontrer à certaines bathymétries fixes et également au sein des ceintures algales, aussi bien dans les premières ceintures qui sont à laminaires denses puis à laminaires clairsemés qu’ensuite au niveau des ceintures circalittorales avec prédominance d’algues dressées puis plus du tout d’algues dressées (où on a exclusivement de la faune fixée), les seules algues restantes étant des algues encroûtantes. Evidemment, on a regard tout particulier envers certains groupes d’espèces, notamment les espèces rares, comme cette algue rouge que l’on suit sur un seul des 30 sites et qui n’avait jamais été trouvée dans les inventaires auparavant. Il y a bien évidemment aussi cette petite algue rouge filamenteuse introduite qui n’est pas non plus explosive mais prend beaucoup d’ampleur au niveau spatial puisqu’elle commence à toucher quasiment tous nos sites de suivi. Il y a également le Wakamé, laminaire introduit depuis quelques années déjà, une éponge également introduite et invasive dans le golfe du Morbihan et à Etel et qui prend de l’ampleur. Et également d’un point de vue écologique et par rapport à des perspectives de réchauffement ou autre, des espèces en limite d’aire de répartition géographique, puisqu’on a la chance d’être dans une région où on en compte beaucoup. C’est intéressant de les suivre pour voir si leur frontière change.
Juste quelques images pour vous illustrer quelques possibilités d’analyse de données d’un point de vue qualitatif, là c’est exclusivement dans le cadre du suivi REBENT. On peut l’aborder au niveau des espèces, on peut les regrouper après en groupes morpho-anatomiques ou en groupes trophiques.

Pour terminer, ce qui est spécifique aux inventaires ZNIEFF, c’est l’approche par les faciès : une espèces peut être très bien représentée (en rouge), moins bien représentée (en vert) et très peu représentée (en gris). On fait cet exercice sur l’ensemble des sites qui font l’objet d’un inventaire ZNIEFF et c’est l’approche à la fois par les espèces déterminantes, la richesse spécifique totale et par les faciès qui nous permettent ou non de définir une zone écologique intéressante.
Je terminerai par trois points particuliers à l’étude de ce milieu. Le premier étudier le milieu rocheux subtidal apporte deux difficultés particulières : c’est un milieu rocheux donc très complexe car on a des multitudes de possibilités topographiques donc de groupes d’espèces en faune et flore, ce qui accroît énormément la richesse spécifique, d’un site à l’autre ça peut être totalement explosif. Pour vous donner une idée, on peut très bien passer de 250 à 300 espèces sur une zone, un transect, un site et ça, en plongée, ce qui est énorme. La deuxième difficulté est l’accès car il ne faut pas oublier que c’est un milieu qu’on étudie en plongée donc, à ce niveau-là, on aborde le problème des espèces déterminantes par leur rareté. Certaines espèces considérées comme rares il y a quelques années s’avèrent ne pas l’être forcément aujourd’hui parce qu’il y a des difficultés d’accès, parce qu’une espèce peut être rare par rapport à ses possibilités d’observation, donc elle est rare à l’échelle de l’observation. Il faut donc parfois, faire attention à des tas de petites nuances.
Le deuxième point, je dirais que c’est parce que la plongée est aussi une activité de loisir à grande ampleur. Qu’est-ce qu’un beau site de plongée ? Ca ne va pas être forcément un site riche, cela peut être un site très esthétique. Un très beau tombant très coloré pourra être tout à fait considéré comme très beau et très riche par un plongeur alors qu’en terme de diversité, il ne l’est pas forcément. Parfois, c’est un grouillement de plein de petits animaux fixés, type hydraires, qui vont localement augmenter la biodiversité mais, esthétiquement, ne va pas être remarqué par un plongeur. Là aussi il y a un regard qui n’est pas forcément le même selon la façon d’observer le milieu.
Troisième, pour reprendre les propos de Jacques Grall, il y a un très gros problème de spécialistes en taxonomie et nous sommes inquiets pour l’avenir.
Merci beaucoup.





Mis à jour le 18 janvier 2008 à 15:24