1998 : Risques associés aux progrès technologiques > Débat enregistré par France Culture "Staccato": L'eau douce en danger >
Dscours de René Seux : L'eau douce en dangerDscours de René Seux : L'eau douce en danger
Professeur à l'Ecole Nationale de la Santé Publique, Rennes
Biographie :
SEUX Bernard Compte rendu :
Transcription :
23 octobre 1998 Débat France Culture "Staccato"
Discours de René Seux :
Je voudrais tout d’abord apporter un complément aux propos relatifs à la contamination des eaux par les pesticides de mon collègue le Professeur Hartemann. S’il est vrai qu’un effort particulier est fait actuellement pour mettre en place des procédés adaptés, notamment du charbon actif, pour retenir ces substances lors de la production des eaux alimentaires, la contamination des ressources bretonnes en eau reste une préoccupation d’actualité.
L’exposition de l’humain aux métaux lourds connaît un regain d’intérêt depuis une quinzaine d’années. Parmi eux, le plomb occupe toujours une place privilégiée et les recherches les plus récentes ont permis d’élargir nos connaissances sur l’ensemble des effets d’une exposition, même modérée de l’humain à ce métal, en particulier dès son plus jeunes âge.
Dans ce contexte, l’O.M.S. a été amenée à revoir la dose journalière tolérable. Elle est actuellement fixée à 18 μg/J pour le nourrisson et à 214 μg/J pour l’adulte. Dans un environnement rural, l’eau peut apporter la moitié du plomb ingéré par les jeunes enfants dès que la concentration de cet élément dans l’eau atteint 10 à 12 μg/L. Or, cette valeur aujourd’hui adoptée par la nouvelle directive communautaire est très largement dépassée dès lors que des eaux agressives sont en contact avec des canalisations en plomb.
Certes le nourrisson est diversement exposé en fonction du milieu social dans lequel il est placé. Il est probable que la grande majorité des biberons sont aujourd’hui préparés avec de l’eau embouteillée, mais il faut cependant souligner que ce sont les classes les plus défavorisées qui sont sans doute les plus exposées aux autres formes de contamination dans l’environnement par le plomb (environnement industriel et habitat ancien).
Les peintures au plomb appliquées jusqu’en 1948 constituent sans aucun doute le risque le plus élevé. D’une façon globale les apports de plomb chez l’homme sont nettement plus élevés en France, même s’ils varient selon les sites géographiques, qu’aux Etats-Unis par exemple.
Dans ces conditions, une remise en cause de la concentration limite actuelle dans les eaux alimentaires (50 μg/L) paraît tout à fait légitime, mais la valeur de 10 μg/L fixée à l’horizon de 15 ans constitue un objectif élevé pour nos réseaux de distribution.
En effet, toutes les études de terrain réalisées au cours de ces dernières années montrent que la concentration moyenne journalière (eau prélevée à l’aide d’un robinet proportionnel au point de puisage pour l’alimentation du foyer) excède bien souvent cette valeur limite.
Dans le but de cerner les facteurs qui concourent à l’intensité de la dissolution du plomb dans l’eau des réseaux, nous avons conduit une recherche qui nous a permis de modéliser l’évolution des concentrations moyennes journalières en fonction de la qualité de l’eau appréciée au moyen du pH et de la minéralisation fondamentale (TAC, TH calcique) d’une part, et des caractéristiques des réseaux intérieurs d’autre part.
Cette modélisation montre qu’avec des eaux de pH relativement élevé (pH 8) et de faible TAC, la contamination moyenne est toujours la plus faible, mais elle peut atteindre la valeur limite de 10 μg/L dès que le linéaire de canalisation en plomb atteint 10 mètres.
La valeur de 25 μg/L est atteinte pour des eaux de pH plus modéré (7,5) avec un TAC moyen de 20 ∝f dès que l’on a 15 mètres de canalisation en plomb. Enfin, cette dernière valeur est atteinte pour des canalisations de moindre importance avec des eaux dont le pH descend au voisinage de 7.
Ceci montre que l’on dispose aujourd’hui des moyens nécessaires pour effectuer un tri géographique et programmer des interventions étalées dans le temps en fonction des priorités aussi bien pour ce qui relève des gestionnaires des réseaux publics pour les branchements que ce qui appartient au domaine privé avec les réseaux intérieurs.
Mis à jour le 26 février 2008 à 15:09