2006 : La biodiversité du littoral > TR1 : La biodiversité des habitats littoraux, histoire et évolution >
Discours d'ouvertureDiscours d'ouverture
Xavier Rolin, Amiral, préfet maritime de l’Atlantique depuis le 1er septembre 2006.
Biographie :
ROLIN XavierCompte rendu :
Voir la vidéo de
Xavier Rolin
Transcription :
13 octobre 2006 Ouverture
Discours de l'Amiral Xavier Rolin :
Monsieur le président,
Monsieur l’ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Je veux tout d’abord remercier très chaleureusement le comité d’organisation de ces 10èmes entretiens « Sciences et Ethique » de m’avoir invité à m’exprimer, parmi un aréopage relevé de scientifiques, sur le thème de «la biodiversité du littoral », ce qui, vous en conviendrez, s’apparente à un exercice de style plutôt ambitieux pour un militaire…
Je développerai principalement deux séries de considérations : tout d’abord le lien fort qui existe entre la création d’un outil de défense et la recherche scientifique, puis les applications duales qui unissent la marine nationale à l’usager de la mer au travers de projets, s’appliquant dans la frange littorale et qui rejoignent la biodiversité.
L’indépendance d’une nation maritime repose notamment sur sa capacité d’action en mer, c’est à dire son aptitude à protéger ses intérêts, à soutenir dans le domaine maritime une politique d’influence, de rayonnement, de promotion de l’équilibre et de la stabilité internationale.
La possession d’un outil de défense performant repose sur une capacité technologique et industrielle performant, qui se nourrit d’une politique de recherche dynamique, gage de la supériorité opérationnelle et de l’adaptation aux menaces futures.
Les armées - et en particulier la marine nationale – sont donc demandeurs d’une relation forte avec le monde de la recherche scientifique dans un grand nombre de domaines : intervention sous la mer, détection, transmissions sécurisées, imagerie spatiale, cryptologie, systèmes d’armes, résistance des matériaux, discrétion acoustique, etc.
Dans sa politique de recherche et développement , la Défense ne peut plus être isolée. Elle doit s’enrichir des apports d’autres acteurs : université, réseaux de centres de recherche. Cette démarche me semble aussi guidée par un souci d’efficacité, car l’innovation, je le crois, est un processus collectif qui n’aboutit qu’au sein d’organisations suffisamment ouvertes sur l’extérieur.
Le développement de recherches duales, l’exploitation des synergies civilo-militaires pour la définition et le développement de projets est donc une voie d’avenir.
C’est pourquoi la participation active de la marine au sein des pôles de compétitivité me paraît particulièrement importante. Elle est aujourd’hui une réalité vivante.
Pour n’en citer que quelques exemples, je mentionnerai seulement l’association de l’Institut de Recherches de l’Ecole Navale (IRENAV ) avec les grandes écoles de la place brestoise sur les thématiques de la sécurité maritime, de la maintenance dans le domaine naval, de l’exploitation des ressources énergétiques marines, et du génie côtier.
De même, le service soutien de la flotte (SSF), également adhérent au pôle de compétitivité mer « Bretagne », s’intéresse au concept de navire « zéro rejet », et à la mise au point de peinture antifouling non polluante. Cet intérêt pour les technologies liées à la protection de l’environnement n’est pas surprenant, car le chef d’état-major de la marine a émis en 1998 une directive prescrivant l’application par les bâtiments de la marine d’un certain nombre de normes environnementales qui, normalement, ne s’imposent qu’aux bâtiments de commerce (c’est à ce titre que les navires construits pour la marine sont conformes à la réglementation MARPOL).
Cette directive a devancé la formalisation en 2003 par la ministre de la Défense d’une politique générale de prise en compte au sein du ministère des exigences de la protection de l’environnement et du développement durable. Cette politique est assortie d’engagements qui s’appliquent notamment dans le domaine des acquisitions d’équipements. Ces acquisitions sont désormais réalisées en fonction d’impératifs liés à la maîtrise de l’énergie, aux rejets atmosphériques, au traitement et à l’élimination des déchets, et qui se traduisent par des efforts de recherche et d’innovation très significatifs.
Mais je voudrais insister aujourd’hui sur un projet dual qui intéresse le préfet maritime, et s’applique à la gestion du littoral.
Il convient d’abord de rappeler que pour le préfet maritime que je suis, la zone littorale est un espace primordial, à la fois fragile et convoité, caractérisé par sa richesse biologique, mais aussi par la multiplicité des co-activités qui s’y exercent, au bon ordre desquelles il m’incombe de veiller.
La connaissance de la zone littorale et la protection de ses écosystèmes – donc de sa biodiversité - incombent pour une part à la marine, au travers des missions qui lui sont confiées de lutte contre les pollutions et de diffusion des connaissances sur la géographie et les caractéristiques physiques du littoral. Le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM), basé à Brest, est l’organisme de recherche scientifique de la marine auquel revient depuis plus de 2 siècles de recueillir et diffuser les informations sur le littoral. Il est également partenaire du pôle de compétitivité.
En cohérence avec les recommandations de l’Union Européenne, et en vertu du souhait émis par le Comité Interministériel de la Mer en avril 2003, le Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire (CIADT) a confié en septembre 2004 au SHOM et à l’Institut Géographique National (IGN) le développement d’un projet d’amélioration de la connaissance cartographique du littoral.
L'objectif de ce projet, appelé « Litto3D », est de satisfaire les besoins des acteurs et des gestionnaires du littoral en information bathymétrique et topographique fine dans la frange côtière, en métropole et dans les départements d'outre-mer.
Cette coopération a concrètement pour but de réaliser une cartographie numérique en 3 dimensions de la zone littorale, qui permettra de mieux modéliser la circulation des eaux côtières, mesurer l’évolution de la pollution tellurique, de mieux prévoir le comportement de pollutions marines à l’approche de zones littorales sensibles, de délimiter les zones inondables, de mieux cerner les effets de l’érosion. En un mot, il améliorera le travail des aménageurs du territoire.
L’ingénieur en chef LOUVART, du SHOM, vous présentera le sujet cet après-midi.
La marine nationale s’est engagée dans ce projet de grande ampleur, en finançant et réalisant un démonstrateur de base de données, à partir de levés réalisés d’avion et de vedette par bathymétrie laser dans le golfe du Morbihan.
L’avenir de ce projet est une extension de cette cartographie à l’ensemble des zones littorales de la France et des départements d’outre-mer. Elle reste à ce stade une ambition. Son coût représente 25 millions d’euros (dont 6,8 M€ pour la Bretagne seule).
Les zones « Natura 2000 », les secteurs inclus dans un schéma de mise en valeur de la mer, les estuaires, et les espaces écologiquement sensibles dans lesquels les activités économiques sont présentes mériteraient particulièrement d’être cartographiées avec précision en 3 dimensions.
Je tiens surtout à souligner le fait que l’outil « Litto 3 D » est appelé à devenir l’une des conditions premières de la mise en place d’une gestion intégrée des zones côtières , car il est le seul à offrir une référence géographique officielle, commune à tous les acteurs, assurant une continuité cartographique entre la terre et la mer dans toutes les dimensions où se développent les activités à intégrer.
C’est donc un instrument qui met l’Europe, l’Etat et les collectivités territoriales à même de mener des actions régionales fondées sur la connaissance des milieux et favorisant la protection des écosystèmes. Tel est précisément l’objectif que prône la commission européenne dans sa communication au Conseil et au Parlement européens du 24 octobre 2005.
« Litto 3 D» offre un excellent exemple de développement à Brest d’un projet en synergie entre le monde civil et le monde militaire, projet dans lequel les finalités militaires ne sont pas prédominantes.
Il témoigne d’une prise de conscience de la nécessité de mieux maîtriser les enjeux et la complexité de l’espace littoral, en vue de « mieux penser le littoral de demain », et de la volonté de la marine de s’ouvrir sur le monde scientifique, en particulier dans la région brestoise.
J’ajouterai, et vous l’aviez compris, qu’il allie science et éthique : Oserais-je dire qu’il est moral, car l’éthique, science de la morale, tend aussi à devenir la morale de la science. Je suis certain que les sessions de ce colloque nous éclaireront sur ce débat épistémologique.
Mis à jour le 18 janvier 2008 à 15:02