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Synthèse de la table ronde 4 : Rôle et limites des comités d'éthiqueSynthèse de la table ronde 4 : Rôle et limites des comités d'éthique
Modérateur:
Lucie Degail, chargée de mission, Haut Comité de la Santé Publique
Serge Mabeau, directeur général, Bretagne Biotechnologie Végétale, Saint-Pol-de-Léon
Dominique Memmi, chercheur en sociologie et science poilitique, CNRS-IRESCO paris
Anne-Marie Moulin, médecin, philosophe des sciences, unité 158, CNRS INSERM Paris
Gilles Rault, médecin, Clinique Mucoviscidose, Centre Hélio-marin de Roscoff
Biographies :
DEGAIL Lucie,
MEMMI Dominique ,
MOULIN Anne-Marie ,
RAULT Gilles Compte rendu :
Transcription :
18 octobre 1997 TR 4 : Un comité d'éthique, pour quoi faire?
Synthèse :
Au cours de son introduction
Lucie Degail met en valeur les progrès fulgurants de la recherche et de la connaissance, notamment en biologie humaine, qu’il s’agisse de la maîtrise de la reproduction humaine et du décryptage du génome humain, de la connaissance de plus en plus fine du fonctionnement du cerveau ou de la création d’organismes génétiquement modifiés en biologie végétale. De telles avancées suscitent des interrogations, voire des inquiétudes sur les conséquences possibles de ces recherches sur l’homme et la société.
On a souvent l’impression que tout se passe comme si la crainte de voir les résultats de ces recherches appliqués d’une façon inacceptable l’emporte a priori sur l’espoir du mieux-être qu’elles doivent normalement entraîner. À ce propos, nous devons réfléchir à la différence entre le devoir de vigilance rigoureuse des citoyens sur l’utilisation de ces recherches et la crainte irraisonnée et non maîtrisée qu’elles suscitent. C’est pour faire face à cette situation, qu’ont été conçus et mis en oeuvre, des comités d’éthique et notamment le Comité Consultatif National d’Ethique en 1983. Ces comités s’efforcent d’apporter des réponses aussi consensuelles que possible aux questions posées par les résultats des recherches et leur utilisation, y compris en proposant parfois des procédures légales et réglementaires d’interdiction de leur usage.
Lucie Degail rappelle que l’objectif de la table ronde est d’établir à partir des témoignages le rôle et l’utilité de ces instances, au quotidien, pour des professionnels, puis de s’interroger sur la place et le rôle de ces instances dans la société : "Est-il raisonnable, en fait, de laisser de facto à un petit nombre de personnalités, aussi qualifiées soient-elles, le soin de résoudre, au nom de la population, des questions aussi complexes et sujettes à controverse ? Ces instances ne sont-elles pas devenues, trop vite, des lieux d’élaboration de "normes" plus ou moins consensuelles ? Ne sommes nous pas passés trop vite, de la réflexion aux recommandations ? N’a-t-on pas privé la population d’un débat démocratique c’est-à-dire ouvert, controversé, pas forcément consensuel, sur des sujets aussi importants et complexes..."
À toutes ces questions chacun a essayé d’apporter des éléments de réponse.
Serge Mabeau tout d’abord présente "Bretagne Biotechnologie Végétale" (B.B.V.), structure de recherche appliquée au service de la filière légumière régionale, qui a fait le choix des biotechnologies végétales, sans recours à la transformation génétique. Pour
Serge Mabeau, l’acceptabilité des O.G.M. (Organismes Génétiquements Modifiés) par le consommateur est liée, d’une part, à des critères objectifs : l’évaluation des risques (pour la santé, pour l’environnement), d’autre part à des critères affectifs, philosophiques ou culturels. Il nous semble que ces derniers critères méritent également d’être pris en compte par les chercheurs et industriels. La difficulté, dans ce contexte, à développer une activité en biotechnologies végétales (autrement dit dans les "autres" biotechnologies végétales, hors transformation génétique), réside dans la communication vers le public : il est en effet difficile d’éviter, dans l’esprit du grand public, l’amalgame entre transformation génétique (les O.G.M.) et l’utilisation des empreintes génétiques, qui consiste par des méthodes modernes, à analyser les caractéristiques génétiques (les caractéristiques des chromosomes) des plantes afin d’accélérer les procédures classiques de création de nouvelles variétés.
Anne-Marie Moulin rappelle qu’en médecine, il n’y a pas de comité d’éthique spécifiquement chargé du domaine des O.G.M. Par contre, il existe de nombreux comités chargés de la protection des malades ou plus largement des sujets soumis à des essais cliniques. L’histoire de ces comités témoigne de l’évolution historique des médecins vis-à-vis de l’expérimentation. A la fin du XIXe siècle, pour la génération qui a suivi Claude Bernard, l’idée de traitement moderne s’est associée à celle d’expérimentation. Mais pendant longtemps, les médecins ont jugé que leur savoir était de nature telle que le débat devait être circonscrit au cadre de la profession - entre pairs. Les excès de la seconde guerre mondiale ont alerté à la nécessité de faire intervenir d’autres représentants de la population. Le Comité National d’Ethique qui fonctionne actuellement depuis plus de dix ans est un comité consultatif qui a pour mission, entre autres, d’animer le débat public en permettant à un pluralisme d’opinions de se manifester. Sa tâche est délicate puisqu’il doit associer l’écoute de ce pluralisme à la recherche d’un consensus.
Pour
Gilles Rault le principal problème du praticien est que le comité d’éthique n’a jamais de solutions toutes faites. Son rôle majeur a été de stimuler la réflexion sur les problèmes d’éthique. Ceux-ci concernent souvent des notions de risques pour une population de patients dans l’intérêt d’un seul (comment soigner un patient qui risque de contaminer les autres ? par exemple dans le cas des infections transmissibles d’un patient à l’autre). Actuellement, les praticiens sont plus humbles vis-à-vis de leur savoir, il y a plus de liens entre eux, plus d’échanges avec les patients ou les associations qui les représentent et davantage de réflexion.
Pour
Dominique Memmi, le Comité National d’Ethique se veut une autorité purement "morale", sans pouvoir juridique ou politique réel. Ceci en dépit de son influence effective sur le Parlement au moment du vote des lois bioéthiques de 1994. Il est vrai que son pouvoir est ailleurs. Il réside dans sa capacité à fabriquer, pour la collectivité, un produit de compromis concernant les usages qu’on a le droit de faire du corps humain. Il oscille entre deux définitions extrêmes du corps : l’une où le corps serait totalement tabou, l’autre où il serait totalement objet. L’essentiel ici étant de récupérer les extrêmes...
Deux questions du public : comment le comité se saisit-il d’un problème ? et l’éthique s’arrête-elle aux frontières ?
Anne-Marie Moulin répond que n’importe quelle personne, y compris un membre du Comité, peut proposer un cas de conscience. Mais elle avoue ne pas savoir si certains sujets sont délibérément écartés. En revanche, elle pense que le comité d’éthique devrait peut-être écouter un peu plus les malades, et les sujets soumis à des essais cliniques. En réponse à la seconde question, elle précise qu’il existe une association internationale d’éthique qui insiste sur le respect des droits de l’homme. Cette association tente aussi de montrer et de comprendre les divergences qui existent entre les comités d’éthique des différents pays, même à l’intérieur de l’Europe.
A la question, un comité d’étique est-il indispensable ?,
Serge Mabeau répond : "Un comité d’éthique, je ne sais pas. Mais une réflexion sur les problèmes de risques certainement, pour pouvoir aller au-delà de ces risques".
Mis à jour le 14 février 2008 à 10:26