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2001 : Internet, la substantifique toile : science en jeu et jeu de pouvoirs ? > TR 2 : Conditions techniques, juridiques, culturelles et économiques pour une communication équitable sur le réseau >  Discours de Annie Blandin-Odernesser : La combinaison des contrats, des usages et de la loi

Discours de Annie Blandin-Odernesser : La combinaison des contrats, des usages et de la loi

Spécialiste du droit des télécommunications et de l'Internet, maître de conférences ENST Bretagne

Biographie :

BLANDIN-ODERNESSER Annie

Compte rendu :

Transcription :

19 octobre 2001 TR2


Discours de Annie Blandin-Odernesser



Liberté totale ou régulation mondiale ? La question serait posée en des termes moins emphatiques si l’on s’efforçait de procéder à une évaluation objective des risques résultant de l’usage d’Internet alors qu’on se contente plus volontiers d’amplifier des rumeurs très alarmistes sur la multiplication des risques les plus divers : circulation de contenus illégaux, atteintes à la vie privée, atteintes à la sécurité des réseaux…

A défaut d’être évalués, ces risques doivent au moins être relativisés. Le dossier de la protection des données personnelles en est l’illustration. A l’occasion de la publication du rapport annuel de la CNIL, on a pu lire dans la presse le commentaire suivant s’agissant de la protection de ces données : la généralisation d’Internet, loin d’être un obstacle au respect des droits, a été le moteur d’une prise de conscience collective. Selon l’auteur de l’article, “ l’alarmisme ” sur les données personnelles serait ainsi démenti. A cette responsabilisation accrue des acteurs de l’Internet s’ajoute l’indifférence d’une partie d’entre eux à la problématique de protection de la vie privée.

S’il est légitime d’œuvrer à dissiper les craintes liées à l’usage de l’Internet, de créer un climat de confiance destiné à ouvrir la voie à son développement, à l’image de l’Union européenne qui a fait de la lutte contre les contenus illégaux la pierre angulaire de son cadre réglementaire du réseau des réseaux, il n’est pas raisonnable en revanche de prétendre élaborer un droit de l’Internet à partir des cas les plus infâmes comme la diffusion de contenus néo-nazis par exemple.

Il n’en demeure pas moins qu’Internet étant un espace social, il doit être saisi par le droit mais sur le mode particulier de la régulation avec comme objectif la création d’un espace de responsabilité plus qu’un espace de liberté.

Régulation ne s’oppose d’ailleurs à liberté que si l’on considère que le droit est porteur de répression. Or, le but de la régulation n’est il pas au contraire d’encadrer une liberté qui est elle-même un produit de la réglementation ?

La régulation s’oppose d’autant moins à la liberté que le concept même de régulation traduit une limitation du caractère impératif de la norme juridique. La régulation correspond au fait de maintenir en équilibre, d’assurer le fonctionnement correct d’un système complexe. Elle apparaît comme une nouvelle forme d’action publique adaptée aux enjeux de l’économie moderne. Ceci justifie que le terme soit employé le plus souvent au sens anglo-saxon et couvre donc autant l’élaboration des règles de droit que leur application. Il est également justifié dans cette optique de parler de régulations (au pluriel) pour rendre compte de la combinaison entre les contrats, les usages et la loi qui est au cœur du concept.

A quel niveau doit se mettre en place la régulation ?
Entre régulation mondiale et liberté totale, il y a des niveaux intermédiaires : la régulation étatique et la régulation “ régionale ” comme celle de l’Union européenne.

L’Union européenne nous paraît être le niveau pertinent d’élaboration et d’application de la norme relative à Internet. Et cela pour trois raisons au moins.

C’est d’abord là que s’élabore la norme juridique compte tenu des transferts de compétence qui ont été opérés au fil du temps. Prendre la juste mesure de cette réalité permettrait d’éviter d’inutiles débats. L’exemple de la mise en place du régime de la responsabilité des intermédiaires techniques (fournisseurs d’accès et d’hébergement) est révélateur d’une interaction faible entre droit communautaire et national. Après ce qu’une association a qualifié de ping-pong jurisprudentiel et législatif et pas moins de deux lois, la loi sur la liberté de communication d’août 2000 et le projet de loi sur la société de l’information, la France va peut-être enfin se doter d’un régime de responsabilité tout simplement conforme à une directive communautaire sur le commerce électronique qui n’a certes été adoptée qu’en juin 2000 mais dont la gestation remonte à février 1999. Il existe bien une marge de manœuvre dans la transposition des directives mais celle-ci, dès lors que l’objectif est bien identifié, ne justifie pas un débat aussi animé sur les moyens.

Du point de vue des objectifs et compte tenu de l’étendue de ses compétences qui la distingue d’une organisation spécialisée, l’Union européenne est en mesure d’élaborer une véritable politique à l’égard d’Internet, politique fondée sur la recherche d’un équilibre entre logique de marché et préoccupations citoyennes.

Enfin, s’agissant des modes d’action, la régulation à l’échelon de l’Union prend tout son sens dès lors qu’elle s’inscrit dans une perspective nouvelle qui est la réforme de la gouvernance européenne. Par gouvernance, on entend les règles, les processus et les comportements qui influent l’exercice des pouvoirs au niveau européen, particulièrement du point de vue de l’ouverture, de la participation, de la responsabilité, de l’efficacité et de la cohérence. Dans la mesure où le modèle linéaire consistant à décider des politiques au sommet est appelé à être remplacé par un cercle vertueux basé sur l’interaction, les réseaux et sur une participation à tous les niveaux, la réforme de la gouvernance apparaît comme étant intimement au développement d’Internet.

En conclusion, on peut dire qu’Internet est à la fois sujet et objet du droit communautaire, sujet parce qu’il est l’espace où la décision peut se prendre en concertation avec la société civile et objet en ce que les compétences de l’Union permettent de traiter toutes les questions qui vont de la protection du consommateur, des données personnelles, des droits des auteurs aux contrats du commerce électronique en passant par la signature électronique, la sécurité des réseaux ou encore la lutte contre les contenus illégaux.







Mis à jour le 04 février 2008 à 11:22