1998 : Risques associés aux progrès technologiques > Restitution de l'Atelier Repère "énergie nucléaire civile" >
Discours de Jean RosmorducDiscours de Jean Rosmorduc
Professeur d'histoire des sciences à l'UBO
Biographie :
ROSMORDUC Jean Compte rendu :
Transcription :
24 octobre 1998 Atelier énergie nucléaire civile
Discours de Jean Rosmorduc :
Je ferai trois remarques pour commencer :
Le public de l’Atelier était presque exclusivement composé des étudiants de la maîtrise “gestion de l’environnement” de l’U.B.O., donc de jeunes pour lesquels la protection de la nature constitue une question prioritaire. L’Atelier n’est donc pas représentatif de l’opinion moyenne des Français ni même de cette tranche d’âge.
Les mouvements d’opinion de grande ampleur, en Bretagne même, à propos de l’énergie nucléaire, datent maintenant de 18 à 20 ans. Aucun des participants ne pouvait donc en avoir gardé le souvenir, si ce n’est à travers des récits de leurs aînés. La centrale de Brennilis est arrêtée depuis plusieurs années. Du reste, quand elle était en fonctionnement, elle n’a pas suscité de protestation. Au contraire, les élus de la Région appréciant (comme ailleurs) ses retombées économiques et les taxes professionnelles qu’elle amenait aux collectivités, se sont élevés contre sa fermeture. Le nucléaire civil n’est donc pas, pour le public de l’Atelier, un sujet touchant actuellement leur proximité géographique (quant au nucléaire militaire, il est souvent passé sous silence).
Il n’en aurait pas été de même si nous avions traité, par exemple, de la pollution par les nitrates ou de la “vache folle”.
La forme de l’Atelier -quelques “spécialistes” face à des jeunes relativement peu informés- ne se prêtait guère à une discussion “ouverte”. Elle était du reste rendue encore plus difficile par le caractère dogmatique et sans nuances du discours de certains des “spécialistes” présents.
Ceci étant, le sujet lui-même ne recèle plus beaucoup de mystère et les questions ont porté sur différents aspects maintenant assez bien connus :
Les mines d’uranium, l’extraction du minerai, les risques courus par les mineurs, les problèmes posés dans les régions environnant ces mines et ensuite à l’occasion du transport des matériaux extraits. A relier à ce point, la pollution par le radon dans les maisons de certaines régions (exemple actuel du Limousin) et une question relative aux pays d’où nous importons aujourd’hui l’uranium : si les mines françaises ferment, quid de la soi-disant “indépendance énergétique” de la France dans ce domaine ?
Le fonctionnement “normal” des centrales, en l’absence de tout incident ou accident. Quelles pollutions réelles dans le voisinage : radioactives, thermiques..; Que sait-on du danger encouru par les gens subissant en permanence de faibles doses ? Qu’en est-il du personnel des centrales ?
Les risques d’accidents dans les centrales : minimes (cas apparemment fréquents) ou majeurs (type Tree Miles Island ou Tchernobyl). Peut-on réduire considérablement ces risques en prenant une foule de précautions ? Quid des risques d’erreurs (ou de fausses manoeuvres) humaines ?
Il paraît cependant évident que, même en multipliant les précautions, on ne parvient jamais au “risque zéro”.
Le devenir des centrales : que devrait-on en faire quand elles sont définitivement arrêtées ? Pour ce point, Brennilis est un bon exemple. Quand aura-t-elle disparu complètement ? Est-ce seulement dans 50 ans comme l’écrit la presse ?
Les déchets : la question, étant l’un des sujets des entretiens, n’a été évoquée que rapidement. Peut-on raisonnablement espérer aboutir un jour à une solution réellement satisfaisante ?
Le coût du kw/h nucléaire : les chiffres donnés par E.D.F. sont très inférieurs à ceux que publient d’autres instances (la fédération C.F.D.T. de l’énergie, par exemple). Qu’est-ce qui est pris en compte dans les différents calculs ?
Quelques discussions ont eu lieu sur quelques autres sujets :
L’incitation impulsée par E.D.F. à certaines époques, en faveur du chauffage électrique des maisons et des appartements. Le coût énergétique en est obligatoirement élevé. D’autres formules seraient-elles souhaitables ?
Il n’y a jamais eu de débat véritable en France sur le choix du “système énergétique”. En 73-74, le programme électronucléaire a relevé seulement d’une décision gouvernementale. L’orientation vers le “tout-nucléaire” en matière de production d’électricité (75 à 80 % de l’électricité produite en France) est-elle justifiée ? N’est-ce pas “mettre tous ses oeufs dans le même panier” ? On parle souvent de “diversification”. Qu’est-ce qui est réellement fait à ce propos ?
La priorité à l ‘électricité en tant que “vecteur énergétique”. A condition que la production électrique ne soit pas due à la combustion de matériaux organiques, fossiles (gaz, pétrole, charbon ...) ou non (bois ...), ce “vecteur” ne contribue pas à “l’effet de serre”. Tout en sachant que le parc de centrales nucléaires ne peut pas être abandonné en quelques mois, qu’un choix énergétique est valable pour 30 à 40 ans, existe-t-il d’autres formules pour la production électrique dans l’avenir ? Quid de l’hydraulique, du solaire, de l’éolien, du géothermique ... ? L’existence du secteur nucléaire militaire ne pollue-t-il pas le débat ?
Les participants ont unanimement loué l’hospitalité d’E.D.F.
Mis à jour le 07 février 2008 à 16:19