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Le littoral vu par les jeunes
Les webtrotteurs des lycées Vauban et Kerichen sont allés à la rencontre des jeunes des écoles de Ouessant et du Conquet et leur ont posé une question simple : Pour toi, qu'est-ce que le littoral ?

Visionnez les réponses des jeunes :
- Ecole Sainte Anne à Ouessant
- Ecole Saint Joseph au Conquet



2005 : Le littoral et les avancées scientifiques > TR 1 : Un littoral, des approches diversifiées >  Discours d'ouverture : La loi Littoral et l’impact sur le rôle de la Marine Nationale

Discours d'ouverture : La loi Littoral et l’impact sur le rôle de la Marine Nationale

Laurent Merer, Amiral et Préfet maritime de la Région Atlantique

Biographie :

MERER Laurent

Compte rendu :

Voir la vidéo de Laurent Merer


Transcription :

7 octobre 2005 Ouverture


Discours de Laurent Merer


Monsieur le Président, (pour la journée du 7 oct., M. Lucien Laubier , )

Je veux tout d’abord remercier le comité scientifique d’organisation de ce nouveau colloque « Sciences et Ethique » de m’avoir invité à exprimer le point de vue d’un marin militaire et d’un préfet de la mer sur le thème du « Littoral et des avancées scientifiques ».
Pour le militaire, la zone littorale peut être définie comme un espace stratégique particulier : celui des eaux côtières, ou « brown waters », dans lesquelles les acteurs et menaces sont nombreux, et « asymétriques », par opposition aux « blue waters » hauturières, où l’action relève d’acteurs militaires. C’est dans ces espaces côtiers, au bord desquels se concentre la majeure partie de la population mondiale, que, par exemple, des actions de terrorisme maritime sont le plus susceptibles d’être menées. C’est également dans cet espace que sont menées certains types d’opérations navales, telles que la chasse aux mines ou les opérations amphibies à vocation offensive ou humanitaire.
Pour le préfet maritime, la zone littorale est un espace maritime débutant à la laisse de basse-mer, non délimité vers le large, mais dans lequel la cohabitation harmonieuse d’activités économiques de plus en plus nombreuses doit être garantie, et au bord duquel la densité d’occupation humaine se traduit par une pression forte sur l’environnement (pollution tellurique, infrastructures industrielles ou de loisir etc), dont les aspects seront développés au cours du colloque.

Par sa présence et son action en mer, la marine nationale exerce même en temps de paix différentes formes d’influence sur le littoral, notamment par la contribution qu’elle apporte aux préfets maritimes . Elle préserve la salubrité du littoral et protège les intérêts économiques littoraux par la lutte et la répression des pollutions maritimes, ou par l’adaptation de ses navires de guerre aux normes MARPOL. Elle recueille et diffuse les informations nautiques au profit des navigateurs, et participe le cas échéant à leur sauvetage. Elle sécurise les approches maritimes, dont le préfet maritime règlemente certaines utilisations. Elle contribue de manière éminente à la densification du tissu économique dans certains sites portuaires, qui font partie de l’espace littoral.

Je n’insisterai pas plus ces aspects connus de l’interaction entre marine nationale et espace littoral, et – à partir de projets actuellement en cours de développement -, j’articulerai mon propos sur deux thèmes : l’apport de la marine nationale aux avancées scientifiques destinées à favoriser une gestion intégrée des espaces littoraux, d’une part, et d’autre part l’utilisation par la marine des avancées scientifiques pour améliorer son efficacité dans la protection de l’environnement littoral.



1 - L’apport scientifique

L’organisation de certaines activités sur le littoral suppose une détermination et une connaissance précises de ses limites et caractéristiques physiques.

La marine nationale a en charge depuis environ deux siècles, la recherche et la diffusion d’une part importante des connaissances relatives aux zones littorales, au travers notamment de l’élaboration et la diffusion des cartes marines. Cette mission, qui échoit à son service hydrographique, doit aujourd’hui évoluer pour répondre aux attentes nouvelles d’acteurs de plus en plus nombreux dans cet espace « complexe et convoité ».

En cohérence avec les recommandations de l’Union Européenne, et en vertu du souhait émis par le Comité Interministériel de la Mer en avril 2003, le Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire (CIADT), réuni sous la présidence du Premier Ministre, a donc confié en septembre 2004 dernier à l’Etablissement Principal du Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (EPSHOM) et à l’Institut Géographique National (IGN) le développement d’un projet d’amélioration de la connaissance cartographique du littoral.

Ce projet, dénommé « Litto 3 D», offre un bon exemple de la part que prennent la Défense en général, et la marine en particulier, dans la nécessaire amélioration de la perception de complexité de l’espace littoral, en vue de « mieux penser le littoral de demain ».

La coopération entre EPSHOM et IGN a concrètement pour but de réaliser une modélisation en 3 dimensions du littoral, sur une altitude de 10 m. jusqu’à 3 nautiques vers le large. Cette modélisation fine de l’océanographie côtière devrait permettre de disposer d’un produit géographique unique, plus précis que les produits actuels, accessible à tous les utilisateurs de la mer, servant de base à un certain nombre de développements thématiques. A titre d’exemple, la modélisation de la circulation des eaux permettra :
- de mieux étudier et mesurer l’évolution de la pollution tellurique ;
- de mieux prévoir le comportement de pollutions marines à l’approche de zones littorales sensibles ;
- de délimiter les zones inondables en cas de coup de vent en conjonction avec fort coefficient de marée ;
- d’apprécier plus finement les conséquences d’extractions de granulats marins, les effets de l’érosion, ou les conditions d’implantation d’activités aquacoles ;
- d’étudier avec plus d’exactitude des possibilités d’aménagement dans les espaces littoraux tels que le golfe du Morbihan ou la baie du mont Saint-Michel, etc.
Plus d’une centaines d’applications de ce type ont été identifiées.
La marine nationale s’est engagée en commun avec l’IGN dans ce projet de grande ampleur, en finançant et réalisant un démonstrateur de base de données, et en effectuant avec de bons résultats des levés nouveaux par bathymétrie laser dans le golfe du Morbihan.
Nous ne sommes encore qu’à l’aube d’un projet civilo-militaire, dans lequel les finalités militaires ne sont pas prédominantes, mais très signifiant en termes d’aménagement du territoire. Il devrait permettre d’apporter des éléments d’appréciation plus pertinents à tous les décideurs - privés ou publics, locaux ou nationaux – soucieux d’un développement durable qui pourraient avoir à se prononcer sur l’opportunité d’aménagements ou d’infrastructures sur le littoral . Souhaitons donc qu’il mobilise, par exemple dans le cadre du pôle « Mer » de compétitivité, les ressources qui permettront de le mener à bien.


2 - Maintenant, après avoir vu ce que la Marine pouvait apporter à l’amélioration de la connaissance du littoral, voici quelques exemples de ce que les progrès scientifiques peuvent apporter à la Marine et au Préfet maritime dans la mission de protection du littoral.

2.1 - Je pense essentiellement aux progrès de la détection en mer, par des radars ou par des satellites.
Vous le savez, mon rôle est de lutter contre les pollutions en mer et contre les menaces de pollution. Or aujourd’hui des progrès considérables ont été réalisés dans la mise au point des radars à haute fréquence, capables de détecter au-delà de l’horizon et que l’on espère paramétrer suffisamment finement pour repérer des nappes d’hydrocarbures à la surface de l’eau.
En ce moment même, depuis quelques semaines, une telle installation est en cours d’expérimentation en mer d’Iroise. Des antennes haute fréquence ont été installées à Porspoder d’une part, sur le Cap Sizun d’autre part, et permettent par un traitement de signal approprié, de repérer des mobiles au-delà de ce que permettent les radars traditionnels. Il ne s’agit encore que d’expérimentations, mais les progrès rapides que j’ai pu moi-même constater laissent augurer d’une application opérationnelle prochaine. D’autant que ces radars ne permettent pas seulement de repérer des nappes d’hydrocarbures, ils permettent également la détection de navires, donc de risques potentiels, au-delà de la portée des outils actuels. Or pour le Préfet maritime il est primordial de repérer au plus tôt les situations anormales, de manière à pouvoir les traiter, les combattre ou les réduire le plus tôt possible. Vous imaginez bien que plus vite un navire en avarie au large de Brest reçoit l’assistance d’un remorqueur, plus les risques qu’il se brise s’atténuent. En cela aussi, les progrès de la détection en mer participent clairement à une meilleure protection du littoral.

2.2 - D’autre part, dans le domaine de la répression des pollutions et de la lutte contre les déballastages sauvages, nous nous intéressons actuellement avec le CEDRE à la détection satellitaire des rejets d’hydrocarbures en mer.
Bien sûr il reste encore du chemin avant qu’une détection par satellite soit recevable devant un tribunal. Encore faut-il déterminer qu’il s’agit bien d’hydrocarbures, dans des proportions illicites, et réussir à relier cette pollution à un navire bien précis. Mais le couplage d’une telle information avec d’autres sources de données comme les suivis de circulation maritime des CROSS ou le système d’identification automatique des navires (A.I.S.) pourrait très bien donner une utilisation opérationnelle à ce type de détection.

* * *

Pour terminer, je voudrais vous donner une dernière définition, un peu plus originale du littoral, que vous n’entendrez peut être pas souvent dans la suite de ces entretiens, la définition d’un marin. Pour un marin en effet, le littoral, la côte, c’est ce qu’il faut éviter à tout prix, c’est le lieu où s’échouent les navires, et où commencent les ennuis. Et puis c’est aussi l’abri, puis la porte qui lui permet de retrouver le monde « normal », celui des vivants, de sa famille, de ses amis. Le littoral est donc un espace riche, à la frontière des deux mondes, maritime et terrestre, empruntant aux deux, c’est donc un endroit unique qu’il est légitime de vouloir préserver.

Comme j’ai essayé de vous le montrer, les marins y ont leur part, et ce depuis longtemps. Cela fait plus de 250 ans en effet que l’Académie de Marine a été créée, ici à Brest. Et j’ai l’impression que nous en poursuivons en quelque sorte les travaux, aujourd’hui. D’autant plus que, peu d’entre vous sans doute le savent, nous travaillons sous la présidence d’un des membres actuels de cette prestigieuse académie, M. le Professeur LAUBIER, que je remercie de m’avoir invité à prononcer ces quelques mots.





Mis à jour le 21 janvier 2008 à 14:45