2001 : Internet, la substantifique toile : science en jeu et jeu de pouvoirs ? > TR 4 : Territoires et société en réseau : du local au mondial en passant par le régional >
Discours d'Olivier ZablockiDiscours d'Olivier Zablocki
Editeur de réseaux, membre du Collège Régional de Prospective (Poitou-Charentes)
Biographie :
ZABLOCKI OlivierCompte rendu :
Transcription :
20 octobre 2001 TR4
Discours d'Olivier Zablocki
Territoire ou paysage thématique : le réseau interroge nos représentations
Olivier Zablocki:
J’ai envie d’enchaîner sur cet espace, sur cette famille répartie sur le territoire du bassin méditerranéen. Quand on participe à cette vie sur les réseaux, on est très vite confronté à la question du territoire, et à l'identité de celui-ci dans un rapport à nos cultures pour lesquelles, en terme d’identité, le territoire a traditionnellement été une porte d’entrée, naturelle, dominante, évidente.
Cela est moins évident aujourd'hui, dans une société en réseau, et pour l’illustrer, je parlerai de quelque chose de très personnel, dans l’expérience d’Antioche. Ce site s’interroge sur l’aménagement de la mer d’Antioche (Iles de Ré, Oléron, Rochefort, La Rochelle), sur l’avenir de ce pays riverain. Théoriquement, ces territoires paraissent se définir assez naturellement et très localement : ce sont des gens qui appartiennent à un même paysage. Or, à partir du travail mené ces derniers mois, j’observe que nous y venons des quatre coins de France. La famille en question est très thématique finalement, même si le sujet est territorial. Et l'on ne peut séparer la technique, les tuyaux, les contenus, surtout sur une échelle de territoire où la densité n'est pas telle qu'elle soit naturellement productive d’une expression en réseau vers l’extérieur.
Jean Guisnel:
Quand vous dites territoire, vous pensez territoire géographique, est-ce qu’il ne faut pas raisonner autrement et penser territoire thématique, centre d’intérêts collectifs qui s’exprimerait peut-être comme dans Antioche, ou les news groups ? Le territoire ne serait plus seulement une notion géographique, physique, mais peut-être aussi géographique virtuel, thématique.
Olivier Zablocki:
Dans l’expérience au quotidien, j’en suis de plus en plus convaincu. Mais l’on a un drôle de problème politique derrière, car malgré tout, l’identité a longtemps été pensée par rapport à un territoire. Le politique aussi est pensé par rapport à un territoire géographique. Et il est assez vertigineux de se demander comment faire de la politique dans une société en réseau.
Jean Guisnel:
Je pense que c’est là une des questions.
Processus de construction et projection du politique dans un espace donné
Pascale Lemoigne:
Je voudrais rebondir sur ce que dit Olivier Zablocki sur la notion de territoire. On a l’impression, très souvent parce qu’on est y habitué, et que l’on a des repères culturels, sociaux et politiques, que le territoire géographique est une donnée objective. Or c’est un découpage de l’espace qui est fondé sur des représentations, qu’elles soient historiques ou politiques, voire linguistiques. Et c’est vrai que la problématique d’une société en réseau nous conduit à repenser les pré-requis qui informent nos représentations habituelles du territoire. On se retrouve effectivement dans un nouveau processus de construction de nos représentations du territoire. Quand on s’interroge sur la société en réseau, cela nous ramène un peu en arrière, au moment, où par exemple, l’État-nation s’est construit en France. Cela s'est fait à partir de Louis XI notamment et fut amplifié par François 1er au XVIe siècle, par la création d’une institution qui a centralisé un pouvoir de représentation d’un peuple sur un espace à définir. Cet espace-là n’était pas homogène mais fait d’ajouts de gens qui avaient des horizons et des cultures locales très différentes. On a fini par stabiliser trois repères : le territoire géographique, la population qui y vit, chapeautée par une institution, et un ensemble de lois qui structurent cet espace et ces représentations. Tout au long de la constitution de la France avec ses frontières actuelles, cet État-nation s'est formé par exemple en définissant à la fois une langue commune et un espace fixe. Si l’on regarde bien l’histoire du XVIe siècle, on se rend compte qu’il y a une volonté politique, notamment de François 1er d’étendre et de consolider les frontières, tout en instituant l’état civil d'une population stable et en instituant une langue du royaume. Cela s'est fait notamment par l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. On a donc trois repères, très liés, qui vont être mis en rapport par l’institution qu'est l’Etat. Ces repères sont une des représentations que l’on projette sur un espace qui sous-tend la territorialité de l'Etat-nation.
Mis à jour le 04 février 2008 à 15:15